— Psst, Kenma...
Leur groupe de paysans avait déjà bien avancé dans la fabrication des lances. Ce n'était pas bien compliqué, et les villageois avaient rapidement intégré les gestes. Il suffisait de prendre une tige de bambou et d'en tailler le bout. Kuroo avait donc relâché son attention et s'était rapproché de Kenma qui observait un villageois. Il faisait mine de vérifier son travail, mais en vérité, il était perdu dans ses pensées.
— Quoi ? souffla-t-il.
— Tu sais, la hutte où on nous loge... J'ai été fouiller dans les placards hier soir, je voulais voir si y avait pas une bouteille de saké dans un coin... Devine ce que j'ai trouvé ?
Kenma haussa les épaules. Lui, la première chose qu'il avait faite en arrivant, ça avait été de se chercher le coin le plus douillet pour roupiller. Il n'avait pas les mêmes priorités que Kuroo.
— Un jeu de go ! J'ai compté les pierres, elles y sont toutes ! On se fait une partie ?
— Maintenant ?
Ce n'était pas l'envie qui manquait à Kenma, mais il n'était pas sûr que ce soit le bon moment. Iwaizumi leur avait confié la moitié des paysans pour leur apprendre à sculpter des lances, ce n'était pas raisonnable de les laisser travailler alors qu'eux partaient s'amuser avec un jeu de stratégie.
Néanmoins, le jeu était la principale raison de vivre de Kenma. Il vivait pour jouer, pour vaincre ses adversaires en élaborant des stratégies. Et puis, il était flemmard. En réalité, laisser les villageois travailler à sa place ne le dérangeait pas tant que ça.
— Ouais, maintenant, chuchota-t-il. La fabrication des lances est bientôt terminée, ils n'ont plus besoin de nous pour les guider.
Kenma finit par hocher la tête. Tant pis pour les paysans, son envie de jouer était trop forte. Et puis, il avait hâte de se mesurer à Kuroo depuis qu'il lui avait avoué apprécier les jeux de stratégie. Il se demandait de quoi il était capable, et surtout, s'il serait à la hauteur de ses attentes. Kenma ne parlait pas beaucoup, aimait flâner la journée et rechignait à transpirer s'il n'avait pas une bonne raison de le faire, mais niveau jeu de stratégie, il n'avait encore jamais rencontré d'adversaire capable de le pousser dans ses derniers retranchements.
— Nous allons retrouver Iwaizumi pour discuter de la manœuvre à suivre, déclara Kuroo haut et fort pour se faire entendre de tout le groupe. Vous n'avez plus besoin de nous pour vous aider, nous allons vous laisser finir les lances. Tsukishima, t'es doué, je te laisse les superviser.
Tsukishima, surpris, acquiesça. Il avait été sur le point de le charrier en lui disant que c'était son devoir de rester avec eux jusqu'au bout, et que s'il ne faisait pas son travail, il ne se gênerait pas pour le rapporter à Akaashi — et récupérer sa portion de riz, si possible. Mais être désigné comme superviseur, ça voulait dire qu'il pourrait faire semblant de surveiller les autres en se tournant les pouces. Pour une fois, il ferma son clapet.
Ainsi, Kenma suivit Kuroo jusqu'à la hutte. Il avait caché le jeu de Go sous un chapeau en paille troué qui mériterait d'être rafistolé ; il n'avait pas envie qu'on lui pique le jeu alors qu'il venait de le trouver. Ils s'installèrent dans la paille, profitant que tous les samouraïs soient occupés pour jouer sans être dérangés. Kuroo prit les pierres noires, Kenma les blanches.
Ils ne parlèrent pas, se contentant de jouer chacun leur tour. Kenma apprécia le silence, il n'aimait pas discuter pendant qu'il jouait. Il avait besoin de se concentrer, de s'imprégner entièrement du plateau et de la position des pierres. Il s'aperçut vite que Kuroo n'avait pas menti, il était loin d'avoir le niveau d'un débutant. Néanmoins, Kenma sut rapidement comment tirer son épingle du jeu.
Kuroo était intelligent, mais il lui arrivait de faire des erreurs d'inattention, et Kenma ne se gênait pas pour les exploiter. Plus le temps passait, et plus il pouvait observer les traits du visage de Kuroo se durcir. Ses sourcils se fronçaient, ses lèvres étaient pincées. Au contraire, Kenma était détendu, il était dans son élément.
— Passe, déclara-t-il.
Au Go, il est possible de passer son tour. Seulement, lorsque l'un des joueurs passe, il indique à l'adversaire qu'il considère que la partie est terminée. Les bras croisés sur sa poitrine, Kenma alternait son regard entre le plateau de jeu et le visage déconfit de Kuroo.
— C'est la première fois que je joue contre quelqu'un d'aussi fort, avoua Kuroo en soupirant. J'admets ma défaite. Mais compte sur moi pour prendre ma revanche !
Kuroo était fier. Certes, il avait été battu à plate couture, mais il n'abandonnait pas pour autant. Pour une fois qu'il avait l'occasion de jouer contre un bon joueur et de progresser, il n'allait pas baisser les bras pour une petite défaite. Kenma acquiesça et rangea ses pierres dans leur petit panier tressé. Kuroo était un adversaire intéressant. Il n'était pas le plus coriace, ni celui qui lui avait fait éprouver le plus de difficulté, mais sa ténacité le touchait.
— Tu sais depuis combien de temps on joue ? demanda Kuroo qui s'étirait.
Kenma secoua la tête. Lorsqu'il jouait, il se coupait complètement du monde extérieur, il ne pensait plus qu'au jeu et à la façon dont il allait abattre son adversaire. En moyenne, une partie de go entre joueurs expérimentés peut durer plusieurs heures, alors il présumait que trois ou quatre heures avaient pu s'écouler depuis qu'ils avaient quitté les paysans.
— On ferait mieux d'y retourner, on risque de se faire taper sur les doigts.
Kenma acquiesça. Ils rangèrent le jeu de go dans le placard et remirent le chapeau troué par dessus. Lorsqu'ils sortirent de la hutte, le soleil était haut dans le ciel, l'après-midi avait sans doute été entamée. Lorsqu'ils revinrent là où ils avaient laissé les paysans, la place était déserte, seules restaient les lances entassées les unes sur les autres. Au loin, ils pouvaient apercevoir les villageois dans les champs. Après avoir fini les lances, ils avaient enchaîné avec le travail de la terre.
— Je peux savoir où vous étiez passés ?
La voix d'Akaashi les fit frissonner. Ils se retournèrent vers lui, peu rassurés. Les bras croisés sur sa poitrine, Akaashi affichait son expression habituelle, indéchiffrable. Kuroo et Kenma déglutirent difficilement, se cherchant tous les deux une excuse pour justifier leur absence.
Je kiffe trop ce chapitre psk ces deux cons me font bien rire avec leurs jeux alors que c'est juste pas le moment x)
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Les sept samouraïs
FanfictionAnnée 1586, Japon, époque de Sengoku. Le village de Karasuno est sur le point de se faire piller par des brigands qui décident finalement de reporter l'attaque en attendant la prochaine récolte. Les villageois sont en panique et se concertent avec l...