XLVII

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Couverte de moire, d'organza et de voile, la princesse d'Iniese avançait en amazone sur le plus beau des trois chevaux volés par la troupe de vagabonds. Les suivantes la talonnaient, à pieds, et revêtues des couleurs du pays d'Iniese : un magnifique vert émeraude assorti à du rose pâle. Leurs tenues étaient similaires, les reléguant au rang de simples roturières. 

Arrivées devant l'immense porte de la muraille qui cernait le palais, les jeunes femmes firent face à deux gardes. Derrière eux, deux tours s'élevaient dans le ciel bleu, projetant une ombre allongée au sol. De ce côté de la ville, la rue était déserte, ce qui renforçait la majesté du palais. Mais étrangement, il se fondait dans le décor, ou plutôt, le décor s'y soumettait : les habitations les plus proches s'accordaient avec la pierre polie qui forgeait l'extérieur du palais, le ciel même semblait s'être assimilé au bâtiment.

Yna arrêta son cheval à quelques mètres de la porte. Les gardes se regardèrent, étonnées, puis croisèrent leurs lances lorsque Jia s'approcha d'eux.

– Saluez la princesse Ynasuana Jeiamila Onui, princesse de la contrée d'Iniese et descendante de la légendaire Aruati, déesse de la beauté.

Les deux gardes semblaient perplexes mais baissèrent la tête par respect.

– Votre visite est impromptue, répondit un des deux hommes.

– La princesse vient saluer les souverains du royaume d'Iniese en l'honneur des festivités mémoriennes. Sa visite n'était pas prévue, il est vrai mais...

Yna, dont le visage était caché par un voile vert émeraude, leva la main et demanda de l'aide à Perrine pour descendre du cheval. Elle s'avança vers les gardes qui restaient méfiants. Elle retira soudainement le voile qui lui couvrait le visage. Choqués, les deux gardes baissèrent vivement les yeux.

– J'ai fait long voyage, tonna-t-elle. Votre suspicion est-elle nécessaire ou allez-vous me conduire au roi et à la reine qui pourront attester de mon identité ? Cette attente est un manque de respect.

– Nous sommes désolés votre altesse, s'excusèrent-ils. Nous vous prions de bien vouloir couvrir votre visage.

Tête baissée, ils attendirent qu'Yna replace son voile avant de lui ouvrir la porte et de l'accompagner à l'intérieur du palais jusqu'aux souverains d'Olbies.

Les suivantes reprirent leur place de chaque côté d'Yna, qui avançait cette fois à pied, son cheval ayant été conduit aux écuries royales.

– Pourquoi ne voulaient-ils pas voir ton visage ? demanda discrètement Perrine.

– C'est une vieille tradition.

La princesse et ses deux amies suivaient les gardes à travers les couloirs et différentes salles du palais, en direction de celle du trône.

– Les monarques sont les descendants indirects des dieux. Donc comme l'on ne peut voir un dieu sans être maudit, aucun "mortel" n'a le droit de voir les visages de la famille royale sans autorisation, sous peine d'être maudit.

Elle avait dit mortel avec un ton qui laissait entendre que cette tradition la dépassait.

– Est-ce pour cette raison qu'ici vous vous saluez en baissant la tête ?

Le garde s'arrêta devant une lourde double porte en bois.

– Bonne question, je n'y avais jamais pensé, mais je suppose que cela y est lié...

Les panneaux de chêne sculptés s'ouvrirent, tirés par des serviteurs.

– Majesté, voici la princesse Ynasuana Jeiamila Onui d'Iniese.

Elles avancèrent en direction de deux trônes où ne siégeait que le roi d'Olbies. La salle était majestueuse, étincelant comme si aucun mur n'était dressé, et c'était sans doute grâce à un dôme de verre que Perrine remarqua en levant les yeux. Il créait un véritable puits de lumière sous lequel passa la jeune terrienne avec enchantement. De toute sa vie, elle n'avait jamais vu architecture plus belle, sauf peut-être en voyageant à Paris ou à Londres, mais ce qu'elle percevait ici n'avait rien de semblable. Le marbre blanc présentait de subtiles veines bleu et des colonnes s'élevaient jusqu'au plafond, étirant encore plus la hauteur qui l'en séparait du sol. Celui-ci laissait les pieds de Perrine se glisser avec aisance sur une pierre lisse et brillante. Sa propre salle de bain, que la jeune femme trouvait pourtant inégalée en matière d'architecture d'intérieur, n'avait plus rien de comparable. En dépassant chacune des colonnes, Perrine sentit une douce odeur envahir ses narines. Des bouquets de fleurs mélangeant des nuances de bleu s'associait à des plumes blanches. Aucun détail n'était laissé au hasard, pas même la multitude de cristaux qui ornait un immense lustre doré.

Quand elles furent assez près du roi, Yna baissa respectueusement la tête, tandis que Perrine s'agenouilla en remarquant Jia faire de même. Les yeux rivés au sol, elles écoutèrent la princesse s'entretenir avec le souverain d'Olbies. Yna souleva son voile afin d'être reconnue. Quelques années plus tôt, la famille royale avait reçu son portrait puisqu'elle était destinée à épouser le prince de ce pays. Elle était heureuse à présent que ces fiançailles écourtées aient finalement servi à quelque chose.

– Votre altesse, la contrée d'Iniese vous présente ses salutations respectueuses.

Elle se redressa et remarqua le roi s'approcher.

– Princesse Ynasuana, vos parents vont être soulagés d'apprendre que vous êtes ici. Ils ont envoyé des missives aux quatre coins d'Iziria pour vous retrouver.

– Il est vrai, j'ai fait des caprices, mais je ne voulais pas les inquiéter. J'avais besoin de voyager avant d'accéder au trône, et je voulais participer aux festivités mémoriennes afin de rendre mes hommages au prince disparu.

– J'envoie un messager prévenir vos parents, les souverains d'Iniese, de votre arrivée.

– Oui, merci, qu'ils ne s'inquiètent pas de ma sécurité.

– Nous vous faisons préparer une suite, pour vous et vos demoiselles de compagnie.

Ynasuana baissa la tête pour le remercier. La princesse se retourna, prête à suivre le serviteur qui la conduirait à sa chambre.

– Votre altesse !

La princesse fit volte-face.

– En plus des fêtes mémoriennes, nous avons l'honneur d'organiser un bal ce soir pour le retour de notre second fils, le prince Enkil le Sage. Nous espérons pouvoir renouveler l'accord de vos fiançailles.

Yna tressaillit mais cacha vite son trouble.

– Nous réfléchirons à cette proposition dès l'arrivée des souverains d'Iniese. En attendant, je me joindrai avec plaisir à toutes les festivités.

– Bienvenue dans le royaume d'Olbies, princesse Ynasuana.

– Merci pour votre accueil.

Un dernier salut de tête et la princesse suivit le serviteur en dehors de la salle du trône. Sur ses talons, ses deux amies maintenant devraient jouer pour le reste de leur séjour de fidèles suivantes. Ce rôle était malgré tout beaucoup mieux que celui de servante.

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Bonjour à tous et à toutes ! 

J'aimerais d'abord vous souhaiter une très bonne année, en espérant que vous avez passé de joyeuses fêtes ! Je vous souhaite évidemment le meilleur pour cette nouvelle année : accomplissez vos rêves, travaillez dur pour ce que vous souhaitez et surtout saisissez chaque occasion. Ce petit chapitre est votre cadeau de Noël en retard, j'espère qu'il vous a plu ! 

Bonne fin de semaine, on se retrouve bientôt ;)

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant