C'était un petit jardin dont on faisait vite le tour. Pourtant, malgré sa taille, il recelait de vie. Au centre se dressait une fontaine en vieille pierre couverte de mousse et de cette fontaine s'échappait un mince filet d'eau qui formait un petit canal lumineux. Cette eau créait une atmosphère fraîche et apaisante et attirait des oiseaux au plumage multicolore. Les oiseaux contribuaient à égayer cet environnement paradisiaque en piaillant et voletant de branches en branches. Dans les arbres, il y avait des écureuils à la fourrure si rousse qu'on les savait épanouis. Et en levant toujours plus la tête, on découvrait deux tours de cristal étincelant qui reflétaient les rayons du soleil dans un kaléidoscope de couleurs. Le jardin baignait littéralement dans un puits de lumière.
– Bien, commençons.
Kian sortit Perrine de sa contemplation et s'assit en tailleur sur la pelouse verdoyante. D'un signe, il invita la terrienne à s'installer dans la même position, face à lui.
– Le premier exercice consiste à se taire et à écouter. Tu vas fermer les yeux et te concentrer sur tous les sons qui t'entourent. Le mana n'est pas quelque chose de visible, c'est un fluide, une énergie. Comme le souffle du vent, il se déplace d'être en être et relie chaque vie à la terre.
Perrine ferma les yeux et fit le vide dans son esprit afin de mieux écouter les bruits environnants.
– À la fin de cet entraînement, tu devras être capable de tout ressentir, chaque petit bruit, chaque petit rayon de lumière qui a une couleur et une nuance différente. Tu distingueras chaque parfum, chaque odeur. Tu entendras le vent et tu devineras jusqu'aux pensées des écureuils.
– Je ne suis pas prête de les entendre si tu continues à parler, marmonna Perrine.
Un silence lui répondit. Puis soudain, elle se sentit attrapée à la gorge et elle bascula en arrière, victime d'une attaque surprise. La jeune femme ouvrit subitement les yeux et découvrit Kian penché au dessus d'elle, une main enserrant son cou et l'autre immobilisant son bras droit. Le regard noir du maudit menaçait les yeux bleus de Perrine.
– À la fin de cet entraînement, répéta-t-il d'un ton sec, tu seras capable de parer la moindre attaque les yeux fermés. Mais pour l'instant, tu te tais et tu obéis. C'est compris ?
Perrine acquiesça, les yeux écarquillés face à un tel sérieux. « Rabat-joie » traversa son esprit mais elle ne le prononça pas par peur d'empirer son cas.
– Et ne pense pas aussi fort, s'il te plaît.
Elle se pinça les lèvres mais un sourire amusé la démangeait. Kian finit par relâcher sa poigne et prit même la main de Perrine pour l'aider à se redresser.
– Maintenant, concentre-toi.
La terrienne ferma les yeux et évacua une seconde fois les pensées qui l'encombraient. Elle fixa d'abord son attention sur l'eau dont elle écouta l'écoulement continu et mélodieux. Elle laissa le son envahir ses oreilles, puis sa tête et enfin son corps entier. Son âme semblait parcourue par ces douces vibrations. Et soudain, une multitude d'autres bruits se bousculèrent à ses oreilles : il y avait le chant des oiseaux, un écureuil qui bondissait de branche en branche, le frétillement des feuilles secouées par le vent, et ce même vent qui soufflait et sifflait entre les tours et qui emportait avec lui d'autres sons plus lointains, comme les rires des servantes ou le tintement d'épées en métal. En même temps que Perrine entendait tous ces détails, elle survolait mentalement les différentes scènes, telle une brise glissant sur la terre et caressant tour à tour les êtres dressés sur sa route.
– Tu pars trop loin, l'interrompit Kian. Concentre-toi sur le jardin seulement.
Les images s'effacèrent et le vide se fit une énième fois dans la tête de Perrine. Elle soupira et essaya de retrouver un semblant de concentration. Très bien, il voulait qu'elle écoute plus près, c'est ce qu'elle ferait donc. Le son le plus proche... boum, boum. Boum, boum. Boum, boum. Un cœur. C'était celui de Kian, il battait calmement, tout doucement, presque avec discrétion. Inconsciemment, Perrine calqua sa respiration sur ce rythme qui l'apaisait. La sérénité apportée par ce battement régulier permit à la jeune femme d'entendre pleinement tous les autres sons du jardin, comme si le cœur de Kian était un prisme par lequel il suffisait de regarder pour comprendre la réalité. Et un simple rayon du soleil se divisait alors en une infinité de couleurs, exactement comme le lui avait expliqué le prince. Tout devenait plus simple, plus clair et surtout plus vrai. Elle se demandait même comment elle avait pu croire aussi longtemps que la lumière n'était que lumière.
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BLUE HEART
FantasyImaginez-vous prendre un bain et la seconde d'après vous retrouver propulsée toute nue au milieu d'un immense lac. Difficile à croire n'est-ce pas ? Et pourtant c'est exactement ce que vient de vivre Perrine, jeune fille d'à peine dix-huit ans. Sur...