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 Incapable d'esquisser le moindre geste, Erian se résigna à laisser s'enfuir son frère. Lorsqu'il reprit ses esprits, il comprit que quelque chose de grave s'était produit et qu'il fallait absolument trouver la source de ce cri, tout juste suivi d'un second. Le premier avait l'allure d'un hurlement épouvanté tandis que le deuxième était plutôt un cri de désespoir. L'un comme l'autre furent poussés par la même personne : Ynasuana.

Quand Erian arriva au bout du couloir, il vit la princesse qui se précipitait vers un corps, gisant dans une marre de sang. Elle prit délicatement la tête de l'homme entre ses mains et ce fut en la relevant ainsi et en la posant sur ses genoux qu'Erian comprit la détresse des cris d'Yna. Perrine surgit ensuite, au bout d'un couloir et lorsqu'elle réalisa, tout comme Erian quelques secondes plus tôt, à qui appartenait le corps étalé au sol, elle porta sa main à sa bouche, les larmes aux coins des yeux.

– Louis ! cria désespérément Yna. Louis ! Non... non ! Réveille-toi, le supplia-t-elle entre deux sanglots. Réveille-toi, répéta-t-elle le visage noyé de larmes.

Ce n'était pas la première fois qu'Erinna voyait un cadavre, mais c'était le cas de Perrine et bien qu'émotionnellement elle n'aurait rien dû ressentir, cela lui fit tout de même un choc. Elle sentit ses jambes fléchir et elle se raccrocha à Erian qui la prit fébrilement dans ses bras. Elle détourna le regard du corps ensanglanté de Louis et cacha ses yeux contre le torse de son ami.

Mais alors qu'elle devait s'étonner de la mort de Louis – qui au passage n'avait été qu'un compagnon de route plus qu'un véritable ami –, une marée noire se répandit dans tout son être. Elle eut froid puis sentit chacun de ses organes se faire contaminer par une étrange lueur sombre. Kian. C'était Kian, elle n'en sentait plus l'aura. Il avait disparu, lui aussi. Le cœur de Perrine se serra douloureusement alors qu'elle sentait une partie de son âme s'envoler. L'instant d'après, cette pensée la dégoûta et elle n'éprouva plus qu'une obscure panique concernant le déroulement de son plan.

– Kian, souffla-t-elle.

Jia, qui venait tout juste d'arriver sur la scène de crime, entendit le murmure de la jeune femme et posa une main réconfortante sur l'épaule de Perrine. « Il ira bien, » la rassura Jia. La déesse tout nouvellement éveillée n'en douta point ; ce qui l'effrayait surtout, c'était de laisser s'éloigner Kian avant d'avoir pu ajouter un plus gros grain de sel dans son existence.

Erinna décida qu'il n'y avait rien d'autre à faire que de se comporter en Perrine puisque poursuivre Kian dans un tel instant de tragédie paraîtrait trop suspect.

– Kian s'est enfui, et avec la pierre, précisa Erian. Vous croyez que... ?

Il ne prononça pas la fin de ses soupçons. Vingt minutes plus tôt, il aurait été capable d'accuser Kian sans la moindre hésitation mais désormais qu'il le savait de son sang, tout était différent.

– Ce n'est pas lui, assura immédiatement Perrine.

– Évidemment, il a juste volé la pierre du palais. S'il avait fait quelque chose à Louis, il n'aurait pas laissé cette clé.

Jia s'approcha du cadavre et révéla sous les yeux stupéfaits de chacun la dernière pierre bleue qu'ils recherchaient. Elle demeurait autour du cou de Louis depuis tout ce temps.
Kian innocenté, l'identité du meurtrier persistait. Qui était-ce ? Jia arracha le cordon noir et fit scintiller la clé sous les rayons du soleil. Tous l'observèrent, stupéfaits.

– Il voulait rouvrir les portes, avoua Yna d'une voix blanche.

Elle était toujours penchée sur le corps, mais ses larmes ne coulaient plus. Elle s'essuya le visage de ses longues manches en soie couleur jade imbibé de sang.

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant