XII

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Le silence de Perrine en disait long sur son état d'esprit. Depuis son départ de l'auberge, elle n'avait posé aucune question alors que quelques minutes plus tôt elle en mourrait d'envie. Cependant, ces adieux précipités lui avaient ôté toute curiosité, comme si à présent sa vie était vide de sens. C'était peut-être cela le plus grand défaut de Perrine : de s'attacher trop vite aux personnes qui finissaient par l'abandonner.

– Mon bateau est assez loin, à plusieurs heures de cheval d'ici mais avec un peu de volonté et un bon étalon, on y sera demain, annonça Erian tout en brisant le froid qui s'installait entre la magnifique jeune fille qui l'accompagnait et lui.

Perrine hocha la tête, encore un peu perdue dans ses pensées.

– Au fait tu comptais me rembourser un jour ? Lui demanda-t-il un demi-sourire narquois étirant ses lèvres.

Il tentait vainement de relancer la conversation, mais Perrine lui jeta un regard glacial : cela ne la faisait pas rire. Puis elle se rendit compte de son attitude injuste et s'excusa. Elle commençait à croire qu'elle était trop orgueilleuse et que sa fierté mal placée l'empêchait de reconnaître qu'on lui avait plusieurs fois sauvé la vie. D'abord ce jeune homme aux cheveux blancs l'avait tirée des flammes et maintenant ce pirate achevait deux hommes sans les toucher pour la sortir d'un mauvais pas. Elle avait eu beaucoup de chance jusqu'ici.

– Comment as-tu fait... tu sais ce truc en sortant de l'auberge ?

– Ah ça...

Le jeune pirate réfléchit : très peu de personnes étaient au courant de son don. Depuis un certain temps, son équipage s'en doutait : cela lui rappelait son enfance. Il se souvint que ses parents l'avaient toujours empêché de l'utiliser. C'était en partie pour cela qu'il avait fui : en devenant pirate, il avait gagné la liberté d'être lui-même.

– C'est un don de naissance.

– Sujet sensible n'est-ce pas ? Devina Perrine.

– Oui, affirma Erian en riant.

Après quelques secondes de silence, la jeune femme osa malgré tout poser une question qui la démangeait.

– Pourquoi tu es devenu pirate ?

Elle voulait savoir si dans ce monde les choses étaient différentes. Pourquoi existait-il des pirates alors que les habitants paraissaient si joyeux ? Son jugement était sûrement faussé : elle n'avait vu jusqu'à présent qu'un petit village de ce monde, elle ne connaissait rien de son histoire. Sans doute Erian était-il devenu hors-la-loi pour la même raison qui avait poussé Jia à tirer les rideaux de son salon de coiffure : les secrets. La curiosité de Perrine mit Erian mal à l'aise et il se sentit obligé de mentir. Il conta à Perrine l'histoire d'un petit garçon qui avait été abandonné en mer et recueilli par des marins. En réalité, il avait eu une enfance très heureuse, en compagnie de ses deux parents. Mais ensuite, toute sa vie avait été chamboulée lorsqu'il avait appris la vérité au sujet de sa famille. Il avait rejoint l'océan à dix-sept ans ; depuis il n'avait revu ni sa mère ni son père.

– Alors tu ne connais pas tes vrais parents, conclut Perrine. Parfois, j'aurais aimé être adoptée, avoua-t-elle.

Elle aimait beaucoup ses parents cependant elle était incapable de les admirer. Ils n'avaient presque jamais de temps pour la jeune fille qui, un jour, finit par être lassée de les attendre. Perrine ne réussit pas à les détester, elle était juste déçue. Alors pour ne plus se sentir seule, elle se réfugia chez sa tante Pattie qui donnait beaucoup moins d'attention à son travail et qui chérissait plus sa famille même si en retour la vieille dame n'obtenait pas tout l'amour qu'elle offrait à son entourage. Pattie s'en contentait et c'était pour cette raison que Perrine l'admirait.

Le reste du trajet, Erian parla énormément de son navire, une frégate légère et rapide de plus de trente-cinq mètres de long. Munie d'une quarantaine de canons, elle était apparemment aussi rapide que les vaisseaux des flottes royales d'Iziria. Elle possédait trois mâts, le plus grand atteignant presque les soixante mètres de haut. Erian insista énormément sur la rapidité de son navire qui apparaissait, à travers les paroles du jeune capitaine, comme l'un des plus agiles et impétueux vaisseaux des océans. Il avait comme figure de proue une sublime sirène sculptée dans un bois noble et à la main par Erian lui-même. On pouvait distinguer chacune de ses écailles et parfois l'iris de ses yeux semblait scintiller comme si la créature était l'âme du bateau.

Perrine sentit que le capitaine du Neptune aimait beaucoup son équipage ainsi que son navire, comme s'ils faisaient partie intégrante du jeune homme. Cela se voyait que la mer était et serait à jamais son âme sœur.

« Je suppose que c'est à cela qu'on reconnaît les meilleurs pirates, » songea Perrine.

Elle essaya de s'imaginer le gigantesque navire qu'Erian lui avait décrit un peu plus tôt mais ne parvint qu'à coller des images floues de quelque bateau pirate d'un film qu'elle avait dû voir un million de fois : Pirates des Caraïbes. Elle espérait que ce monde était plus sûr que l'univers du film qui la rendait anxieuse, parce que si elle avait à subir les mêmes épreuves que ces protagonistes, elle n'était pas certaine d'en sortir indemne. Malgré tout, son désir de parcourir librement cette terre était plus fort que la crainte des éventuels risques encourus en tant que Terrienne. Elle n'avait pas dissimulé son secret au loup car du point de vue de Perrine, il n'était qu'un animal dénué de parole, mais face à Erian, elle devait être plus prudente et appliquer les conseils de Sarah et Jia. Selon cette dernière qui se doutait des origines de Perrine, le danger pouvait venir de n'importe où et de n'importe qui ; rester sur ses gardes semblaient donc nécessaire.

– J'ai hâte de découvrir ton navire ! Il m'a l'air superbe, s'enthousiasma Perrine.

Au-delà du caractère séducteur que la jeune femme avait pu remarquer la veille, elle découvrit un jeune homme passionné et aventureux ainsi que tout à fait charmant. Cette première impression à l'auberge n'était qu'une façade. Lorsqu'on apprenait à connaître Erian, on n'était pas déçu de trouver en lui une personne de bonne compagnie et souriante.

– Je t'emmènerai en mer avec mon équipage si tu le souhaites, proposa-t-il.

– Avec plaisir !

Mais l'envie n'y était pas, Perrine voulait retourner sur Terre et retrouver sa vie. Certes cette aventure était amusante mais que se passerait-il ensuite ? Elle avait failli être dévorée par un loup, brûlée par un feu de forêt et même dépecée par des taverniers ! Elle voyait ce monde d'un autre œil et regrettait la tranquillité de son pays. Malgré tout, les deux nouveaux compagnons de route se dirigèrent vers le port le plus proche où était amarré le navire du jeune pirate. Sur leur route, ils récupérèrent le cheval qu'Erian avait loué au port et laissé dans la meilleure écurie de Deria, puis ils partirent au pas vers une autre auberge où ils pourraient passer la nuit et se reposer avant de regagner l'océan.

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Salut !

Et non l'action n'est pas dans ce chapitre... désolée XD mais ne vous inquiétez pas, ça arrive bientôt :)

Je n'ai pas vraiment de questions, le chapitre est assez plat (c'est à cause de Perrine, elle n'était pas d'humeur) donc je vous dis juste bon week-end et à la semaine prochaine !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant