J'ai pris ma décision. Je ne sais pas encore de quelle façon je vais le lui annoncer, mais cette fois, c'est certain, je vais divorcer. L'idée me terrifie, mais je sais désormais que c'est la seule chose à faire. Je le sais depuis tellement longtemps, en fait. Florent ne me parle que pour me rabaisser ou me dénigrer. Le reste du temps, il est plongé dans l'observation béate de son téléphone portable ou du téléviseur. Lorsqu'un écran est allumé, les enfants été moi, nous devenons transparents. Nous en riions quelquefois. Mais malheur à nous si nous le faisons devant leur père, qui aussitôt nous couvre d'insultes ou nous bouscule, sans ménagements. Le rire est pourtant notre seul salut. Sans lui, nous serions tous devenus fous. Il nous permet le détachement, l'éloignement. En tournant la situation en autodérision, nous essayons de supporter cette vie qui se fait de plus en plus lourde et pesante. Mais Florent n'a de second degré que lorsqu'il s'agit des autres. Lui, il est intouchable. Alors le moindre sourire en sa présence est une insulte qui peut nous coûter cher.
— Je veux divorcer.
J'ai réfléchi à des millions de scénarios dans ma tête. J'y pense depuis des jours. J'ai peur. Et soudain, la phrase vient de sortir comme ça, simplement. Mon cœur bat à toute vitesse. J'ai peur des insultes, de sa réaction, forcément violente. J'ai peur qu'il me retienne, qu'il me dise qu'il m'aime, que tout peut être effacé. J'ai peur de céder, encore.
— D'accord. Et tu comptes faire comment ?
Il n'a aucune réaction. C'est comme si je venais de lui dire qu'il faut racheter du papier toilette.
— Je vais déposer un dossier chez les bailleurs sociaux, je vais contacter une assistante sociale.
Il a un rictus moqueur.
— Tu as une idée du prix des loyers, ici ?
Oui, j'en ai une idée très précise. Depuis des semaines, je me suis abonnée à toutes les annonces immobilières de la région. Avec les différents rendez-vous médicaux de Gabriel, je dois rester en centre-ville. C'est hors de prix. Alors un HLM, c'est sans doute ce que je pourrais leur offrir de mieux. J'ai pesé le pour et le contre des milliers de fois. Mais ma décision est prise.
— Sinon, si tu veux, je prends un studio.
Je ne comprends pas ce qu'il veut dire. L'appartement est lié à sa fonction, il sait que je ne peux pas rester dedans. En tout cas pas légalement.
— Je prends un studio, et je viens les voir ici quand je veux.
Je suis surprise. J'ai presque envie de le remercier. Il quitterait l'appartement et me laisserait avec mes enfants. Puis soudain, je comprends l'incongruité de la situation.
— Mais je vivrais chez toi ?
— Tu vis déjà chez moi. Ça fait vingt ans que je t'entretiens.
Je ravale ma colère.
— Tu m'entretiens ?
— Ben oui, il n'y a que moi qui bosse. C'est moi qui paie pour tout. Tu t'en sortiras bien comme ça.
Je ne réponds pas. Je me sens fautive, honteuse. Et profondément méprisée.
— Je vais y réfléchir.
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— Mais c'est une super solution !
Ma mère, au bout du fil, me pousse à accepter sa proposition.
— Les enfants garderont leur cadre de vie, et toi aussi !
Quand je lui ai annoncé ma décision, elle n'a pas pu s'empêcher de me dire que je faisais une erreur, que je devais réfléchir. A mots choisis, je lui ai parlé des insultes et des violences. Elle les a balayés d'un revers de main.
— Essaie d'être un peu gentille, toi aussi, fais un effort !
Je n'arrive pas à faire entendre ma voix. Je ne sais pas si c'est parce que je ne sais pas l'exprimer, ou parce qu'elle est sourde.
— Mais maman, je m'occuperais de mes enfants à temps plein pendant qu'il s'évadera dans une garçonnière ! Je serais à la merci de le voir débarquer à chaque fois qu'il en a envie. Du jour au lendemain, il pourrait me jeter dehors !
— Oh, tu vois le mal partout, il n'est pas comme ça !
Si. Il l'est. Et bien pire.
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J'ai du mal à te croire
Genel Kurgu« J'ai du mal à te croire ». La phrase tombe un couperet. Violente, inattaquable. La femme qui vient de la prononcer est pourtant une amie bienveillante qui ne me veut que du bien. Je mets plusieurs mois à l'encaisser. Je ne sais pas encore que cett...