XVI

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Quelques jours plus tard...

– Cours ! cria Yna à Louis, son nouvel ami.

Les deux jeunes gens s'étaient rencontrés près des montagnes et après un long débat, ils avaient décidé d'atteindre l'un des nombreux ports de Nahara, pays réputé pour son commerce maritime, notamment avec les pirates. C'était pour cette raison qu'ils se retrouvaient à voler un navire, vraisemblablement le plus mal surveillé du port. Les deux pirates en charge de la garde gisaient au sol, inconscients, et alors qu'Yna pensait son plan infaillible, un homme et une femme d'une vingtaine d'années avaient fait leur apparition, réduisant ses espoirs à néant.

– Revenez-là, marins d'eau douce ! pestiférait l'homme qui semblait être un pirate aussi.

À présent, elle voyait Louis courir vers la sortie, comme elle le lui avait demandé, tandis qu'elle tentait de ralentir le jeune homme à leur trousse en renversant des tonneaux et des caisses sur son passage. Elle pensait fermement qu'ils s'en sortiraient lorsque Louis se prit les pieds dans une corde et s'écrasa lamentablement sur le sol boisé de la proue du navire. Elle leva les yeux au ciel et soupira. « Quel incapable, pensa-t-elle amèrement, qu'ai-je fait pour mériter un tel sort ? » Yna se précipita à ses côtés pour l'aider à se relever mais il était déjà trop tard : leurs poursuivants se tenaient devant eux, le pirate avec les bras croisés sur la poitrine et la fille brune secouant la tête de gauche à droite.

– Alors princesse on voulait voler mon bateau, déclara celui-ci.

« Quoi !? Mais comment il sait ! » s'étrangla Ynasuana en écarquillant les yeux.

– L'emprunter plutôt, pour quelques temps, corrigea Louis.

– Je ne suis pas princesse ! s'écria Yna.

« Quelle idiote celle-là, » désespéra Louis en se tapant le front de sa main droite.

– C'est un surnom commun, Y... Yan, lui expliqua-t-il avec un petit rire nerveux.

Mieux valait dissimuler son véritable nom, sous peine qu'on ne la reconnût.

– Bref peut-on savoir qui vous êtes et pourquoi vous aviez besoin de ce navire ? lui demanda la femme brune aux cheveux courts.

Yna se dit qu'à ce stade elle n'avait plus rien à perdre. De plus, mettre la situation au clair lui permettrait de ne pas réitérer ce genre de gaffe.

– Je m'appelle Yan, déclara-t-elle, reprenant le nom inventé par Louis. Je viens du royaume d'Iniese et je cherche l'aventure. Et voici Louis, mon ami, je l'ai rencontré près des montagnes et depuis que nous nous sommes découvert le même rêve, celui de naviguer, nous avons décidé de voler un navire. Pour tout vous dire, nous avons jeté notre dévolu sur le vôtre car il a l'air d'être le plus rapide, conclut-elle avec un petit sourire.

– Merci, mais je ne me laisse pas amadouer par les compliments, je suis même du genre intransigeant et je préfère l'ancien code des pirates au nouveau... D'ailleurs vous aimez les petits plongeons depuis la planche ?

– Je vous en prie, supplia Louis. Nous ne voulions aucun mal, promit-il.

La jeune femme brune demanda au capitaine du navire un entretien en tête à tête. Ils s'éloignèrent à l'avant de la proue et discutèrent à voix basse tout en gardant un œil sur leurs deux prisonniers. Quand ils eurent fini, ils revinrent se poster devant Yna et Louis qui étaient toujours à genoux.

– Je vous laisse une deuxième chance : venez demain à l'aube, je vous engage sur mon navire comme matelots. Ce sera un moyen de racheter votre faute et de voyager en toute légitimité. Mais sachez une chose, les prévint-il d'un ton grave : ici vous êtes sur un navire de pirates et à partir de maintenant vous serez des hors-la-loi. C'est clair ?

– De toute façon nous n'étions plus vraiment dans la légalité, n'est-ce pas Louis ?

– Oui, fit ce dernier un demi-sourire aux lèvres.

– Très bien ! s'enthousiasma leur nouveau patron. Je m'appelle Erian, mais en tant que votre futur chef, vous m'appellerez « Capitaine », et voici Perrine, une amie qui je l'espère nous rejoindra bientôt.

Ladite Perrine sourit mais d'un sourire forcé, tandis qu'Yna aidait Louis à se relever. Il était plutôt grand, avait des muscles peu sculptés et arborait des cheveux aussi noirs qu'une nuit nuageuse et coiffés en une longue tresse qui lui effleurait le bas du dos. Sa peau mate rappelait à Perrine les habitants de Polynésie, elle s'attendait même à découvrir des tatouages tribaux peints sur le corps du jeune homme. Mais comme il portait des vêtements, elle ne put confirmer sa théorie.

« C'est étrange, se dit Perrine, comme ces personnes nous ressemblent tant. »

Sur un point elle n'avait pas tort, Iziria de par sa constitution, ses climats et ses habitants semblaient similaire à la Terre mais si nous comprenions les dieux et la magie dans l'équation alors les deux mondes devenaient radicalement différents. À l'origine, s'ils se ressemblaient tant c'était parce que les portes permettaient aux habitants de passer librement d'un monde à l'autre et que ceux qui voyageaient transmettaient leurs cultures et leurs modes de vie. De nombreux écrivains de la Terre s'inspirèrent des contes et légendes des différents pays d'Iziria et inversement. Les deux mondes n'avaient jamais été aussi soudés jusqu'au jour où les dieux décidèrent de fermer définitivement les portes. Les hommes ne comprirent jamais pourquoi, puis la réalité devint mythe, les portes, légendes et toutes ces promesses d'aventure et de découverte, un lointain souvenir enfoui sous les ruines du passé. Aujourd'hui tous avaient oublié les noms des autres mondes et leur existence même. Tout le monde sauf les habitants d'une petite île. Malheureusement, ils étaient si curieux et si près de découvrir le moyen de ressusciter les liens entre les mondes qu'ils tombèrent eux aussi dans l'oubli. Leur île entière, toutes leurs recherches, leurs connaissances et leur savoir furent détruits, bombardés, anéantis... Et une seule personne en échappa : un petit garçon de huit ans. Ses parents étaient de talentueux chercheurs et ils avaient transmis au fur et à mesure toute leur science à leur fils. Il était un brillant élève qui aimait apprendre et il espérait, tout comme les défunts habitants de son île, qu'un jour les portes seraient à nouveau ouvertes et qu'elles permettraient aux mondes entiers de redevenir ce qu'ils étaient à l'origine : une seule et même terre.

Depuis plus de dix ans ce garçon vivait dans l'illégalité, refusant toute loi des gouvernements qui s'entêtaient à cacher la vérité à leurs sujets. Car eux aussi savaient ; les grands rois avaient formé une alliance et ce garçon, maintenant devenu homme, était persuadé que les dirigeants de chaque royaume étaient impliqués dans la destruction de Saoma. Il se rappelait bien son île : elle était magnifique. Elle regorgeait de plantes diverses et variées où résidaient les plus incroyables écosystèmes d'Iziria. On y trouvait également une quantité phénoménale de livres en tout genre : biologie, chimie, magie, sortilèges, histoire, cartographie, navigation, astronomie, etc. Autant de sciences et de pouvoir entre les mains d'un même peuple : fascinant et... effrayant. La peur de ce savoir était ce qui avait contraint l'union de ces pays à exterminer ces connaissances « trop dangereuses » selon eux. La force ne pouvait contrôler les esprits mais elle pouvait les détruire et c'est ce qu'elle fit.

À présent, ce jeune homme rescapé d'un horrible génocide, espérait retrouver les clés qui ouvraient ces portes perdues. Il en possédait une sur les sept et l'avait constamment sur lui. Le dernier souvenir que Louis gardait de ses parents était leurs yeux brillants et désolés, ainsi que leur voix le suppliant de fuir grâce à cette pierre bleue le plus loin possible de ce monde corrompu.

Louis allait venger leur mort, il allait réaliser leur rêve et il ferait ressurgir les passages liant Iziria à la Terre et aux autres mondes afin de bâtir un avenir meilleur. 

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Salut !

Nouveau personnage, nouvelles découvertes ! Qu'en dites-vous ?

Donc maintenant on se retrouve avec deux personnes qui courent après les pierres ! À votre avis qui les réunira en premier ?

Une petite idée de la suite ?

À la semaine prochaine !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant