Akaashi avait réussi à rattraper son bandit. Il l'avait coincé contre un arbre. Le brigand lui faisait face, le dos contre le tronc, des perles de sueur sur le front et la respiration saccadée. Ses doigts tremblaient au même rythme que son cœur qui s'affolait dans sa poitrine. Enveloppé dans la pénombre, Akaashi était tel l'incarnation du démon. Son sabre pointé dans la direction de son ennemi tel les griffes d'un prédateur, le bandit eut tout juste le temps de fermer les yeux avant de sentir la lame lui transpercer le cœur.
Il mourut sur le coup. Il eut à peine conscience de la douleur lancinante qui avait envahi son corps tout entier. Il s'écroula sur le sol dans son kimono tâché du rouge de son sang et de l'ocre de son urine. Akaashi n'avait rien contre lui en particulier, aussi avait-il préféré lui offrir un mort rapide et sans souffrances. Il n'aimait pas faire souffrir inutilement ses adversaires, peu importe la haine qu'il éprouvait envers eux.
Il nettoya son katana du sang qui le recouvrait en le frottant contre la mousse d'un arbre. Puis, il le rangea dans son fourreau et reprit sa course en sens inverse afin de rejoindre Kuroo. Il espérait également retrouver Oikawa, il l'avait perdu de vue lorsqu'il s'était lancé à la poursuite du bandit. Le sien s'était enfoncé plus profond dans le bois tandis que celui pourchassé par Oikawa avait choisi de prendre la direction du village.
Porté par le vent qui le poussait dans son dos, lui murmurant à l'oreille d'aller toujours plus vite, Akaashi ne tarda pas à apercevoir Kuroo au même endroit où il l'avait laissé. Accroupi près du cadavre, Kuroo lui fit un signe de main en l'apercevant, puis se releva.
— Ces bandits sont de sacrés veinards quand même. J'ai fait les poches à celui-ci, et tu sais ce que j'ai trouvé ? Du saké ! Du saké nom de dieu ! La bouteille est à peine entamée !
Akaashi se pinça les lèvres pour se garder de toute remarque. Ils avaient beau être des brigands, piller leur dépouille n'en restait pas moins irrespectueux. A ses yeux, c'était comme s'abaisser à leur niveau. Il changea de sujet en balayant l'air d'un geste ferme. Kuroo rangea son trésor dans son kimono, puis laissa passer quelques secondes avant de demander :
— Tu sais où est passé l'autre zigoto ?
Akaashi secoua la tête.
— La dernière fois que je l'ai vu, il s'élançait en direction du village. Nous ferions mieux de nous hâter.
Kuroo acquiesça, ils reprirent leur course. Ils fendaient l'air comme à l'allée, se déplaçant entre les arbres et les buissons avec l'habileté d'un singe et la rapidité d'un loup. Vif et agile, les samouraïs étaient de véritables chasseurs nocturnes. Rien ne pouvait échapper à leur œil aiguisé, pas même le vol nébuleux d'une chauve-souris qui se confondait avec l'obscurité du ciel. Sortis des bois, la respiration à peine haletante, ils marquèrent un temps d'arrêt sans même se consulter.
Ils observaient le village agités, écoutaient les cris et les insultes qui fusaient à tout va. Les villageois n'avaient pas l'air paniqué, plutôt en colère. Les cailloux qu'ils brandissaient dans leur main témoignaient de leur fureur. Dans un hochement de tête en parfaite synchronisation, Akaashi et Kuroo s'enfoncèrent au cœur de la foule de paysans déchaînés.
— Tuez-le ! Tuez-le !
— Qu'on le brûle !
— Ça lui apprendra à vouloir s'en prendre à nos récoltes !
Au centre de la foule, Oikawa faisait face au bandit désarmé. Le sabre pointé dans sa direction, son visage crispé montrait qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. La situation échappait peu à peu à son contrôle, Oikawa n'aimait pas ça. Les villageois faisaient pression sur lui, et quelques-uns n'avaient pas résisté à l'envie de balancer des pierres sur le brigand qui se protégeait avec ses bras. S'il ne l'abattait pas vite, ça allait finir en lynchage général.
— Assez, s'éleva une voix dans la foule.
Le ton avait été si ferme que tous les villageois s'étaient tus. Iwaizumi se fraya un passage jusqu'à Oikawa qui sourit en le voyant. Il avait l'impression que la pression sur ses épaules s'était un peu allégée.
— Celui-là pourrait nous être utile.
— Il nous sera plus utile mort que vivant ! s'écria une voix.
— C'est de la vermine ça ! Il faut l'éliminer !
— Tuez-le ! Tuez-le !
— Il a raison, intervint Akaashi, comprenant que la situation n'allait pas tarder à dégénérer. Calmez-vous. Je comprends votre colère, mais il pourrait encore nous être utile. Nous pourrions procéder à un interrogatoire avant de lui ôter la vie.
— Et s'il s'échappait ?
— Ça mettrait en danger tout le village !
— Hey hey hey ! Calmez-vous tous ! Quand un samouraï dit quelque chose, on l'écoute sans protester ! rugit Bokuto qui n'appréciait pas qu'Akaashi soit hué de la sorte.
Surpris par son intervention, Akaashi inclina la tête dans sa direction pour le remercier d'avoir pris sa défense. Voyant qu'il était sur le point de s'emporter, il posa sa main sur son épaule pour l'apaiser — et l'empêcher de cogner tous les paysans qui continuaient de hurler.
— J'en prends l'entière responsabilité, déclara soudain le chef du village.
Le silence gagna petit à petit la foule. Leur respect pour Sawamura était tel qu'ils buvaient chacun de ses mots et que leur confiance en lui était aveugle. S'il disait qu'il valait mieux garder le samouraï en vie pour lui soutirer des informations, alors les villageois étaient prêts à calmer leur fureur.
— Faisons confiance aux samouraïs qui ont choisi de défendre notre humble village en échange de la maigre récompense que nous leur offrons. Respectez leur demande relève également de notre hospitalité. Alors rentrez chez vous, et laissons faire les guerriers.
Quelques protestations s'élevèrent encore, mais les paysans finirent par obtempérer. La foule se dispersa, et chacun rentra chez soi avec plus ou moins d'amertume. Le bandit se fit ligoter par Kenma qui avait anticipé la nécessité d'avoir une corde avant même qu'Iwaizumi ne propose la solution de l'interroger — ses qualités d'anticipation faisaient peur à Kuroo, parfois. Bien que le brigand se soit débattu au début, il avait vite baissé les bras, terrifié par le regard sombre des sept samouraïs qui l'escortaient.
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Les sept samouraïs
FanfictionAnnée 1586, Japon, époque de Sengoku. Le village de Karasuno est sur le point de se faire piller par des brigands qui décident finalement de reporter l'attaque en attendant la prochaine récolte. Les villageois sont en panique et se concertent avec l...