BLUE HEART

XXIX

Perrine ne savait pas vraiment comment aborder le sujet « Erian » auprès de Kian et Jia. Et tandis qu'elle y réfléchissait, le prince se demandait de quelle manière la jeune arrogante qui lui tenait compagnie allait poser la question qui lui brûlait les lèvres... ou peut-être devait-il achever son tourment et lui donner dès à présent la réponse négative qu'il lui réservait. Mais elle se décida finalement, avant que Kian ne pût lui-même se prononcer.

– Moi aussi j'ai un coéquipier et j'ai besoin qu'il vienne avec moi.

Sa fermeté impressionna le prince maudit qui ne se laissa pas faire pour autant.

– Si c'est cet infâme pirate, c'est non.

– Jia sera d'accord, je ne te posais même pas la question, répliqua-t-elle sur un ton vaniteux.

Il leva un sourcil et un rictus se dessina sur ses lèvres prétentieuses. On pouvait qualifier cette méthode de drastique et c'était justement ce tempérament ardent qui amusait Kian. Du coin de l'œil, il considéra la démarche et le regard déterminé de Perrine. Il commençait à douter de sa propre force, de son pouvoir et même de la réponse de Jia. Alors qu'il ne devrait pas parce que sincèrement, lequel d'eux deux la connaissait depuis près de vingt ans ? C'était lui et non cette fille qui venait tout juste d'apparaître dans leurs vies. Et pourtant, malgré cela il doutait encore.

Face à face devant la porte de la chambre, ces deux personnes à l'exceptionnel destin se défièrent du regard. Elles semblaient ne rien avoir en commun cependant il ne fallait jamais se fier aux apparences. Leurs passés autant que leurs futurs étaient irrémédiablement liés.

– Entrons, murmura Kian comme si briser ce silence revenait à déclarer une guerre.

Perrine hocha la tête et ils pénétrèrent dans la tanière de Jia.

– Nous devons partir dès ce soir, il n'y a plus de temps à perdre : si nous restons trop longtemps ici, cela pourrait paraître suspect.

– Mais nous sommes arrivés hier ! protesta Kian.

– C'est déjà bien assez long.

Et après cette déclaration, elle lui jeta un regard qu'il traduisit immédiatement : Erinna pouvait réapparaître à tout moment et si elle découvrait que Kian cherchait à réunir les pierres pour briser la malédiction, alors leur quête en serait fortement affectée. Elle en deviendrait même impossible.

– Tu as besoin de repos, s'interposa le jeune homme.

Elle secoua la tête.

– Ma décision est prise Kian, nous ne pouvons pas prendre ce risque.

Il se tut sachant qu'il n'obtiendrait rien de cette manière. Lui faire changer d'avis c'était croire en l'existence d'un monde sans dieux.

– Au fait, commença timidement Perrine.

Craignait-elle Jia ? Oui mais elle ne l'avouerait jamais.

– J'ai une requête, annonça-t-elle avec plus d'assurance. J'aimerais que mon ami nous accompagne.

– Un ami ? s'étonna Jia. Depuis quand le connais-tu ?

Troublée par cette question à laquelle elle n'avait absolument pas pensé, Perrine ne parvint pas à répondre. Comment expliquer qu'elle privilégiait le sentiment instinctif qu'elle pouvait faire confiance à Erian, au lieu d'écouter sa raison qui avait conscience de sa naïveté ?

Elle était dans une chambre d'auberge avec de parfaits inconnus, discutant d'une mission dont elle ignorait la moitié des détails alors qu'elle venait tout juste d'arriver dans ce monde étrange. Devait-elle croire à la magie maintenant ? Et considérer Erian comme un ami sur de simples intuitions ?