— Ça va pas Nishinoya ? lui demanda Tanaka. T'as mauvaise mine ce matin.
Le battage avait commencé, les paysans s'étaient réunis pour séparer les grains des épis. Bien que la moisson soit terminée, le travail était loin d'être achevé. Tout en réunissant les grains en tas et en se débarrassant des tiges dont ils n'avaient pas besoin, les villageois discutaient de tout et de rien, sous le regard protecteur des samouraïs. Puisque la récolte était finie, Akaashi avait préféré redoubler de vigilance. Ils n'étaient pas à l'abri d'une attaque surprise pendant le battage.
— Je suis crevé.
— Tu as mal dormi ? questionna Yamaguchi, étonné de ne pas voir son aîné râler toutes les deux minutes parce qu'il n'arrivait pas à extraire un grain ou parce qu'il trouvait ce travail ennuyant.
Nishinoya était une grande gueule, alors c'était surprenant pour les paysans de ne pas l'entendre jacqueter, en particulier à cette période de la récolte. Nishinoya se lassait vite, il comblait son ennui en discutant avec tout le monde. Or là, il clignait régulièrement des paupières pour s'empêcher de fermer les yeux et de s'endormir. Il avait l'air trop fatigué pour avoir la force d'ouvrir la bouche.
— Hm. J'ai entendu des bruits bizarres près de ma hutte. Ça a duré longtemps, impossible de fermer l'œil.
— Des bruits bizarres ?
— Je ne voulais pas choquer les âmes sensible, dit-il en jetant un regard à Hinata, mais c'était des gémissements. A peine camouflés. D'habitude, je m'endors au son du clapotis de la rivière, mais là, j'ai été gêné une bonne partie de la nuit par des « ah » ou des « mmh » !
Tous ceux qui l'écoutaient baissèrent la tête, embarrassés par ses imitations indécentes. Hinata, les joues rouges, s'empressa de reprendre un épi à égrainer. Il se repassa les évènements de la nuit précédente dans sa tête pour être sûr qu'il n'était pas la personne dont parlait Nishinoya. Mais puisque sa hutte était assez éloignée de la sienne, il y avait peu de chance pour qu'il soit le fautif de son trouble du sommeil.
— Si je choppe les deux dépravés qui m'ont dérangé hier soir, je les affiche devant tout le village. Surtout que s'ils font ça dehors, et à une heure pareille, ça m'étonnerai que ce soit un couple marié.
Hinata se fit tout petit. D'habitude, il aurait pris part à la conversation avec joie, mais là, il préférait ne pas attirer l'attention sur lui. Il jeta un œil au sourire moqueur de Tsukishima, puis leva les yeux au ciel. Tsukishima se régalait des commérages, la souffrance des autres était un véritable plaisir à écouter.
— Tu ferais quoi si tu découvrais que c'étaient des samouraïs ? demanda Tsukishima, l'air de rien.
Hinata était comme un livre ouvert alors il croisait les doigts pour que les autres n'aient pas remarqué sa gêne. Il essayait de se concentrer dans l'égrainage, mais il avait du mal à faire abstraction de la discussion de ses compagnons qui prenait une tournure qu'il n'aimait pas beaucoup.
— Si c'étaient des samouraïs... Dans ce cas, je pense que je fermerai ma bouche. Je tiens trop à la vie pour risquer de me retrouver avec un sabre sous la gorge.
Les paysans rirent de bon cœur, amusés par le revirement soudain de Nishinoya. Il nourrissait trop de respect et de peur mélangés pour oser s'attirer leur foudre. Tant pis si c'était eux qui s'étaient unis toute la nuit à côté de sa hutte, Nishinoya ne voulait pas avoir de problèmes.
— Je change de sujet, mais... commença Azumane, qui avait arrêté d'égrainer. Vous pensez vraiment que les bandits vont attaquer ? Je veux dire, la moisson est fini, et toujours aucun signe du moindre bandit...
— C'est pourtant bien ce que j'ai entendu, fit Hinata qui n'aimait pas qu'on remette ses paroles en question.
— C'est vrai que je commence à douter, moi aussi. Peut-être qu'ils ont changer d'avis en cours de route ? questionna Tanaka.
— Ça m'étonnerai, intervint Sugawara qui s'était tu jusqu'à présent. Au contraire, je pense qu'il ne faut surtout pas relâcher notre attention. Les bandits attendent sûrement la fin du battage pour nous piller sans qu'ils n'aient besoin de faire le travail d'égrainage.
Tous les paysans opinèrent de la tête. Quand Sugawara parlait, c'était comme un bon saké : tout le monde buvait ses paroles. La conversation repris quelques instants plus tard, relancée par Hinata qui préférait parler de sujets plus légers. Non loin d'eux, Akaashi et Bokuto n'avaient pas raté une miette de leur échange sur les bandits et les bruits étranges près de la rivière. Bien qu'il était de leur devoir de surveiller les alentours, ils n'avaient pas pu s'empêcher d'écouter.
— Les bruits, tu crois que c'était ?...
Akaashi se contenta de hocher la tête. Oikawa et Iwaizumi s'étaient absentés une bonne partie de la nuit, et lorsqu'ils étaient revenus, leurs souffles haletants avaient indiqué à tout le monde qu'ils avaient pratiqué une activité physique assez fatigante. Et puis, Akaashi et Bokuto n'étaient pas idiots, ils étaient ceux qui avaient conseillé à Iwaizumi de parler à Oikawa pour régler son problème de tension.
— Ils auraient pu être plus discrets, marmonna Bokuto.
Akaashi sourit, amusé par la réaction modérée de son compagnon d'armes. Il semblait gêné d'évoquer ce qu'il s'était passé entre Oikawa et Iwaizumi la veille au soir.
— Tant qu'ils font leur travail et qu'ils surveillent les villageois, ça ne me dérange pas.
Bokuto hocha la tête comme s'il s'agissait des paroles d'un sage. Il admirait l'ouverture d'esprit dont faisait preuve Akaashi. Lui n'avait pas su réagir en apprenant l'attirance mutuelle entre Iwaizumi et Oikawa. Akaashi n'avait même pas semblé surpris et avait donné de bons conseils comme s'il avait l'habitude d'écouter les problèmes de sexualité des samouraïs. Que ce soit pour sa maturité, son intelligence et sa maîtrise du sabre, Akaashi impressionnait Bokuto en tout point.
— Tu es incroyable, Akaashi.
Surpris par ce commentaire auquel il ne s'attendait pas, Akaashi rougit un peu, puis détourna le regard.
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Les sept samouraïs
FanfictionAnnée 1586, Japon, époque de Sengoku. Le village de Karasuno est sur le point de se faire piller par des brigands qui décident finalement de reporter l'attaque en attendant la prochaine récolte. Les villageois sont en panique et se concertent avec l...