Kian somnolait encore quand un appel à l'aide le fit sursauter. Son auteur envoyait un message de détresse silencieux, une profonde vague d'angoisse qui le submergea, et il savait parfaitement qui en était l'émetteur. Le loup bondit sur ses quatre pattes et se dirigea instinctivement vers l'auberge d'où provenait les supplications. Finalement, sa curiosité à l'égard de Perrine l'avait empêché de s'éloigner d'elle.
Il s'approcha de l'auberge et se cacha derrière quelques gros buissons. Lorsqu'il se concentra sur le bâtiment, ce qu'il vit le déconcerta : Perrine était retenue à quelques mètres de la taverne par deux géants qui faisaient obstacle à sa fuite vers la forêt. La jeune femme se débattait comme une furie tandis que les deux hommes empoignaient ses poings et ses jambes tout en l'empêchant d'émettre le moindre bruit.
– Alors comme ça on cherche à s'enfuir sans payer le patron, marmonna un des deux agresseurs.
– Il t'a servi un bon petit déjeuner pourtant, renchérit l'autre.
Ils réussirent à maîtriser Perrine qui continuait malgré tout de lutter contre ses ennemis.
Un nouvel appel déchira le cœur de Kian ; c'en était trop. Il ne pouvait pas rester ainsi alors que la jeune fille craignait pour sa vie... Il s'apprêtait à se dévoiler et à déchiqueter les deux malfrats, lorsqu'un autre homme à l'allure de pirate surgit de nulle part. De là où il se cachait, Kian ne distinguait pas ses traits mais sa démarche lui semblait familière. À première vue, il n'avait rien d'exceptionnel, cependant lorsque les deux hommes qui retenaient Perrine tombèrent comme par magie inconscients au sol, le prince comprit immédiatement que ce pirate dissimulait bien des secrets.
– Ça va ? Demanda-t-il à la jeune femme.
– Mais comment... ?
– Ce serait trop long à t'expliquer, fuyons avant qu'on ne nous découvre, lui ordonna-t-il.
Erian attrapa le bras de Perrine mais celle-ci ne se laissa pas entraîner par son sauveur.
– Non attends, dit-elle soudainement en se souvenant du loup qui l'attendait certainement près du bosquet où elle l'avait quitté la veille.
Elle réfléchissait à une solution, mesurait la confiance qu'elle pouvait avoir en Erian lorsqu'elle aperçut un bout de fourrure blanche derrière des buissons feuillus.
– Je peux te faire confiance ? Demanda-t-elle en se tournant vers le capitaine du Neptune.
– Ce que je viens de faire n'en est-il pas la preuve ?! S'impatienta Erian.
Perrine se tourna alors vers le grand loup blanc qui restait caché au loin.
– Tu peux sortir, il ne te fera pas de mal, l'informa la jeune femme.
– Ce n'est pas le moment de parler aux buissons ! Dépêche-toi, ils ne resteront pas inconscients toute leur vie !
« Ce pirate n'a pas tort, » admit Kian. Malgré cela, il hésitait encore ; son instinct animal le poussait à fuir, son côté homme le rapprochait inlassablement de Perrine. « Voilà ce qui arrive quand on reste trop longtemps en compagnie humaine, » maugréa-t-il.
– C'est donc ici que nos chemins se séparent, soupira Perrine qui avait encore du mal à abandonner son ami. Je suis heureuse de t'avoir connu.
La tristesse se percevait jusque dans les tréfonds de son âme, chacun en eut conscience.
– Partons, répéta Erian.
Déçue, Perrine se détourna de l'emprise que le loup avait sur elle et se décida à abdiquer. Dans sa tête tourbillonnaient les questions de son cœur, celles qu'elle avait posées à Kian la veille et auxquelles il avait inconsciemment répondu. La jeune femme avait senti ce lien entre eux ; le briser était difficile et douloureux... Un dernier hurlement retentit dans l'air matinal. Malheureusement, Kian ne pouvait risquer de se montrer aux yeux de cet étranger, pour autant, il n'avait pas envie de quitter Perrine. L'instinct de l'animal reprit le dessus, comme toujours. Il observa sa compagne de route tourner les talons et s'enfuir avec ce pirate. Son cœur se serra, était-ce donc cela quitter un ami ? C'était impossible qu'il se fut déjà attaché à elle... Pourtant...
L'esprit embrouillé et torturé, il fit demi-tour et s'élança à toute vitesse vers la forêt, s'éloignant des montagnes. Plus rien ne semblait le retenir à présent. Il avait la désagréable sensation qu'on lui comprimait la poitrine ou bien qu'on lui arrachait le cœur. Cela lui faisait si mal qu'à côté, la douleur que lui causaient ses poumons enflammés par la course, n'était en rien comparable. Le vide qui depuis peu s'était comblé redevint ce qu'il était à l'origine : un creux. Kian fuyait encore et se retrouvait de nouveau seul. Bientôt, Perrine ne fut plus qu'un lointain souvenir tel ceux de l'enfance du jeune homme. Il n'était même pas sûr que la jeune femme eût un jour existé. Elle ne pouvait être qu'un mirage auquel il s'accrochait afin d'oublier sa solitude.
Le paysage défilait à toute vitesse. Kian s'éloignait de plus en plus du village avec comme seule idée d'atteindre un autre monde. Bientôt, des ronces écorchèrent ses pattes. Du sang tacha son pelage blanc qu'il avait négligé ces derniers temps. Des images de Perrine s'immiscèrent dans son esprit. Il secoua la tête, accéléra pour la faire disparaître mais son visage rieur demeura : rien ne pouvait vaincre cette étrange maladie qui le rongeait.
Il finit inconsciemment par s'enfoncer dans la forêt défendue. Tout ce qu'il souhaitait à présent c'était d'y perdre son âme : il ne voulait plus souffrir. L'errance semblait une bien piètre consolation mais au moins, il savait qu'ainsi il ne ressentirait plus rien. Adieu douleur, adieu colère, adieu joie et désespoir, les ombres finiraient par absorber toute sensation, et dans le cœur de cet homme maudit ne subsisterait qu'un vague souvenir du nom de Perrine...
Du haut de mon nuage,
Je te vois courir après un mirage
Lamentablement tu t'échoues sur le rivage
Et tu succombes doucement au parfum d'un songe.Très vite la réalité te percute :
Il n'y a pas de place ici pour les lâches.
Je t'observe toi qui tombe et qui chute ;
Tu te relèves et combats sans relâche.Chaos et tempête s'emparent de ton être,
Le souffle coupé tu t'accroches à la vie.
Mais comment lutter contre cette Chimère,
Alors que seul tu te promets l'infini ?On ne peut gagner contre soi,
Inutile de chercher pourquoi.
Il faut vivre avec ses propres démons
Sans forcément en connaître la raison.Ô douce nuit sans étoiles et sans bruit
Qui s'empare de ton corps, de ton âme
Tes regrets pèsent sous le ciel infâme
Mais tu continues ce combat même de nuit.Une horde de monstres s'immisce dans ton sommeil
Ils infiltrent tous tes rêves vides de sens
Jusqu'à l'heure soudaine de ton réveil
Tu croyais avoir ne serait-ce qu'une chance...Mais ouvre les yeux imbécile !
Qui crois-tu duper ainsi ? Elle ? Toi ?
Ce que tu peux être docile
Et dire que jadis ton cœur battait pour moi !Tu m'as trahie et tu l'as trahie.
Ô prince ! Pour l'éternité sois maudit !
Jamais elle ne te rattrapera tu le sais
Et pourtant... toi tu le souhaiterais.----
Bonjour !
Ce chapitre se termine sur un poème d'une voix inconnue... qui cela pourrait-il être ?
Les prochains épisodes devraient être plus riches puisque Kian s'enfonce dans la mystérieuse forêt maudite, à votre avis que va-t-il se passer ?
Quelque chose à dire sur l'effondrement suspect des deux hommes qui retenaient Perrine au début du chapitre ?
Je vous laisse y réfléchir et je vous retrouve samedi (si je n'oublie pas) pour un autre chapitre !
D'ici là prenez soin de vous et bon courage à ceux qui passent le bac !
Bye bye ;)
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BLUE HEART
FantasyImaginez-vous prendre un bain et la seconde d'après vous retrouver propulsée toute nue au milieu d'un immense lac. Difficile à croire n'est-ce pas ? Et pourtant c'est exactement ce que vient de vivre Perrine, jeune fille d'à peine dix-huit ans. Sur...