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Perrine continuait à parler seule ou à Kian selon le point de vue. Elle lui conta sa vie au lycée, son souhait de partir de chez elle car ses parents ne s'étaient jamais vraiment occupés de leur fille. Elle lui dit que ses amis ne lui manquaient pas, que sa tante Pattie au contraire était une des seules personnes qu'elle aurait aimé revoir. Elle passa ainsi trois longues heures à relater sa vie dans les moindres détails quand enfin - ce fut un soulagement pour Kian - nos deux aventuriers arrivèrent à l'auberge la plus proche de Deria. Elle était située à environ quatre kilomètres des premières habitations du petit village qui était lui-même situé à plusieurs centaines de kilomètres du Cœur d'Olbies. Perrine dut abandonner le majestueux loup blanc à quelques mètres de toute civilisation ; elle lui ordonna de l'attendre jusqu'au lendemain matin, mais Kian avait déjà prévu de l'abandonner...

Elle entra par une porte rongée par les termites, quasiment en phase de décomposition et découvrit une grande salle où chaque meuble était fait de bois. En face d'elle il y avait un bar derrière lequel se tenait un homme peu rassurant qu'elle supposa être le patron de l'auberge. Il était bedonnant et avait de gros sourcils noirs qui lui tombaient sur les yeux et lui donnaient l'air sévère. Des tables rondes où plusieurs personnes mangeaient déjà, étaient disposées un peu au hasard dans la salle. Perrine aurait aimé connaître quelqu'un qui la protégerait, malheureusement elle ne pouvait compter que sur elle-même afin de se défendre contre tous ces mastodontes attablés devant leur dîner. Elle prit place au bar, soudainement intimidée par l'ambiance masculine qui imprégnait la pièce d'une forte odeur de sueur et d'alcool.

- J'ai l'impression qu'on se connaît, l'accosta un type, la vingtaine tout au plus.

Perrine secoua négativement la tête. Il était légèrement plus grand qu'elle, avait un sourire suffisant et des cheveux noirs lui arrivant au-dessus des épaules. Elle n'aurait su dire si leur couleur était naturelle ou due au manque de soins.

- Je suis sûr qu'on s'est déjà vus pourtant, insista-t-il.

Elle le dévisagea longuement, mais seuls ses yeux noirs lui semblaient familiers, le reste de son visage arrogant ne lui rappelait rien d'autre.

- Impossible.

La jeune femme avait retrouvé la parole, ce type était clairement en train de la draguer, elle en aurait parié sa belle chevelure blonde si seulement elle l'avait encore...

- Je ne viens pas d'ici, expliqua-t-elle.

Elle eut le droit à un étrange regard. « Ne dis à personne d'où tu viens, » lui revinrent en mémoire les paroles de Jia.

- Disons que j'ai fait un long voyage...

- Tu viens des îles, ou bien du Royaume Temo, supposa-t-il.

- Des îles c'est cela, s'empressa de répondre Perrine.

- Je vois, alors nous nous sommes peut-être déjà croisés en mer. Je m'appelle Erian, capitaine du célèbre navire Neptune.

« Un prétentieux, s'exaspéra-t-elle. Le plus dur c'est de s'en débarrasser. »

- Enchantée, je m'appelle Perrine. Dites-moi Erian, ne sauriez-vous pas où je peux dormir ?

- J'ai une chambre si tu veux...

Perrine faillit s'étouffer avec sa salive.

- Euh je...

Elle s'éclaircit la voix et continua :

- C'est très aimable mais voyez-vous je voyage en compagnie d'un ami, qui me rejoindra plus tard, mentit-elle, et il me faut donc une chambre, seule, non occupée, pour mon ami et moi.

« C'est une catastrophe, se lamenta la jeune fille. Jamais il ne me croira... »

- Je vois. Tavernier !

L'homme aux épais sourcils s'approcha d'eux, la démarche oscillante comme un bateau qui tangue. Perrine devint subitement nerveuse craignant qu'Erian eût découvert toute la vérité à son sujet et qu'il décidât de la dénoncer au patron de cette miteuse auberge. Elle se voyait déjà pendue ou torturée parce qu'elle était étrangère ou que la chance n'était jamais de son côté. Prête à prendre ses jambes à son cou, elle soupira en entendant les paroles du jeune homme.

- Une chambre pour la demoiselle.

Le bonhomme hocha la tête et n'adressa pas un mot à Erian qui reluquait Perrine sans gêne. Elle fut soulagée de ne pas être démasquée puis eut envie de vomir tellement cet homme la dégoûtait. Elle savait ce genre grossier mais ne se l'imaginait pas à ce point.

L'aubergiste revint avec une clef qu'il tendit muettement à sa toute nouvelle cliente. Il patienta la main ouverte jusqu'à ce que Perrine comprît qu'il fallait payer. Son expression se décomposa : à vrai dire elle n'avait pas pensé à demander de l'argent à Sarah...

- Je vais payer, déclara Erian en souriant, mais visiblement, il paraissait exaspéré comme s'il s'en voulait d'avoir encore une fois cédé au doux regard d'une femme.

- Je vous rembourserai, promit Perrine.

« Ou demain dès l'aube je m'enfuis en courant. »

Elle sourit au capitaine du Neptune et chercha sa chambre. Elle était située sur la gauche du bar, au bout d'un petit couloir décoré par les toiles d'araignées. En tournant la clef dans la serrure, elle entendit un horrible grincement et crut qu'elle avait démoli la poignée. Elle la saisit et lorsque celle-ci lui resta dans la main, elle comprit qu'elle était tombée dans l'auberge la plus délabrée des alentours. « À côté, dormir dehors comme ce loup est un luxe, » pensa-t-elle.

Et quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit que la pièce ne faisait pas plus de quatre mètres carrés et que le lit était entre autre composé d'une planche de bois, d'un peu de paille et de draps en lin.

Elle soupira. Elle regrettait sa chambre et surtout sa salle de bain... que n'aurait-elle pas donné pour une bonne douche chaude ainsi que l'odeur de son savon à la vanille ! Perrine se remémorait sa maison ainsi que tout le confort dont elle disposait, elle s'imaginait dans ses plus beaux vêtements, admirait son reflet dans le miroir puis se prenait en photo avec son smartphone. Elle lisait un bon livre, allongée sur son lit puis se préparait à dîner dans la cuisine.

Ici, dans cette auberge, elle n'était pas heureuse. Il n'y avait rien d'intéressant, rien d'extraordinaire contrairement au petit village d'Aliazba où les hommes et les habitations étaient si particuliers et intrigants.

Perrine s'assit sur le drap, la paille lui piqua les jambes. Elle souhaitait rentrer chez elle et s'enrouler dans sa couette. « Pourvu que demain je me réveille dans mon lit, » espéra-t-elle une dernière fois avant de passer une des plus mauvaises nuits de sa vie.

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Coucou !

Voici un petit chapitre pour mon retour où l'on découvre un nouveau personnage. Ne vous inquiétez pas, quand vous le connaîtrez un peu plus vous finirez par l'apprécier !
J'ai encore une vingtaine de chapitres en réserve, j'espère que je parviendrais à rester régulière dans mes publications (normalement il ne devrait pas y avoir de problème, je croise les doigts !)

Je vous souhaite bonne nuit (il est tard pour ceux qui travaillent demain) et je vous dis sûrement à samedi pour un autre chapitre !

P. S. : je vais rattraper mon retard sur mes lectures mais il est tellement grand que ça me décourage 😂

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant