Je ne suis pas enceinte. Cela fait déjà plusieurs mois que j'ai arrêté toute contraception, mais malgré mes espoirs, je continue, tous les vingt-huit jours à voir arriver mes règles avec désespoir. Heureusement, les nombreuses heures de cours que je ne cesse d'accumuler me permettent de me changer les idées. Je travaille beaucoup, mais j'ai presque un « vrai »salaire maintenant. A peine un SMIC bien sûr, mais c'est déjà ça. J'ai fini par abandonner l'idée de retravailler un jour en entreprise. Mes recherches n'ont jamais rien donné, de toute façon.
Cela fait presque deux ans que nous habitons Melun. Et je n'ai toujours pas la moindre affection pour cette ville ou cet appartement. Au contraire. J'ai la sensation que le bruit des avions est toujours plus fort, et que notre voisin bricole à toutes les heures du jour et de la nuit. Je ne sors que pour aller travailler. De toute façon, ici, il n'y a nulle part où aller. Il faut descendre la longue côte avant de rejoindre la nationale, puis marcher, encore et encore, avant d'espérer rejoindre un semblant de centre-ville ou le RER. La bonne nouvelle, c'est que j'ai perdu du poids. Mes vingt kilomètres quotidiens ont au moins un effet positif sur mon apparence et peut-être même sur ma santé. Pour gagner du souffle, j'envisage même d'arrêter de fumer.
Florent ne se sent pas bien dans son poste. Il parle de plus en plus régulièrement de démissionner. Comme souvent, il estime que sa hiérarchie ne le soutient pas comme il le devrait et que les équipes dont il a la charge ne sont pas à la hauteur. Je suis cependant rassurée sur un point : il ne me trompe pas avec sa chef de secteur, elle le déteste ! Le problème, c'est qu'il parle de plus en plus souvent de démissionner. Egoïstement, je pense à mon rêve de maternité, et je le dis que ce n'est pas vraiment le bon moment. Il est enthousiaste à l'idée de fonder une famille. Je crois même qu'il ne s'est jamais montré aussi tendre avec moi. ET je dois avouer que notre vie sexuelle a été galvanisé par ce nouvel objectif. Ce n'est pas désagréable. Ce soir, j'ai rendez-vous chez ma gynécologue. J'ai peur qu'elle m'apprenne une infertilité, ou pire, une maladie incurable qui m'empêcherait d'avoir des enfants. Nous avons entrepris nos essais depuis six mois, et rien ne vient. Florent ne peut pas m'accompagner, il est trop fatigué. J'ai peur.
— Alors ?
C'est bien la première fois qu'il s'enquiert de ma santé après une visite chez le médecin !
— Alors...elle m'a ri au nez !
— Pardon ?
— Figure toi que j'ai appris aujourd'hui que je n'étais fertile que quelques jours par mois... Quand je pense qu'on a brandi une éventuelle grossesse au-dessus de ma tête comme une épée de Damoclès toute ma vie...
— Et du coup, il faut faire quoi ?
— Repérer ces jours. Et se mettre au boulot.
Florent m'adresse un sourire ravi.
— Avec plaisir.
Il vient de s'endormir, la tête enfouie dans l'oreiller. Comme souvent, ça a été bref et centré sur son désir. Je me demande si je suis enceinte. Lentement, je me soulève sur mes avant-bras et vérifie qu'il dort profondément. Puis, en douceur et sans le réveiller, je prends sur moi d'évacuer la frustration dans un plaisir coupable.
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J'ai du mal à te croire
General Fiction« J'ai du mal à te croire ». La phrase tombe un couperet. Violente, inattaquable. La femme qui vient de la prononcer est pourtant une amie bienveillante qui ne me veut que du bien. Je mets plusieurs mois à l'encaisser. Je ne sais pas encore que cett...