73. Seule

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— On va partir quelques jours avec les enfants.

Je le regarde, interdite.

— J'ai réservé un camping à la campagne.

Je ne sais pas vraiment comment réagir. D'un côté, je suis heureuse de savoir que mes enfants vont enfin prendre quelques jours de vacances, loin de nos disputes quotidiennes. De l'autre, je crois que je suis un peu jalouse. Ça fait des années que je rêve de partir en vacances ailleurs que chez mes beaux-parents. Je chasse aussitôt cette pensée de mon esprit. Ce qui compte, c'est eux. Mon pied a récupéré. Même si je suis encore frileuse à l'idée de marcher plus de quelques mètres, j'arrive tout de même à me déplacer dans l'appartement, et même aux alentours.

— Vous partez quand?

— Demain.

Je ne m'attendais pas à cette réponse, mais je ne dis rien. Florent se lève et commence à s'agiter. Il peste qu'il ne trouve pas les bouées, les maillots de bain ou les serviettes. A plusieurs reprises, il vient me demander où se trouvent telle ou telle chose. Je sais ce qu'il veut, je connais cette méthode par cœur. Il attend que je fasse les valises. Mais cette fois, je tiens bon et me contente de lui répondre de façon laconique. J'ai un peu peur de devoir faire face à une de ses crises de fureur, mais je fais de mon mieux pour garder un air assuré. Après tout, ils partent en vacances sans moi, pourquoi est-ce que je ferais leurs valises?

IIs ont à peine passé la porte et ils me manquent déjà. Ils ne seront absents que cinq jours, mais ça me paraît une éternité. Louis et moi n'avons presque jamais été séparés depuis quatorze ans. Et c'est la même chose pour ses frères et sœurs. Je n'ai jamais appris à vivre sans eux. J'essaie d'avoir de leurs nouvelles, mais Florent me répond à peine. Je comprends que ces vacances sont ma punition. Heureusement, mon fils aîné a un téléphone et il m'envoie régulièrement des photos. Ils ont l'air heureux de profiter enfin d'un peu de temps avec leur père. Je sais que cela devrait me rendre heureuse aussi, mais pourtant mon coeur se serre. Je suis jalouse. Encore.

Vous arrivez à quelle heure?

Voyant que Florent, comme d'habitude, ne répond pas à mes textos, j'envoie le même message à Louis.

Papa ne veut pas que je te réponde.

Je sursaute.

Mais pourquoi?

Je viens de le lui demander et je me suis fait engueuler

Ne voulant pas lui causer d'ennui, je n'insiste pas. J'essaie de travailler mais mon esprit vagabonde. Et s'il leur arrivait quelque chose sur la route, comment est-ce que je le saurais? J'envoie un nouveau message à Florent.

Vous serez bientôt là?

Sa réponse arrive quelque minute plus tôt:

Quand je suis avec mes enfants, tu n'as pas à m'appeler. Je rentrerai quand j'en ai envie. Tu n'as pas à le savoir.

Je le hais.

Quand ils reviennent enfin, je les serre dans mes bras de longues minutes. Tout en eux m'a manqué : leur voix, leur odeur, leur babillage... même leurs manies de tout laisser traîner derrière eux! Une fois les retrouvailles terminées, je décide de parler à Florent de ce qui vient de se passer.

— Tu ne peux pas faire ça. Je dois savoir où sont mes enfants.

— Pourquoi? Ils sont avec moi, ça devrait te suffire.

— Mais pourquoi est-ce que tu as engueulé Louis? Tu ne pouvais pas me dire à quelle heure vous arriviez?

— Ce petit con est un collabo, qui répète tout à sa mère, hein?

Louis, qui traversait le couloir à ce moment-là, lève les yeux au ciel et me fait signe de laisser tomber. Je n'y arrive pas. Plus.

— Mais pourquoi je ne pourrais pas savoir quand vous arrivez?

— Pour t'organiser et t'envoyer en l'air avec tout le voisinage, c'est ça, espèce de salope?

Je reste bouche-bée. Jamais je n'ai trompé Florent. Ça ne m'est même jamais passé par l'esprit.

Liam a tout entendu, il me regarde, bouche-bée. Je ne devrais pas, mais c'est moi qui ai honte.

Alors à petits pas, je retourne me réfugier dans la chambre pour me cacher.

Et pleurer. Encore.

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant