VI

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Bientôt Perrine se calma. Emportée par la foule vivante et enjouée, la jeune femme se laissa émerveiller par les senteurs et les couleurs qui constituaient les différents étalages du marché.

– Achetez mon poisson ! Il est bon, il est frais mon poisson ! Pêché ce matin même dans le fleuve Pô !

– Regardez-moi ces belles étoffes mesdames ! De quoi confectionner de magnifiques tenues pour cet été ! Venues directement du royaume d'Iniese, le dernier pays d'Iziria à en produire d'une aussi grande qualité !

– Sentez ce parfum, mesdames et messieurs, sentez mes belles fleurs ! Colorées et parfumées, pour orner vos cheveux ou embellir vos maisons !

– Ne manquez pas le spectacle de marionnettes de cet après-midi, petits et grands sont les bienvenus ! Deux kiaras seulement la place !

– Le meilleur pain du village, c'est ici ! Tout chaud, sorti du four rien que pour vous !

Haut dans le ciel, le soleil brillait, mais plus bas sur terre, ses rayons n'égalaient pas le sourire de Perrine. Ce monde était si fascinant qu'elle avait l'impression de vivre à une autre époque, loin de tout réalisme. Il semblait qu'elle était revenue au Moyen Âge, ou à l'Antiquité. Les habitants avaient de drôles de tenues, un mélange entre beaucoup de styles, et même certains qu'elle ne connaissait pas. Tout était différent de son monde à elle : il n'y avait aucune voiture à l'horizon, les maisons étaient principalement constituées de bois, et il semblait n'y avoir aucune invention comme le téléphone, les transports tels que la voiture ou le vélo, ou même le béton. La route sur laquelle elle marchait pieds nus n'était qu'un chemin de sable et de terre. Parfois, les stands des marchands étaient installés à même le sol, faute d'avoir des planches de bois.

Ceci décrivait très bien Aliazba : c'était un petit village rustique, charmant et accueillant, mais qui ne croulait pas sous l'or et les richesses. Il était traversé par une route principale, qui était elle-même coupée par une grande place pavée en son centre. Chaque petit village du royaume d'Olbies était construit selon ce plan, la seule différence étant la superficie et le nombre d'habitants par région. Aliazba se situait près des frontières du royaume, dernier signe de civilisation avant des kilomètres de prairies et de forêts enchantées. Par conséquent, peu d'habitants y vivaient, malgré tout l'agitation n'en était pas des moindres.

Devant l'activité des marchands à laquelle Perrine assistait immobile et stupéfaite, la jeune fille fut bousculée.

– Désolée mademoiselle, s'excusa une petite bonne femme pressée.

Son visage rond et les cheveux grisonnants de ses tempes lui faisaient penser à ceux de sa tante Pattie qui était une des rares personnes que Perrine ne trouvait pas superficielle. Ses parents n'aimaient pas la voir en compagnie de sa tante qu'ils trouvaient d'ailleurs naïve et idiote. Ce n'était pas l'avis de Perrine : elle la considérait plus comme une mère que comme une tante.

La femme qui l'avait bousculée s'arrêta soudainement en remarquant la coiffure peu commune de la jeune fille ainsi que ses vêtements beaucoup trop larges pour son corps frêle.

– Voyons mon enfant, quelle est cette étrange tenue ?

Elle claqua trois fois sa langue sur son palais.

– Suis-moi, nous allons te trouver un style qui conviendra parfaitement à ton joli petit minois !

Perrine n'eut pas le temps de répliquer que la dame la traînait déjà par la manche en direction d'une boutique où on pouvait lire « Chez Medya » peints en gros caractères blancs puis « Coiffures pétrifiantes » juste en dessous. La façade était en bois, peinte en vert et ornée de frises qui représentaient la créature mythologique Méduse que Perrine avait observée tant de fois dans son manuel de latin en se demandant si une telle femme avait pu un jour exister.

En entrant, Perrine s'attendait à voir débarquer la Gorgone en personne mais ce fut une femme qui à première vue semblait des plus normales qui fit son apparition. Elle avait de longs cheveux bruns, un sourire lumineux et une robe verte d'une fluidité et légèreté étonnantes. Lorsque Perrine s'attarda un peu plus sur les traits de son visage, elle remarqua que les yeux de la coiffeuse étaient recouverts d'un voile blanc qui rendait son regard vert moins étincelant.

– Sarah ! S'exclama la jeune aveugle. Que me vaut l'honneur de ta visite ? Je pensais pourtant t'avoir vue hier, ta coiffure ne te convient-elle point ?

Sarah gloussa et secoua la tête.

– Je l'adore Jia, ne t'en fais pas. Si je suis venue aujourd'hui, c'est pour cette jeune demoiselle, expliqua-t-elle en lui présentant Perrine. Il faut absolument que tu fasses quelque chose pour ses cheveux...

– Effectivement, je comprends, approuva ladite Jia, et étrangement son regard sembla soudainement s'assombrir.

Était-ce parce qu'ils étaient mal coupés ? Ou bien pour une autre raison ? Perrine l'ignorait et elle ne comptait pas rester ici une minute de plus : elle devait retrouver cet homme qui l'avait sauvée de l'incendie pour le remercier et peut-être même lui remonter les bretelles. Oui, elle allait lui dire le fond de sa pensée, lui expliquer que voler les gens n'était pas bien même si elle était plutôt mal placée pour lui faire la morale.

– Excusez-moi, commença Perrine à l'intention des deux femmes, vous n'auriez pas vu passer un homme à peu près grand comme ça et avec des cheveux blancs ?

En entendant la fin de la requête de la jeune fille, Sarah écarquilla les yeux tandis que le sourire de Jia s'effaçait peu à peu. Puis, cette dernière, plus méfiante que sa camarade, alla fermer les rideaux, comme si elle sentait qu'on aurait pu découvrir la vérité à son sujet.

– Que se passe-t-il ? S'étonna Perrine dont la panique montait petit à petit.

– On dirait que tu ne viens pas d'ici, que tu n'as même jamais vécu à Iziria, remarqua inconsciemment Sarah.

- Tu dois être une pirate, il n'y a que les pirates qui sont ignorants des malédictions qui frappent notre monde. Ou bien... mais Jia ne finit pas sa phrase, elle en était incapable.

« À ma connaissance, il n'y a qu'une personne vivant sur ces terres et qui ne soit pas de ce monde, pensa Jia, et depuis le fameux incident, tous les portails ont été fermés. Il est complètement impossible qu'elle vienne de l'autre côté. »

– C'est même certain, renchérit Sarah, regarde ses vêtements, un vrai garçon manqué ! À croire que ses parents sont de véritables barbares sans goût.

Perrine resta muette ; que dire face à tant de suppositions toutes plus surprenantes et délirantes les unes que les autres ? Mais surtout que faire alors qu'elle se retrouvait dans un salon de coiffure qui était vraisemblablement tenu par une aveugle ?

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Salut salut ! Tout va bien pour vous ?

Je suis très curieuse de savoir ce que vous pensez de ce chapitre 😏

Au sujet de Jia : des idées des secrets qu'elle cache ? De pourquoi elle semble en savoir autant ?

À propos de Kian : pas encore là dans ce chapitre mais le reverra-t-on bientôt ? Et quelle sera la réaction de Perrine lorsqu'elle l'aura retrouvé ?

Passez une bonne journée et à bientôt !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant