BLUE HEART

XLVI

 Après la révélation de Yan, un blanc plana entre les trois jeunes femmes. Perrine se mit à rire puis se tut face aux sourcils froncés de la « princesse ».

– Je ne plaisante pas.

Elle fouilla ses poches et en sortit une petite pièce de monnaie cuivrée qu'elle tendit à Jia.

– Voyez-vous même, leur dit-elle en présentant son profil.

Jia plaça la pièce à côté du visage de Yan et compara les portraits.

– La ressemblance est flagrante, admit-elle. Mais je ne reconnais pas ici la monnaie d'Iniese.

– Ils les ont fabriquées l'année dernière, en l'honneur de mon quinzième anniversaire. Ils y ont même gravé mon nom.

Jia réfléchit quelques secondes.

– Ça se tient, après tout tu es censée devenir la prochaine souveraine.

Ynasuana acquiesça.

– Alors tu es une princesse, une vraie de vrai ?

– Oui, insista-t-elle tandis que Perrine avait toujours du mal à y croire. Si je peux me permettre, nous avons assez perdu de temps. Allons-y.

Elle se retourna, se dirigeant vers une boutique d'une des plus grandes créatrices de mode d'Olbies.

Perrine et Jia se regardèrent en écarquillant les sourcils puis haussèrent les épaules et suivirent la pseudo princesse.

*

Au palais, l'hommage au prince disparu continuait mais en plus de cela, on avait préparé une grande fête en l'honneur du retour d'Erian.

Il était parti depuis trois ans et se rendait compte que rien du palais ne lui avait manqué, sauf peut-être la présence de ses parents. Après tout, il ne pouvait pas considérer avoir été très proche d'eux, il s'était même senti pendant longtemps plus proche des domestiques l'ayant élevé, voire même de ce frère jamais rencontré. Mais il devait avouer que revoir leurs visages avaient réveillé un manque sommeillant en lui. Ses parents restaient ses parents, qu'il fût pirate, prince ou vagabond. Rien ne pouvait changer ce fait.

– Ne devrait-on pas commencer à chercher ? demanda Louis.

– Cette nuit, répondit Kian. Nous serons peut-être moins surveillés.

– Attendons cette nuit, approuva Erian.

Essayait-il d'avoir le dernier mot pour prouver quelque chose à Kian ? Celui-ci soupira bruyamment, pourtant Erian l'ignora.

Louis se sentit très vite mal à l'aise, pris au milieu d'une tension injustifiée. Il se rendit compte que sans la présence des filles, l'air était beaucoup plus lourd devenant donc irrespirable. Il abandonna discrètement la pièce et essaya de trouver un endroit au calme, en extérieur de préférence, pour lui rappeler à quel point il aimait la nature. De porte en porte, couloir en couloir, il déboucha dans une cour extérieure, à l'arrière du château. Une source s'écoulait doucement au milieu de ce jardin fleuri, et formait un mince ruisseau d'eau claire et agitée. Des fleurs, comme celles qu'il avait vues s'illuminer sur la rivière la veille, bordaient ce filet surréaliste.

Très vite, il comprit où il était, faisant face à une triste réalité.

– C'est ici en effet.

Le cœur de Louis loupa un battement et il se retourna vivement. Derrière lui se tenait la reine, aussi mince et délicate que les fleurs couvrant le sol. Dans sa longue robe de voile et de mousseline bleus, elle faisait mélancoliquement écho aux nuances du ruisseau cristallin. Son visage était pâle, ses yeux aussi sombres que ceux d'Erian et ses lèvres rose pastel fanaient telles les jasmines à ses pieds. Elle semblait faire partie du paysage, comme une fleur éternelle que rien n'abat, pas même la perte de ses pétales. Louis baissa respectueusement la tête lorsqu'il se souvint le rang de celle qui lui faisait face.

La reine le dépassa et le jeune homme releva doucement le menton, suivant des yeux la silhouette qui vint s'accroupir au milieu des fleurs.

– Je viens ici chaque jour pour me recueillir.

– Pardonnez-moi, je ne savais pas.

Il recula vers les portes souhaitant se retirer.

– Restez, ordonna doucement la reine.

Ses mains effleurèrent les jasmines qui s'illuminèrent à ce contact. Elles formaient un tapis surnaturel de cœurs scintillant, se reflétant dans les yeux luisant de Louis.

– J'ai tant pleuré la disparition de mes enfants...

La lumière vacilla.

– Je ne sais pas qui je dois remercier pour le retour d'Erian... les dieux, le sort ou... vous peut-être.

– Non, l'honneur ne me revient pas.

– Qui sait, murmura-t-elle penchée au-dessus de l'eau.

Immobile, Louis observait la reine plonger ses doigts dans le ruisseau translucide, entourée d'un halo de jasmines étincelantes. Sa tête et sa couronne paraissaient lourdes à porter. Et pourtant, que n'aurait-il pas donné quelques heures plus tôt pour la faire tomber. Maintenant... En y réfléchissant, depuis qu'il connaissait la princesse Ynasuana, tous ses préjugés, même son désir de vengeance, en étaient ébranlés. Tout ce qu'il savait semblait jour après jour s'effondrer. Il voulait crier justice mais comment s'en prendre à une mère éplorée ? Comment retirer la vie à ce corps frêle, transpirant le chagrin et le désespoir ? Mais bientôt, la rage refit surface : comment ne pas se venger d'eux, qui l'avaient privé de ses parents ?! Comment ne pas faire souffrir Erian, autant que lui, le jeune Saomien, avait souffert ? Ses parents... il ne pourrait jamais les revoir ! Et lui, ce prince, devait-il jouir de leur présence alors que Louis ne les avait plus ?! Le dilemme en devenait insupportable au fur et à mesure qu'il apprenait à les connaître. Oui, il aurait pu s'approcher de la reine et lui maintenir la tête sous l'eau le temps qu'elle se noie, mais pour l'instant, il se contenterait de voler la pierre.

Silencieusement, il recula et, près de la porte, alors qu'il allait la franchir, il salua respectueusement la reine, courbant le buste dans un regret amer. Elle tourna la tête et Louis ne fut pas assez vif en partant : il aperçut deux rigoles de larmes creuser les maigres joues de ce visage majestueux. Pourquoi devait-il faire face à ces yeux rouges bordés de cils noirs et envahis par la douleur ? Pourquoi devait-il voir la souffrance de ses ennemis ?

Qu'en diraient ses parents ?...

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Bonsoir à tous !

Voici le chapitre avec un peu de retard, mais vous me connaissez 😅 n'hésitez pas à donner votre avis : vos commentaires sont une source de motivation !

Mauvaise nouvelle : il n'y aura pas de nouveau chapitre avant les vacances... désolée :)

À bientôt !