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Lorsque Kian arriva à Aliazba, petit village au Nord-est du royaume d'Olbies, il s'acheta un chapeau afin de cacher ses cheveux et son visage des curieux et des rumeurs. À Iziria avoir des cheveux blancs aussi jeune n'était pas quelque chose de commun, c'était clairement le signe d'une âme maudite. De plus, à cause de ses traits si bien connus de tous, Kian n'aurait pu aller bien loin sans l'ombre d'un couvre-chef. Ainsi camouflé, il se mit en quête d'un nouveau pantalon et d'une autre chemise car ceux qu'il portait, il les avait dérobés à des paysans sur son chemin.

– Je vous prends ceci, dit-il en tendant à un marchand sa nouvelle tenue.

– Ça fera vingt-huit kiaras gamin, lui répondit le vieil homme.

De sa petite bourse, Kian sortit deux pièces en or sur lesquels on pouvait admirer le profil du prince d'Olbies, porté disparu depuis presque vingt ans. Jamais personne ne sut ce qu'il était réellement advenu de ce jeune homme malgré les nombreuses rumeurs qui circulaient à son sujet. Le Roi, Arsalan III d'Olbies, et la Reine, Jasmine d'Olbies avaient d'ailleurs abandonné leurs recherches depuis longtemps, désespérés et anéantis par la perte de leur enfant.

– Attendez jeune homme ! S'écria le vendeur alors que Kian poursuivait sa route à travers la foule du marché.

Il se figea, posa la main sur le pommeau de son épée et se retourna prudemment. S'il était découvert, c'en était fini de sa petite promenade vagabonde : adieu sa quête, adieu sa liberté, retour à la case prison. Rien que d'y penser, il frissonna.

– Votre monnaie, précisa le bonhomme en lui tendant deux pièces de bronze.

Aussitôt sa poigne se fit moins crispée et il sourit en récupérant son argent.

– Merci.

Puis il repartit soulagé en direction de la place où il espérait trouver un acheteur à ce qu'il cachait précieusement dans son sac. Il ne regrettait pas d'avoir coupé les cheveux dorés de Perrine ; si elle avait croisé une autre personne, à coup sûr son destin aurait été différent et bien pire. À Iziria, être blond signifiait que vos ancêtres étaient des êtres maudits et qu'une partie de leur âme, comme la vôtre, était marquée à jamais par le sortilège des dieux. Ainsi, avant de bannir ou de tuer les malheureux, on leur infligeait des tortures inimaginables et il était même courant que les femmes fussent violées et battues, comme une bonne partie des hommes. L'exil fut pendant de nombreuses années la seule échappatoire de ces lignées maudites qui formèrent par la suite des groupes de nomades et de guerriers sanguinaires en quête de justice et de vengeance. Kian pouvait en témoigner car il avait été victime de tous ces actes : il avait été maudit, ses cheveux blancs avaient attiré les regards assassins et superstitieux, il avait été contraint à l'exil, puis il avait rejoint un clan qui se disait pour un monde meilleur mais qui ne cherchait qu'à renverser la monarchie. Enfin il avait atterri en prison où cette fois, grâce à l'entraînement qu'il avait subi plus tôt il avait pu se défendre contre les pires criminels du monde. Défiguré par les coups, personne ne sut qui il était vraiment, seule sa chevelure blanche attirait les yeux curieux. Peu de temps après son incarcération, il s'était enfui de ce lieu infâme et avait repris sa vie de loup solitaire. Iziria était un monde abject selon lui, certes il y avait des bons côtés et des endroits merveilleux, mais les dieux imposaient leurs lois, ils inspiraient d'un côté fascination et respect et d'un autre crainte et terreur. Les habitants étaient incapables de se détacher des traditions et des vieilles superstitions, ils ne connaissaient l'évolution et l'amélioration qu'une fois tous les dix ans, et parfois même tous les cinquante ans. Rien ni personne selon Kian ne se sentait le courage d'agir et de changer les choses. Et croyez-le ou non, mais s'il avait pu briser son destin et se dresser contre le monde, ou face aux dieux, il l'aurait fait.

Un peu plus loin, au coin d'une ruelle sombre, un homme vendait des cheveux blonds. Souvent, ceux qui se les offraient étaient soit des riches superstitieux soit des « sorcières » ou « magiciens », prétendant pouvoir conjurer les mauvais sorts grâce à des rites qui incluaient ces magnifiques cheveux d'or. Les nobles imbus d'eux-mêmes les affichaient à leur tableau de chasse. Tout cela dégoûtait Kian, rien que d'y penser, ses poings se serraient et son envie de tuer prenait le dessus sur son calme impérial. Le loup qui dormait en lui ne souhaitait plus que déchiqueter ces vulgaires personnes et les envoyer six pieds sous terre.

Malgré tout, l'heure n'était pas à la révolte, de plus, il avait besoin d'argent. Il tira donc cent quatre-vingt-dix kiaras de la chevelure de Perrine ce qui était un prix convenable quand on remarquait les reflets incroyables mais la longueur un peu courte. Selon ces deux critères, les prix pouvaient aller jusqu'à trois voire quatre cent kiaras, somme exorbitante mais tout à fait légale.

Enfin, lassé de déambuler entre les passants, Kian s'assit dans un coin sombre au bar d'une taverne malfamée, le chapeau sur la tête et les yeux rivés sur sa chope.

De son côté, Perrine approchait d'Aliazba tout en ruminant sa colère. Elle n'en revenait toujours pas d'avoir les cheveux aussi courts et se demandait encore pourquoi cet homme les lui avait coupés. En réfléchissant, elle avait émis l'hypothèse qu'ils avaient pu être brûlés mais elle n'en avait aucune preuve, au contraire, tout semblait lui indiquer que quelqu'un les lui avait coupés au plus court à l'aide d'une lame tranchante, ou d'une paire de ciseaux. Et si c'était un pervers ? Elle frissonna et préféra ne pas y penser.

Maintenant, sa coupe ressemblait beaucoup à celle de Scarlett Johansson dans le film Lucy de Luc Besson et même si elle trouvait l'héroïne admirable, elle n'en était pas moins horrifiée ; ses cheveux, qu'elle avait mis tant de temps à entretenir, venaient d'être coupés et cela alors qu'elle dormait dans un stupide rêve ! Ridicule. À présent elle espérait vraiment se réveiller, et le plus tôt serait le mieux, parce que rien que l'idée de vivre ici une seconde de plus lui donnait la nausée.

Les poings serrés, elle fonça tête baissée dans la foule du marché avec l'intention de retrouver cet être ignoble ainsi que ses cheveux même s'il fallait avouer qu'ils ne lui serviraient plus à grand chose coupés.

« Je le retrouverai et à cet instant il pourra bien me supplier, peu m'importera : je lui ferai comprendre le fond de ma pensée ! » Se promit intérieurement Perrine.

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Hello !!!

Un nouveau chapitre où l'on apprend énormément de choses sur ce royaume...

Qui est réellement Perrine maintenant que vous savez ce que signifient les cheveux blonds ?

Kian a un triste destin n'est-ce pas ?

Vous pensez que Perrine va retrouver Kian ?

Je vous laisse répondre pendant ce temps je retourne manger des pancakes 😜

Bye bye !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant