XXXI

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Lorsque le soleil fut complètement couché, notre groupe d'aventuriers atteignit un petit village perdu entre le port et la prochaine grande ville du royaume de Nahara. Se dirigeant vers le Nord-Est, ils devaient contourner la forêt maudite afin de franchir les frontières d'Olbies, direction le palais royal. En effet, bien au chaud dans un écrin de velours et protégée par un puissant sortilège, la clé menant au royaume des âmes y était entreposée depuis des siècles mais avait souvent été dérobée, pour sa capacité à ramener les morts à la vie. Les nombreux vols amenèrent alors les dieux ainsi que les dirigeants des sept pays d'Iziria à s'en mêler. Depuis bientôt vingt ans, personne n'avait plus tenté de s'en emparer, et la pierre, transposée à l'état de légende, était définitivement tombée dans l'oubli depuis que la bibliothèque de Saoma avait été détruite, il y a de cela une décennie.

Tout était donc lié. Par son passé, Louis était devenu un excellent espion, repérant les individus qui pouvaient le conduire à sa vengeance. Malgré elle, Yna n'était qu'un pion ; lorsqu'il reconnût la princesse, Louis compta se servir d'elle pour lui soutirer des informations. Malheureusement, elle semblait trop naïve et insouciante pour savoir quoi que ce soit sur la lourde mission qui reposait sur les épaules de son père. C'était aux rois d'Iziria qu'il incombait la tâche de retrouver les clés disparues des palais. Louis éprouvait donc, du matin au soir, la peur d'être retrouvé par la garde royale, actuellement sur ses traces. Mais Yna s'était accrochée à lui et tentait de le comprendre alors qu'il n'en avait nulle envie. Elle était trop inconsciente et téméraire et risquait de détruire ses plans. Il lui fallait faire avec maintenant.

La belle et jeune princesse, quant à elle, s'imaginait déjà partir pour une grande aventure où elle deviendrait une héroïne sauvant de pauvres malheureux sur sa route. Son esprit était envahi d'actions chevaleresques, de mystères à dévoiler et de voyages à travers la campagne d'Olbies. Olbies, ce pays qui avait failli devenir le sien... Elle avait entendu, par ses suivantes, pas moins d'une dizaine de légendes et de rumeurs à propos de ce royaume et de l'annulation du mariage arrangé. Ynasuana d'Iniese n'avait pas plus de quatorze ans, et ce fut sûrement son jeune âge qui l'amena à croire que son prince promis s'était enfui pour prendre le large, fuyant le poids de la couronne. Environ deux ans plus tard, elle prenait exemple sur cet homme qu'elle n'avait jamais vu, non par envie de le suivre ou de le retrouver, mais parce qu'elle pensait que s'il l'avait fait, elle pouvait aussi le faire. Ce qu'elle ignorait alors, c'était le chagrin qu'avaient éprouvé les parents du jeune aventurier lorsqu'il s'était enfui. Leur vie, déjà bien difficile, avait été brisée une deuxième fois. Comme une malédiction, la douleur s'abattait encore, sans pitié, sur leur famille désormais anéantie. La reine restait enfermée dans ses appartements, et le roi se noyait dans le travail, enfouissant sa peine sous une montagne de papiers. Il n'y avait plus d'héritier, plus d'espoir d'en voir naître un un jour, et la crainte de ne jamais le voir revenir... car les souverains avaient aussi eu vent des rumeurs. Certaines disaient que le prince avait été enlevé par des pirates et qu'il était esclave sur un navire, d'autres envisageaient le pire et racontaient comment il avait été torturé puis assassiné. Toutes blessaient la reine et aucune ne la rassurait. Son fils avait disparu, réveillant une ancienne douleur qui s'était atténuée lors de sa naissance. À présent son chagrin ne semblait que s'accroître au fur et à mesure que la garde d'Olbies revenait, sans nouvelle de son petit prince.

*

Arrivés aux abords de ce village, ils décidèrent de faire une courte pause. Ynasuana et Louis se rapprochèrent de Perrine pour en apprendre plus sur les détails de cette expédition. Erian, non loin de là, l'écouta parler mais sans espérer en découvrir plus qu'il n'en savait déjà.

– Pour commencer, je dois vous prévenir que cette mission ne sera pas sans risque et que si après mes révélations vous décidez de nous quitter, je vous comprendrais.

Les deux jeunes gens hochèrent la tête en signe d'acquiescement.

– Le but de cette mission repose sur le vol d'une clé, gardée dans le palais de ce royaume.

– Et pourquoi doit-on voler cette clé ?

Louis jeta un regard énervé à la princesse ; ce genre de questions ne se posait pas, elle aurait dû le savoir. Malheureusement, sa curiosité était bien trop grande et si Louis avait été doté de la même, il aurait compris son manque de retenue.

– Pour m'aider à...

– Briser une malédiction, l'interrompit Jia.

Perrine l'observa s'approcher et elle déglutit lorsque ses souvenirs d'une incroyable chevelure verte se calquèrent sur les cheveux actuellement bruns de Jia. La terrienne était persuadée que le vert était sa couleur naturelle et donc que ce brun était faux, mais ce qu'elle ne savait pas, c'était pourquoi elle cachait sa véritable nature.

– Ne cherchez pas à en savoir plus sinon partez.

Jia se tourna vers Erian, essaya de le sonder mais se heurta à un mur. C'était un pur, un Izirien doté dès la naissance d'un immense et puissant mana capable d'égaler celui des plus faibles divinités. Elle fit signe à Kian et avant qu'ils ne s'éloignent du groupe, Jia déclara qu'ils devaient voler des chevaux.

– Nous sommes poursuivis par le temps et bientôt, nous ne tarderons pas à avoir la garde royale à nos trousses, expliqua-t-elle en fixant tour à tour Louis puis Yan.

Avec sa perspicacité habituelle, le Saomien comprit que cette aveugle n'en était pas une et qu'elle avait des soupçons sur leurs identités.

– Le pirate pourrait nous aider, chuchota-t-elle à Kian.

Le loup, qui avait aussi deviné le pouvoir d'Erian, admit que sur ce point ils étaient chanceux d'avoir un poids en moins.

– Prends Perrine, je reste avec les deux... gringalets.

Elle hocha la tête et appela Erian et Perrine. Pendant ce temps, Kian s'adossa à un mur et sortit sa dague pour en aiguiser la lame tout en gardant un œil sur Louis et Yan. Ces derniers étaient occupés à partager leurs provisions.

– Pourquoi les autres ne viennent pas ? demanda Perrine à Jia.

Erian les suivait nonchalamment et toujours en silence, observant attentivement tout ce qui pouvait se passer. Il avait compris que s'ils étaient divisés, c'était pour faire moins de bruit en volant les chevaux, et il avait aussi deviné que ce "Kian" était resté avec Yan et Louis pour mieux les surveiller. Il n'osait même pas enquêter sur la jeune femme aveugle, son aura étant si puissante qu'il préférait se méfier et ériger son propre bouclier. Même en tant que séducteur il n'osait pas l'approcher. Elle était si froide et hautaine, comme si elle appartenait à un autre monde.

– Nous n'avons pas besoin de six personnes pour voler trois chevaux.

Elle se retint d'ajouter que ses amis avaient l'air de deux incompétents.

– Pourquoi ne pas les acheter ?

– C'est trop cher, répondit-elle sèchement. Maintenant arrête de parler, ou nous serons repérés.

– Désolée, murmura Perrine.

– Bien, voici le plan... commença à leur expliquer l'immortelle.


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Bonjour à tous ! Voici un nouveau chapitre où on en apprend un peu plus sur les pensées de chaque personnage, ainsi que sur la clé que nos héros vont voler.

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Bon week-end !!!

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant