— Il a été fumer quoi dans la forêt ? demanda Tsukishima avec sarcasme.
Mais cette moquerie ne fit rire personne d'autre que lui. Même Yamaguchi qui riait pourtant toujours à ses blagues avait la bouche fermée. L'ambiance pesante qui s'était installée dans la demeure du chef du village fit comprendre à Tsukishima que l'heure n'était pas aux plaisanteries. Il recouvrit son sérieux, bien qu'il pensait toujours qu'Hinata était en train de délirer.
— Tu en es bien sûr ?
Hinata hocha vivement la tête.
— Pas de doute possible, ce sont bien des brigands que j'ai vu dans la forêt ! Il étaient même armés de fusils !
La mine de Sawamura s'assombrit. Il n'y avait que les bandits pour marcher en pleine forêt munis de telles armes, tout le monde savait que les samouraïs ne portaient que des sabres. Ils baissèrent tous la tête, accablés par la nouvelle des plus alarmantes du jeune villageois. Ils savaient parfaitement ce que cela signifiait. Aucun village dans les alentours n'avait pu réchapper du joug de la troupe de bandits.
— Déjà que nos récoltes ne sont pas fameuses et qu'on a si peu de riz qu'on est obligés de se rabattre sur le millet, si en plus des brigands s'emparent de notre prochaine moisson, le village ne passera pas l'hiver, dit Azumane qui n'avait pas pu empêcher sa voix de trembloter.
Nishinoya l'approuva d'un signe de tête, la mine grave. Sugawara ne dit rien, réfléchissant à une solution. Le silence vint peser sur leurs épaules tandis que tous s'activaient mentalement pour éviter la catastrophe.
— Et si on barricadait le village ?
— Ça ne ferait que retarder l'inévitable.
— On pourrait faire appel à une aide extérieure...
— Comment ? Je te rappelle qu'il ne reste plus que nous, tous les villages aux alentours ont été dévastés.
— Et si on s'adressait à des samouraïs ? proposa Hinata.
Tous les yeux se tournèrent vers lui. Les mains sur les hanches et les jambes écartées, Hinata fixait le chef du village avec insistance, attendant sa réponse. Tsukishima avait vraiment envie de se moquer de sa posture des plus enfantines, mais il sut se retenir de tout commentaire. Sawamura réfléchissait.
— On m'a rapporté une rumeur, une fois, annonça-t-il d'un ton posé. J'ignore si vous avez déjà entendu parler du village de Datekô, mais à ce qu'il paraît, il aurait survécu à une attaque de bandits grâce à l'intervention d'une poignée de samouraïs. Je ne sais cependant si la rumeur dit vraie.
— Ça vaut le coup d'essayer ! On pourrait aller les chercher dans la ville d'à côté !
— T'excites pas trop, le coupa Tsukishima. On n'a pas d'argent, avec quoi tu voudrais les payer, tes samouraïs ?
Hinata se renfrogna, il n'avait pas pensé à ça. Les samouraïs n'étaient pas des héros connus pour leur bonté de cœur, ils ne leur viendraient pas en aide sans rien recevoir en retour. Leur force guerrière leur serait pourtant bien utile, d'autant plus que les paysans n'avaient pas d'arme hormis leurs fourches et leurs bêches. Seuls les samouraïs étaient autorisés à porter une arme.
— Ah ! Et si on leur donnait notre riz ?!
Tsukishima crut s'étouffer. Le riz était leur denrée la plus précieuse. S'ils devaient faire une croix dessus, ils devraient se rabattre sur le millet. Et Dieu seul savait à quel point le goût cette céréale était infecte.
— T'en connais beaucoup, des samouraïs qui accepteraient un simple bol de riz pour défendre tout un village ?
— Ça pourrait être des samouraïs vraiment affamés !
Tsukishima leva les yeux au ciel et Hinata gonfla les joues. Cependant, Sawamura avait conservé son sérieux, et analysait les paroles d'Hinata avec intérêt.
— Ce n'est pas une si mauvaise idée, fit Sugawara.
Sawamura approuva d'un hochement de tête. De toute façon, il avait eu beau se creuser la tête, aucune autre solution ne lui était venue à l'esprit. L'avenir de leur village était en jeu, et si des samouraïs affamés étaient leur unique espoir alors soit, Sawamura décidait de s'y accrocher.
— C'est vrai ?!
— Hm. Je pense qu'il faudrait ramener quatre samouraïs, ce serait le minimum pour défendre le village.
Tous opinèrent de la tête. Les bras croisés, ils attendaient les ordres de leur chef.
— Qui se rendra à la ville pour les recruter ? demanda Tanaka qui avait déjà envie d'en découvre avec ces foutus bandits.
— Trois ou quatre personnes devraient suffire. Il y a des volontaires ?
Une seule main s'empressa de se lever, et personne ne fut étonner en constatant qu'elle appartenait à Hinata. Il avait l'air impatient de faire la rencontre des samouraïs. Tsukishima se mit un peu à l'écart et ne dit rien, prenant bien soin de ne pas attirer l'attention sur lui. Il n'avait aucune envie d'accompagner l'autre sauterelle dans une ville qu'il ne connaissait pas pour recruter des malotrus dont il n'avait cure.
— Qui d'autre souhaite accompagner Hinata ?
Un ange passa, et alors que Sawamura s'apprêtait à insister, deux autres bras se levèrent. Tsukishima soupira, il ne serait pas obligé de se joindre à l'expédition. Les deux volontaires n'étaient autre que Nishinoya et Tanaka, ce qui n'étonna encore une fois qu'à moitié Sawamura. Avec Hinata, ils formaient le trio d'excités du village, impossible de les faire tenir en place.
— J'aimerai quand même une quatrième personne pour vous accompagner... Tsukishima, qu'en dis-tu ?
Il se raidit et ne put s'empêcher de tirer la grimace. Il l'avait vu venir, celle-là. C'était toujours à lui que revenait le rôle de surveiller ces trois énergumènes plus énergiques qu'un cheval lancé au galop. Il aurait bien voulu refuser, mais il respectait trop le chef du village pour s'opposer à sa décision.
— Si c'est vraiment nécessaire...
— Alors c'est conclu. Demain à l'aube, vous partirez pour recruter nos futurs bienfaiteurs. Nous vous fournirons des vivres et du riz. Puisse le vent nous être favorable.
Ils hochèrent la tête et quittèrent la hutte. Tandis qu'Hinata gambadait pour rentrer chez lui, Tsukishima poussa un long soupir las qui fit rire Yamaguchi. L'entrain à l'idée de partir en expédition était loin d'être partagé.
J'espère que ce deuxième chapitre vous a plu !
Pour ce qui est du rythme de publication, vous l'avez sans doute deviné, j'ai décidé de publier un chapitre par jour !
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Les sept samouraïs
FanfictionAnnée 1586, Japon, époque de Sengoku. Le village de Karasuno est sur le point de se faire piller par des brigands qui décident finalement de reporter l'attaque en attendant la prochaine récolte. Les villageois sont en panique et se concertent avec l...