49. Positif

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Je regarde le bâtonnet une nouvelle fois, incrédule. Le test est positif, à n'en pas douter. Nous n'avons fait l'amour qu'une seule fois, au petit matin, sur le canapé. Depuis que nous avons cessé d'avoir des rapports, je ne prends plus de contraception. Les rares fois où cela arrive, il se retire. Mais ce matin-là, il m'a dit en riant « si ça se trouve, je te fais un bébé ». J'ai ri aussi. Je ne savais pas. Je tourne en rond dans l'appartement. Nous avons emménagé il y a deux mois à l'étage au-dessus, dans un logement plus grand, avec deux chambres. Les enfants sont deux par chambre, et nous avons la nôtre. Enfin, la mienne, devrais-je dire, puisque Florent dort exclusivement sur le canapé. Je ronfle, il ronfle, il bouge, je dors mal... Nous nous gênons. Et pas que dans un lit.

Je suis heureuse d'attendre un enfant. Mais je ne sais pas s'il partagera ma joie. Je me souviens de la grossesse de Gabriel, si chaotique. Son indifférence, mes problèmes de santé. Est-ce que je suis prête à revivre tout ça toute seule ? Dans trois jours, c'est Noël. C'est peut-être un beau cadeau. Ou pas.

Je suis enceinte

Les messages de félicitations se succèdent, entrecoupés de « tu vas finir par faire une équipe de foot », « de combien ? » , « J'espère pour toi que cette fois ce sera une fille ». Je réponds à chacune de mes copinautes en souriant. Je sais qu'elles partagent sincèrement mon bonheur. L'une d'elle me pose tout de même la question qui fâche :

Et Florent, il en dit quoi ?

Il est temps d'avouer.

Je ne le lui ai pas encore dit.

Aussitôt, consternation et étonnement se lisent dans les commentaires.

Mais tu ne lui as pas dit ?

Pourquoi ?

Tu as peur qu'il le prenne mal ?

Mais vous allez le garder ou pas ?

Je ne m'étais même pas posé cette question. Notre couple est à la dérive. Florent m'ignore, hurle sur les enfants et se plaint sans cesse tout ce qui l'entoure. Les enfants sont insolents, j'ai grossi, son équipe est nulle... Je crois que plus jamais le moindre mot positif ne sort de sa bouche. Je tente d'accumuler les contrats depuis que Gabriel est à l'école. J'aimerais lui prouver que je peux réussir. Alors un nouveau bébé, c'est un peu la fin de mes rêves... Et pourtant, tout au fond de moi, je sais que je ne pourrai faire autrement que le garder. Mes enfants sont magnifiques, beaux, intelligents et drôles. Sans eux, je suis sûre que j'aurais sombré dans la dépression. Peut-être pire. Je me souviens d'un jour où, enceintre de Gabriel, je regardais obstinément le trottoir depuis notre fenêtre. J'étais comme envoutée. Nous habitions alors au sixième étage. S'il n'avait pas élu domicile dans mon ventre, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Je leur doit la vie autant qu'eux. Peut-être plus. Alors non, quoiqu'il arrive, ce bébé verra le jour. Il fait déjà partie de moi.

— Je suis enceinte.

Florent me regarde, incrédule.

— Mais, on ne l'a fait qu'une seule fois !

Je hausse les épaules. L'étonnement passé, il me sourit enfin.

— Bon, ben c'est une bonne nouvelle !

Je suis soulagée. 

J'ai du mal à te croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant