À présent il lui fallait annoncer à Erian qu'elle n'embarquerait plus sur le Neptune. Et cela risquait bien de contrarier le jeune homme à qui elle avait promis quelques instants plus tôt de partir avec son équipage. Mais elle était sûre qu'il comprendrait : le sentiment de fascination qu'elle avait ressenti face à la possibilité de vivre selon les inconstances de la mer s'était très vite envolé lorsque Jia avait émis l'hypothèse d'un éventuel retour chez elle. La Terre lui manquait. Sa famille avant tout lui manquait.
Elle trouva Erian près du bateau, là où l'équipage s'affairait à régler les derniers détails du voyage. Yan et Louis, les petits nouveaux, étaient sur le quai et embarquaient les dernières caisses de provisions. L'air iodé donna le courage à Perrine d'expliquer sa situation. Elle ne dit pas où elle allait ni pourquoi ou comment elle était venue ici, elle fit simplement comprendre au pirate que cette chose qui la retenait sur terre et l'empêchait de partir venait tout juste de ressurgir. À présent il lui était impossible de prendre le large.
– D'accord, accepta Erian malgré une pointe de regret qui luisait dans ses iris noirs. J'espère que ton voyage se passera sans encombre.
– Oui, moi aussi, murmura Perrine.
Un silence s'installa entre leurs regards fuyants.
– Alors on se dit adieu ? Je ne suis pas sûre de revenir un jour par ici.
– Moi non plus à vrai dire alors je pense que c'est le mieux, approuva le jeune pirate.
– Adieu.
– Adieu.
Ils se sourirent une dernière fois et Perrine partit dire au-revoir à ses deux nouveaux amis. Yan lui souhaita de vivre une grande et belle aventure et Louis lui fit promettre de profiter de chaque instant en présence de sa famille. La jeune femme les remercia et s'éloigna en leur faisant un dernier signe de la main.
– Alors comme ça tu es pirate ?
Perrine sursauta et découvrit Kian adossé contre le mur d'une boutique du port. Son chapeau couvrait ses cheveux blancs et assombrissait son regard déjà bien obscur.
– Je ne l'ai été à peine plus d'un jour, répondit Perrine en croisant les bras sous sa poitrine.
– Je vois. Tu sais ce qu'on dit : les mauvaises fréquentations font la mauvaise réputation.
Il releva la tête et toisa la jeune femme.
– Ce sont d'honnêtes pirates, les défendit Perrine.
Kian se moqua de sa naïveté.
– Honnêtes ? rit-il un peu plus en prononçant ces mots. Ce sont des criminels, rien de plus.
Perrine soupira, comprenant que discuter sur ce point était inutile : lorsqu'il le souhaitait, cet homme s'avérait être une vraie tête de mule.
– Changeons de sujet : j'ai une question à te poser, se rappela-t-elle soudain. Lorsque tu m'as sauvée, as-tu vu un immense loup blanc dans les parages ?
Les muscles de Kian se tendirent. Il détestait que Perrine lui posât de telles questions, c'était risquer de trop en dévoiler sans le vouloir.
– Peut-être bien.
Alors elle n'avait pas rêvé ! La jeune femme sentit qu'elle était sur la bonne voie : enfin elle allait obtenir des réponses.
– Par hasard, tu ne sais pas quel genre de créature ce serait et où je pourrais la retrouver ?
Que cherchait-elle ? Souhaitait-elle se jeter dans la gueule du loup ? N'avait-elle donc pas compris qu'il ne voulait plus la revoir ? Mais Kian mit vite terme à ses interrogations : si Perrine venait à le suspecter, comment se sortirait-il d'une telle situation ? Personne ne devait savoir.
– Si tu nous aides dans notre mission, je te promets de te conduire à cet animal avant de te ramener chez toi.
Le marché convint à Perrine qui accepta sans protester. Elle ne demandait pas plus qu'un adieu avant de s'en aller. Ce loup avait beaucoup compté pour elle sans qu'elle ne sût pourquoi. Ou peut-être était-ce parce que pour une fois on l'avait écoutée.
– Quand partons-nous ?
– Dès que Jia se sentira mieux, demain au plus tard.
– Qu'a-t-elle au fait ?
– Des problèmes de... vue. C'est assez compliqué à expliquer.
Perrine ne posa pas de questions ce qui surprit Kian. En réalité, elle avait compris une chose : cet homme ne disait que le minimum, ne dévoilant jamais plus que le nécessaire. Cela agaçait quelque peu Perrine qui était de nature curieuse, mais elle se maîtrisait car elle sentait aussi qu'il avait une bonne raison de tout dissimuler. Et un jour, elle parviendrait à éclaircir ce mystère.
Les deux jeunes héros partirent en direction de l'auberge tandis que le soleil montait plus haut encore dans le ciel, luisant sur un futur qu'aucun ici-bas ne pouvait imaginer.
Perrine et Kian venaient tout juste de quitter le port ce qui n'avait pas échappé au jeune capitaine des pirates du Neptune. En épiant involontairement – parce qu'il était passé près d'eux par pur hasard – leur conversation, il avait aussi découvert une information qui avait fait prendre à sa quête un tournant décisif. L'objet de ses recherches venait de réapparaître après des mois à naviguer dans l'ignorance des flots. Il devait absolument trouver un moyen de rejoindre Perrine.
Cette dernière, qui marchait tranquillement aux côtés de Kian dans la rue, voulut en savoir un peu plus sur le jeune homme.
– Au fait, tu ne m'as toujours pas donné ton nom, fit remarquer Perrine.
– Kian.
Il n'avait pas envie de parler mais il sentait déjà que la jeune femme lui préparait un véritable interrogatoire.
– Tu as quel âge ?
Il lui lança un regard glacial pour lui faire comprendre qu'il n'en dirait pas plus.
– Oh c'est bon, ce n'est pas comme si tu avais quarante ans !
Il sourit en comptant le nombre de printemps qu'il avait vécus. En réalité elle avait presque inconsciemment deviné son âge : il n'était qu'à un an de la quarantaine. À cet instant, une part de lui prit conscience du temps qui s'était écoulé ; qu'étaient devenus ses parents ? Et le royaume ainsi que les employés du palais ? Ils devaient avoir pris quelques rides depuis, peut-être même que certains étaient morts...
– Donc tu vas aussi nous aider à retrouver les clefs ?
– Oui, j'ai une dette envers Jia.
– Pourquoi vous vous êtes disputés ?
Elle mit sa main sur sa bouche comme si cela pouvait retenir ses paroles, malheureusement elle les avait bien prononcées à voix haute.
– Je suis désolée, ça m'a échappé. C'est trop indiscret et ça ne me regarde pas.
– En effet ça ne te regarde pas, confirma-t-il d'un ton acerbe.
– Faites quand même en sorte de régler ça avant de partir, marmonna Perrine vexée par la remarque dont il aurait pu se passer.
Kian ignora la jeune femme et entra dans l'auberge sans lui tenir la porte qui se referma sous son nez. « Quel fumier, » pensa-t-elle amèrement. Elle inspira profondément et se calma avant d'entrer à son tour. Pourquoi la faisait-il toujours sortir de ses gonds ? Sûrement parce que leur relation avait commencé avec des cheveux coupés.
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À bientôt !
Volepetiteplume.
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BLUE HEART
FantasyImaginez-vous prendre un bain et la seconde d'après vous retrouver propulsée toute nue au milieu d'un immense lac. Difficile à croire n'est-ce pas ? Et pourtant c'est exactement ce que vient de vivre Perrine, jeune fille d'à peine dix-huit ans. Sur...