XLIV

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Le plan était simple : une fois les gardes assommés et ligotés, il suffisait à Kian, Louis et Erian d'enfiler leurs tenues et de se faire passer pour eux. Ainsi, ils entraient par la porte des geôles puis accédaient au palais en toute discrétion. Pourtant, rien ne se déroula comme prévu...

En effet, Kian avait été inattentif – sûrement à cause de la fatigue – et un des gardes que les vagabonds devaient capturer parvint à leur échapper. Au final, ils atterrirent malgré tout en prison, mais pas en tant que faux gardes : ils étaient devenus de véritables prisonniers.

– Espérons que les filles s'en sortent mieux que nous, commenta Louis.

Erian, bras croisés sur son torse, vouait une rancune indescriptible à Kian, adossé contre le mur en pierre de leur cellule.

– Comment as-tu pu faire échouer cette mission ! s'écria le pirate.

Le regard noir du prince vint fusiller celui d'Erian. Kian resta silencieux, mâchoires contractées, ne supportant pas que la faute soit rejetée sur lui. Mais il n'y avait rien à dire. Ils avaient failli et c'était tout. Maintenant, son seul problème consistait en son anonymat. Son visage pourrait-il rester méconnu alors qu'il foulait le sol qui l'avait vu grandir ? Si quelqu'un découvrait son identité, Kian serait dans l'incapacité d'accomplir sa vengeance, la seule chose qui lui importait désormais.

Un garde revint et Kian enfonça un peu plus son chapeau sur sa tête.

– Suivez-moi, leur ordonna l'homme en ouvrant leur cage.

Quatre autres gardes vinrent les escorter à travers les couloirs du palais. "Rien n'a changé," pensa Kian dont l'esprit était submergé par de vieux souvenirs. Les dorures, le style exubérant et floral d'Olbies, les couleurs vives, les meubles de chêne noir, les tapis d'Iniese, tout avait gardé sa place et s'était comme figé depuis une vingtaine d'années. S'était-il d'ailleurs écoulé autant de temps ? Peut-être que sa chambre était encore là...

D'immenses et lourdes portes de bois finement sculpté s'ouvrirent pour laisser place à la salle du trône. Le roi et la reine siégeaient en son fond. Kian s'arrêta. Ses parents... il ne les avait pas vus depuis vingt ans et eux, contrairement aux meubles, n'étaient pas éternels.

– Avance ! tonna un garde en le menaçant de sa lance.

Kian obéit, se rapprochant de son passé pour se rendre compte que le présent venait tout juste de le rattraper.

Leurs visages étaient ridés, leurs cheveux gris, leurs paupières affaissées, pesant sous le poids de tant d'années. Mais ils étaient parés de pourpre et de couronnes en or, leur posture était droite, impériale, comme si tout ce temps s'était écoulé sans jamais les atteindre. En un sens, ils étaient restés les mêmes.

– Le voilà, Majesté.

La reine se leva soudain et son regard troublé trahit son émoi.

– Mon fils, souffla-t-elle.

Le prince tressaillit. Il s'était pourtant assuré de baisser la tête et de cacher son visage. Comment pouvait-elle le reconnaître ? Après vingt longues années, était-ce possible ?

Kian redressa la tête et vit sa propre mère se jeter au cou d'Erian.

*

La surprise fut aussi grande pour lui que le jour où il avait aperçu Perrine sortir de ce lac, complètement nue.

Son fils ? Erian ? Il devait y avoir une erreur ou...

Cette démarche familière, ces yeux aussi noirs que les siens, son silence et ses secrets, tout s'expliquait. Erian était son frère. Cette révélation lui fit l'effet d'un coup de poignard. Comment ce type pouvait-il être son frère ?! Kian le détestait, s'en méfiait, le méprisait ! Mais depuis tout ce temps, le même sang coulait dans leurs veines !

– Tu es... un prince ? s'étonna Louis qui ne put cacher sa surprise.

Sa perspicacité était d'ordinaire exceptionnelle, pourtant il n'aurait jamais pu deviner qu'un capitaine de bateau pirate était en réalité un membre de la famille royale d'Olbies.

– Nous nous sommes tellement inquiétés pour toi, Erian.

La reine avait placé ses mains en coupe autour de la mâchoire de son fils.

– Tu as tellement maigri, et regarde cette tenue. Anel ! Faites couler un bain !

– Oui votre altesse, répondit immédiatement une servante qui s'éclipsa ensuite.

– Mère, c'est assez. Je ne resterai pas.

Erian retira délicatement les douces et délicates mains lui encadrant le visage. L'expression de la reine s'obscurcit et le roi, toujours immobile, prononça son premier mot.

– Tu dois assumer la responsabilité de ce trône. Ta quête se termine ici Erian, tu ne le retrouveras pas.

– Je n'abandonnerai pas ! Je suis si près du but, protesta le jeune prince.

– Nous l'avons cherché pendant dix ans, dix longues années de notre vie que nous aurions dû te consacrer. Pardonne-nous et soulage-nous du poids de cette couronne. Avec ta mère, nous n'aspirons qu'au repos.

Erian baissa les yeux sous la voix rauque du souverain d'Olbies.

– Très bien, mais permettez à mes amis de loger quelques temps au palais.

– Accordé. Vous pouvez vous installer dans l'aile ouest. Ernst va vous conduire.

Ernst, un valet d'une cinquantaine d'années, s'avança en direction des trois prisonniers tout juste graciés. Il salua le prince Erian en baissant respectueusement la tête, puis il jeta un coup d'oeil suspicieux à ses compagnons.

– Par ici, leur indiqua-t-il.

Il les conduisit jusqu'à une suite de chambres qui étaient utilisées pour loger de prestigieux invités. Leur luxe était démesuré, ce qui ne surprit aucunement Kian. Quant à Louis, il était loin d'être émerveillé par autant de richesse et de splendeur, cela ne fit que nourrir son dégoût ainsi que sa rengaine envers l'exubérance et le pouvoir de la monarchie. Son inconfort était accru par le sentiment de trahison qu'il éprouvait depuis cette étonnante révélation à propos du statut d'Erian.

– Votre altesse, puis-je vous conduire à vos quartiers ?

– Merci Ernst mais la chambre d'à côté me conviendra parfaitement.

– Très bien, votre altesse.

Il se retira après une courte révérence et le silence plana lourdement au-dessus des têtes des trois hommes.

Louis était en plein débat intérieur sur la nature d'Erian. On ne peut pas dire que dès qu'il avait vu le pirate, il avait eu envie de lui faire confiance, mais il avait accepté d'être un membre de son équipage et donc de le servir. Au final, il en revenait toujours au même point : la famille royale, où qu'elle était, se plaçait au-dessus de lui et entravait sa route. Était-ce le destin, les dieux ou une simple coïncidence ? Il ne pouvait le dire, mais il se demanda pourquoi son chemin ne cessait d'être mêlé aux leurs.

– Je suis désolé, ça n'aurait pas dû se passer ainsi.

Kian poussa un soupir excédé.

– Tu ne t'es pas dit que ça pouvait être une information utile ? lui reprocha Kian tout en sachant qu'il était lui-même très mal placé.

– De quoi parliez-vous avec le roi quand il t'a dit "tu ne le retrouveras pas" ? enchaîna immédiatement Louis.

Erian passa une main nerveuse dans ses cheveux mi-longs. Il n'avait plus le choix désormais, il devait leur révéler la vérité.

– Je cherche mon frère, déclara-t-il.

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Bonjour à tous !!

Désolée pour cette pause, j'ai pris quelques vacances sur cette histoire afin de me concentrer sur mes cours et le travail. Maintenant que c'est fini, je vais continuer la publication, sûrement jusqu'aux prochaines vacances ! Je crois que vous avez pu deviner qu'à chaque vacances je faisais une petite pause vis-à-vis de Wattpad. Mais me revoilà !

À la semaine prochaine, pour d'autres révélations !!

Bon week-end !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant