XXXIX

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 Nos héros s'arrêtèrent près de la rivière, à l'abri de quelques arbres, pour installer leur campement.

– Ce sera bientôt l'heure, déclara Erian.

– L'heure de quoi ? demanda Perrine.

Les yeux d'Erian fixaient le château avec nostalgie. La terrienne leva son regard sur la ville qui s'illuminait au fur et à mesure que la nuit tombait.

– Le roi et la reine rendent hommage au prince disparu tous les ans et toute la ville fait de même. Tu le verras bientôt, c'est un spectacle impressionnant.

Assise sur un tronc d'arbre mort, Perrine observa attentivement le ciel où les étoiles s'allumaient les unes après les autres. Louis et Kian allumèrent un feu de camps tandis que Jia recoiffait Yan, tressant ses longs cheveux bruns. À cet instant précis, les secondes parurent s'étirer. Le temps ne s'écoula plus de la même manière, il était aussi calme que l'eau de la rivière aux pieds de Perrine. Et soudain, de petites lumières apparurent au loin, flottant sur l'eau et dérivant avec le courant. Les taches lumineuses s'approchèrent, et Perrine se leva pour contempler les centaines de fleurs chatoyantes. Elles avaient l'apparence de nénuphars tels ceux de la planète Terre, à la seule différence qu'elles scintillaient comme mille soleils.

Erian s'éloigna, marchant le long du cours d'eau, en direction de la source des lumières. Yan s'approcha de Perrine, accompagnée de Jia.

– C'est magnifique, souffla la princesse en observant les premières fleurs passer devant elle.

Perrine se pencha au-dessus de l'eau et y vit son reflet comme en plein jour. Émerveillée par ce spectacle, elle tendit la main et du bout des doigts effleura les pétales d'une fleur miroitante. À ce simple contact, une bouffée d'amour et de mélancolie envahit le cœur de Perrine. « Reviens-nous, » la supplia-t-on. La fleur dorée s'éteignit, vidée de toute magie.

Jia sentit l'incompréhension et la culpabilité imprégner l'aura de la jeune fille déconcertée par cet événement.

– Que s'est-il passé ? s'interrogea Yan en fronçant les sourcils.

– Toucher une de ces fleurs c'est toucher les pensées et les prières de la personne qui l'a déposée sur l'eau, les informa Jia. Jadis, nos ancêtres les utilisaient pour communiquer des messages à leurs proches partis dans d'autres contrées ou bien pour faire parvenir leurs prières aux dieux mais depuis, cette coutume s'est perdue, les gens ont préféré envoyer des messagers car ils trouvaient ce moyen plus sûr, plus rapide et efficace. La magie s'est petit à petit envolée, le souvenir de cette tradition ancestrale s'est effacé... Cependant, il y a exactement vingt ans, la reine, désespérée après la disparition de son fils, se rendit au bord de cette rivière. Sur la rive poussaient ces fleurs si particulières. On raconte qu'elle versa de nombreuses larmes et qu'elle murmura une prière afin que les dieux protègent son fils. Alors tout autour d'elle les fleurs se mirent à luire comme si le ciel lui répondait. Miracle ou magie, certains disent que c'est la même chose, en tout cas ce soir-là la reine ne se posa pas plus de question : elle cueillit chacune des fleurs étincelantes et les déposa une à une dans l'eau, espérant que quelqu'un entendrait son désespoir et lui ramènerait son fils perdu. Chaque jour, elle vint répéter sa prière et cueillir une fleur pour la déposer sur ce cours d'eau. Les habitants du royaume se joignirent à elle et ce fut ainsi que toutes les nuits la rivière s'illuminait du chagrin des villageois. Mais les mois passèrent et les habitants arrêtèrent de prier : ils avaient perdu tout espoir de revoir leur prince. Le roi déclara alors qu'à chaque anniversaire de la date de disparition de son fils, ils prieraient pour lui à travers ces fleurs pour ne pas l'oublier. On rebaptisa ces plantes Jasmine en souvenir de celle qui a ressuscité cette magie au royaume.

Jia comprit que Perrine pleurait lorsque celle-ci renifla. Les joues de la jeune fille étaient inondées de larmes sur lesquelles se reflétait la lumière des fleurs qui lui donnèrent un éclat doré.

Kian jeta brutalement le bois qu'il avait ramené et, s'éloignant de la rivière, il laissa Louis s'occuper seul du feu. Jia ne cessait de raconter un passé que le prince souhaitait oublier ; cela l'énervait.

Yan alla rejoindre son ami près des flammes : elle devait présenter des excuses à Louis avant de le regretter.

– Qu'a-t-il ? demanda Perrine en désignant Kian.

– C'est un homme, qui peut bien savoir ce qui se passe dans sa tête, lui répondit Jia en souriant.

Les larmes de Perrine s'arrêtèrent, laissant place à un petit rire. Cette histoire l'avait bouleversée, elle lui rappelait celle de Raiponce, cette princesse qui avait disparu sans rien laisser derrière elle sauf le chagrin de ses parents. La jeune femme ressentait encore l'immense et profonde douleur que lui avait transmise la fleur, elle pensa à ses parents, à Raiponce et elle se demanda s'ils étaient tristes qu'elle eût disparu.

– J'aimerais en envoyer une, déclara-t-elle soudainement.

– Une Jasmine ? s'étonna Jia.

Perrine hocha la tête. Elle était déterminée à cueillir une de ces fleurs et à y laisser un message pour ses parents même si les probabilités qu'ils la reçussent semblaient nulles.

– D'accord, si on continue sur quelques mètres, on pourra sûrement en trouver.

– Merci.

Elles longèrent le fleuve à la recherche de Jasmines et en trouvèrent non loin de leur campement improvisé.

– Il te suffit de tenir la fleur entre tes doigts, de penser très fort aux paroles et sentiments que tu veux lui confier, puis de la déposer sur l'eau, lui expliqua Jia. Je te laisse un moment, dit-elle en s'éclipsant.

Perrine cueillit une Jasmine ; ses pétales frémir entre ses doigts. La jeune fille ferma les yeux et imagina le visage de ses parents tout près d'elle. « Papa, Maman, ne vous inquiétez pas pour moi, tout va bien. Je trouverai bientôt le moyen de vous rejoindre, je vous aime. Prenez soin de vous. »

Elle s'agenouilla au bord de l'eau et déposa délicatement la fleur qui brillait intensément au milieu des autres nénuphars. Elle ressentit un étrange soulagement, comme si à présent c'était la Jasmine qui portait ses inquiétudes. Aujourd'hui plus que ces derniers jours, elle souhaitait vraiment rentrer chez elle. Mais pour cela, elle devait voler une pierre, briser une malédiction et retrouver le portail menant à son monde. Si seulement elle pouvait accélérer le temps et passer directement à l'épisode où elle rentrait chez elle...

Elle s'assit et enroula ses bras autour de ses jambes, posant son menton sur ses genoux. Les fleurs continuèrent à illuminer la rivière pendant une bonne dizaine de minutes, puis le cours d'eau s'éteignit peu à peu, retrouvant son calme habituel.

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Bonjour !!!

Voici le chapitre (et oui enfin !)

Bonne lecture et on se retrouve samedi, ou plus tard dans la semaine si j'oublie 😅

Comme d'habitude, n'hésitez pas à commenter et votez si ça vous plaît 😉

Bye !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant