XXXII

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Jia et Erian s'introduisirent dans l'écurie tandis que Perrine montait la garde. Ils avaient tiré à la courte paille et malheureusement pour la jeune femme elle avait pioché la plus petite, se condamnant à faire le guet. Dommage, ce n'était pas tous les jours qu'elle avait l'opportunité de voler des chevaux... Surtout sur terre, cette tâche s'avérait beaucoup plus complexe et les répercussions n'étaient pas les mêmes. Maintenant qu'elle y pensait, quelle était la peine pour un tel vol sur Iziria ? Lorsque Erian reviendrait, elle lui poserait la question.

Une fois cette interrogation fixée, elle se concentra sur les alentours. Les écuries de cette auberge étaient plutôt mal surveillées selon Perrine. Surtout que... Des oies filèrent subitement entre ses jambes dans une cacophonie digne d'une basse-cour.

– Mais qu'est-ce que... ?

– Monte ! lui ordonna subitement Erian.

Il surgit derrière les oiseaux blancs et tendit sa main à Perrine qui la saisit sans hésiter. Une fois en selle, le pirate accéléra et la terrienne, déstabilisée, attrapa la veste d'Erian pour se redresser. Des hommes, à moitié endormis et en tuniques de lin grises, sortirent de l'auberge, torches en mains. Ils se réveillèrent très vite en comprenant que trois de leurs chevaux s'enfuyaient avec des inconnus.

– Hé vous ! Voleurs ! Revenez !

– Ah les oies ! soupira Erian en essayant de pousser sa monture au galop.

Jia, à leurs côtés, montait un magnifique étalon noir suivi de près par un autre, marron, qui n'était même pas attaché à la voleuse. Perrine se demanda comment ce cheval pouvait les suivre, puis elle s'interrogea sur la capacité de cette femme aveugle à diriger sa monture. Ensuite, Perrine se dit qu'elle se posait ces questions dans le mauvais ordre. Ou pas... le temps qu'elle réfléchît lequel de ces deux faits la choquait le plus, ils avaient rejoint les autres, prêts à enfourcher les équidés. Perrine resta agrippée à Erian, Louis et Yan montèrent ensemble tandis que Kian rejoignit Jia sur son magnifique cheval noir.

Une fois leurs poursuivants semés, nos aventuriers se trouvèrent un coin tranquille, dans un bosquet, à l'abri des regards.

– C'était incroyable ! s'exclama Yna dès qu'elle posa pied à terre.

– OMG un vrai truc de malade ! enchérit Perrine.

– OMG... ?

– Malade ?

– Oh, c'est une expression par chez moi, se justifia-t-elle en balayant ses paroles d'un geste de la main.

Jia lui lança son effrayant regard noir voilé de blanc et Perrine déglutit. Elle avait maintenant l'impression de pouvoir décrypter la moindre de ses expressions.

– C'était vraiment fou, continua d'en discuter Perrine avec Yan.

Les deux jeunes femmes possédaient ce même émerveillement face à l'adrénaline ressentie lors de cette fuite.

– Bien, dressons notre campement pour la nuit, déclara Jia.

– Je vais chercher du bois, se dévoua Erian.

– Avec Louis nous voulons bien vous aider, Jia.

La coiffeuse accepta et se tourna vers son ami immortel.

– Kian, Perrine, pourriez-vous trouver de quoi nourrir les chevaux. Essayez aussi de repérer un ruisseau ou un lac pour les abreuver.

Cela n'enchanta guère Perrine de se retrouver seule en compagnie de cet homme aux cheveux blancs, mais elle n'osa pas contredire Jia. Le maudit, bras croisés sur son torse, toisa la jeune fille qui s'approchait d'elle. C'était l'occasion pour lui d'en savoir plus. Lorsqu'ils furent à une certaine distance du campement, c'est-à-dire hors de portée des oreilles indiscrètes, Kian commença son interrogatoire.

– Je sais que tu n'es pas de ce monde.

Perrine haussa les épaules ; elle se fichait de ce qu'il croyait savoir.

– D'où viens-tu exactement ?

Elle l'observa du coin de l'œil : il tenait une branche au bout de laquelle on avait enroulé un morceau de tissu enduit d'huile. Le feu dansait dans la pénombre et venait souligner les mystères de son visage. Elle revit alors cet homme à travers les flammes de l'incendie en forêt, puis à travers celles obscures d'une malédiction. Comme la réponse ne venait pas, Kian tourna la tête vers la jeune femme qui en profita pour scruter ses iris charbonneux. Ce n'était plus une subtile contemplation, c'était une véritable enquête sur la profondeur de son âme. Elle se sentit partir, dans un autre monde, une autre dimension, où ses cinq sens n'avaient plus le contrôle sur ce qu'elle voyait. Elle passa sa main à travers une épaisse carapace et aperçut un petit garçon dans les bras aimants d'une mère. Elle voulut plonger plus loin, explorer cette faille, parcourir les rivières de ses sentiments...

– Attention !

Kian attrapa le bras de Perrine et la tira vers lui, lui faisant éviter une racine noueuse.

– Merci, souffla-t-elle.

Elle posa un œil curieux sur la main du vagabond puis revint sonder son regard, pourtant, cette fois-ci, ce fut elle qui se sentit déshabillée, et elle n'aurait su dire si c'était agréable ou déplaisant. Sans le quitter des yeux, Perrine s'empara du chapeau qui couvrait la tête du maudit, dévoilant sa magnifique chevelure blanche.

– Pourquoi les caches-tu ? Ils sont si beaux, avoua-t-elle, émerveillée.

Elle voulut s'assurer de leur réalité mais il retint sa main avant qu'elle ne pût les atteindre. Son poignet droit était maintenant emprisonné à la place de son bras, entre les doigts de cet homme qu'elle avait l'impression de connaître un peu plus à chaque seconde.

– Tu n'as pas répondu à ma question, esquiva le maudit.

– Et tu ne répondras pas aux miennes, devina-t-elle.

Il lui sourit et cela déclencha le sourire de Perrine, comme le nord d'un aimant attirerait le sud d'un autre. Elle ne pouvait plus se détacher de son aura ; il l'avait complètement envoûtée. Quelle était donc cette lueur dorée qui pétillait dans les yeux du jeune homme et chargeait son sourire d'une telle chaleur ?

– Il faut trouver de quoi nourrir les chevaux, rappela Perrine.

Cependant elle avait toujours l'esprit ailleurs, comme absorbé par une force invisible. Ce ne fut qu'une fois le contact visuel rompu qu'elle revint à la raison. Un bâillement lui échappa et Kian lâcha son emprise sur le poignet de l'impétueuse Perrine.

– Allons-y, déclara-t-il.

Intérieurement, il se promit de ne plus jamais la laisser pénétrer son âme.

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Bonsoir !

Vous allez bien ?

Voici un chapitre, plus court que d'habitude, mais avec un rapprochement entre nos deux héros ! J'espère que ça vous a plu et je vous dis à la semaine prochaine !

Prenez soin de vous :)

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant