Miya Atsumu n'en avait pas cru ses oreilles lorsque les paysans lui avaient annoncé qu'ils avaient recruté deux autres samouraïs dans la journée. Il avait bu une gorgée de saké et avait dit à son frère qu'il devait y avoir une maladie qui touchait exclusivement les guerriers et qui leur faisait perdre la tête. Il fallait être fou pour les rejoindre, Atsumu en était convaincu.
Hinata avait haussé les épaules, ne portant que peu d'intérêt aux propos d'Atsumu. Pour une fois, c'était Tsukishima qui s'était laissé emporter. Hinata ne savait pas comment ni pourquoi, mais ça avait fini en concours de shot. Osamu en avait été le juge même si ce rôle n'avait pas l'air de l'enchanter, il était las de devoir gérer l'immaturité de son frère jumeau.
Hinata s'était couché, nullement intéressé par leur concours de bite. Atsumu était déjà bien amoché par l'alcool, et même si cet ivrogne avait l'habitude de boire tous les soirs, Tsukishima pensait pouvoir gagner. Au final ça s'était terminé sur un match nul, entre un vomi d'Atsumu sur le kimono de son frère — ce qui lui avait valu de dormir dehors — et un torticolis pour Tsukishima qui s'était endormi sur la table basse.
Le lendemain, lorsque les premiers rayons du soleil réveillèrent Hinata, Tsukishima dormait encore. Il pouvait entendre les ronflements d'Atsumu à l'autre bout de la pièce ainsi que ceux de son frère, moins forts. Hinata aurait pu jurer qu'ils étaient en train de communiquer. Lorsque l'un inspirait, l'autre expirait, et vice-versa. Ces jumeaux avaient beau être irritants — en particulier celui qui avait l'habitude de se saouler tous les soirs — Hinata devait bien reconnaître qu'ils pouvaient être fascinants.
Il mangea un peu de millet, resserra son kimono, mit son chapeau en paille tressée sur sa tête et ses sandales dans la même matière à ses pieds, puis quitta le logement le cœur léger. Il était très tôt dans la matinée, Hinata n'avait pas vraiment l'intention de recruter un samouraï alors qu'il n'y avait pas grand monde dans les rues. Il avait juste besoin de se dégourdir les jambes après cette longue nuit.
Sur le chemin, il croisa un vieil homme qui fumait la pipe et un autre qui dormait dehors, assis en boule dans un coin. La plupart des gens qu'il croisait ne faisaient pas attention à lui. Hinata en profita pour courir, d'abord tranquillement, puis le plus vite possible. Il fonçait dans ces rues qu'il ne connaissait pas. Courir était devenu un besoin vital pour ne plus ressentir le vide qu'avait laissé sa sœur avec sa disparition.
Après une bifurcation à gauche — ou à droite, il ne se souvenait plus très bien —, Hinata aperçut un jeune homme qui fendait du bois devant une petite auberge. Essoufflé, il passa devant lui et faillit ne pas remarquer le sabre à sa ceinture. Faillit seulement, parce que sa course l'avait bien réveillé et que ses sens étaient désormais aux aguets.
Il s'arrêta dans sa marche pour détailler ce samouraï aux curieux cheveux blonds tenus en un chignon maladroit sur le sommet de son crâne. Hinata ne savait pas pourquoi, mais il y avait quelque chose dans ses mouvements, son allure ou son aura, qui le fascinait et l'obligeait à le contempler sans bouger.
Le samouraï ne semblait pas l'avoir remarqué, son attention était concentré sur le morceau de bois qu'il s'apprêtait à trancher. Malgré son air endormi et son corps frêle en apparence, il n'avait pas l'air d'avoir de mal à soulever sa hache pour l'abattre d'un coup sec sur une épaisse bûche bien droite qui se fendit en deux sous la puissance du coup. Le bruit provoqué par la hache qui rencontrait le bois ramena Hinata à la réalité.
— Excusez-moi... l'interpella-t-il.
Le samouraï ne l'avait effectivement pas remarqué puisqu'il écarquilla un peu ses yeux aux pupilles longilignes. Il posa sa hache sur le sol avant de s'asseoir sur le tronc dont il se servait de support pour couper ses bûches.
— Vous êtes un samouraï ?
Il hocha la tête.
— Pourquoi coupez-vous du bois ?
C'était étrange pour Hinata de le vouvoyer, il n'avait pas l'air beaucoup plus âgé que lui. Hinata lui donnait vingt-sept, peut-être vingt-huit ans. Néanmoins, il ne voulait pas que le guerrier ait l'impression qu'il lui manquait de respect.
— Pour manger. En échange de mon aide, l'aubergiste me donne un peu de nourriture.
Hinata détailla un instant son kimono. Bleu foncé, simple, sans couleur vive, sans fioritures. Il était clair qu'il avait affaire à un samouraï au plus bas de l'échelle sociale. Il ne put s'empêcher de sourire. Finalement, sa petite balade matinale allait peut-être être plus fructueuse que ce qu'il s'était imaginé.
— Ça vous intéresserez de défendre un village en échange d'une portion de riz ?
Hinata prit le temps de lui expliquer la situation dans ses moindres détails. C'était Akaashi qui avait réussi à convaincre les samouraïs de les rejoindre, il voulait aussi apporter son aide. Ce guerrier-là avait beau être jeune et menu en apparence, il avait bien plus de force que les samouraïs qu'il avait croisé avant de faire la rencontre d'Akaashi.
— Défendre un village, tu penses que ce serait moins fatiguant que de couper du bois ?
Hinata ne savait que répondre. Après avoir un peu discuté avec lui, Hinata avait appris qu'il s'appelait Kozume Kenma mais qu'il préférait qu'on l'appelle par son prénom, qu'il aimait les jeux en tout genre mais qu'il détestait se fatiguer. Pour que Kenma coupe du bois de son plein gré, c'est qu'il n'avait pas trouvé d'autre moyen pour acquérir de la nourriture. Hinata mit un doigt sous son menton, réfléchissant sérieusement à la question de Kenma.
— Je crois que oui. Ça a l'air épuisant de couper du bois.
Kenma le jaugea du regard un instant, Hinata se sentit mal à l'aise. Il avait l'impression d'être épié par un prédateur. Il soupira presque de soulagement lorsqu'il reporta son attention sur sa hache et ses bûches.
— Hm. Dans ce cas, je veux bien vous rejoindre. J'aurais donc droit à une portion de riz trois fois par jour ?
Hinata hocha la tête et Kenma acquiesça. Il laissa le bois à moitié fendu en plan et rejoignit Hinata.
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Les sept samouraïs
FanfictionAnnée 1586, Japon, époque de Sengoku. Le village de Karasuno est sur le point de se faire piller par des brigands qui décident finalement de reporter l'attaque en attendant la prochaine récolte. Les villageois sont en panique et se concertent avec l...