XXXVII

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Erian et Perrine retournèrent au campement avec des airs totalement différents. Le pirate s'était replié sur ses profondes réflexions alors que Perrine avait préféré les balayer. Comme vous l'aurez sûrement compris, tant que la vérité n'était pas clairement établie et prouvée, la jeune femme préférait ignorer le problème. Même si ce fut plus difficile pour celui-ci, qui la touchait tout particulièrement, elle tenta de se concentrer sur l'extérieur plutôt que sur son monde intérieur. Et son environnement lui offrit d'ailleurs une distraction de taille.

– Mais je veux t'aider !

Perrine tendit l'oreille et reconnut la voix de Yan. La terrienne accéléra pour connaître l'objet de ses protestations.

– Vous ne comprenez pas, c'est ma mission, répliqua Louis en insistant sur la propriété de cette « mission ».

Mais de quelle mission parlait-il ? C'est ce qui intéressa chacun des membres de l'équipe qui regardait cette dispute.

– Je ne vous ai jamais demandé de me suivre ! enchaîna Louis.

– Et je n'ai jamais dit que je t'avais suivi ! Je fais ce que je veux de ma vie !

– Vraiment ? Alors vous vous êtes retrouvée sur le port par hasard ?

– Exactement, se borna Yan.

– Très bien, vous pouvez toujours vous mentir à vous-même, mais n'interférez plus avec mes affaires, conclut Louis.

Yan resta silencieuse tandis que son ami rangeait la campement. Elle retenait difficilement ses larmes, Perrine le vit, et elle se demanda ce qui avait déclenché ce malheureux conflit. Jia, à côté de Kian, alla aider Louis à ranger le campement et charger les chevaux.

– Je vais proposer à Yan de monter avec moi, déclara Perrine à Erian.

Elle croyait que les tensions en seraient apaisées et préféra prévenir son partenaire de cavalcade.

– Et moi à Louis, approuva Erian.

Il avait compris son plan et elle l'en remercia. Perrine s'approcha de Yan et lui offrit de monter avec elle.

– Merci, souffla simplement la jeune princesse.

Elle se retourna et rassembla ses affaires, ce qui mit fin à son échange avec la terrienne. Ynasuana était frustrée et préférait ne plus adresser la parole aux autres sous peine de se mettre tout le monde à dos. La jeune fille était vexée que son ami ait pu ainsi refuser de partager ses secrets, et même si une partie d'elle lui soufflait que c'était normal, elle n'acceptait pas encore qu'on lui dise « non ». Toute sa vie, on avait servi le moindre de ses caprices. Là-haut, dans sa tour d'or et d'argent, elle n'avait qu'à claquer des doigts pour assouvir chacun de ses besoins.

Au château, elle s'était senti seule parce que personne ne la comprenait et ici, elle se sentait seule parce qu'elle ne comprenait personne. Son changement d'environnement avait sûrement été trop brutal, et elle le ressentait pleinement à présent.

– Des gardes approchent, déclara soudainement Kian.

Il avait les yeux fermés et était sur ses gardes, une main sur le pommeau de son épée et l'autre tenant fermement les brides de sa monture. Les gardes étaient à deux ou trois kilomètres de leur position et Kian les percevait comme s'ils étaient à ses côtés. « Toujours aussi bruyants », pensa-t-il avec exaspération.

– Allons-nous en, décida Jia.

Ils prirent la fuite et ne s'arrêtèrent que lorsque les chevaux commencèrent à ralentir. Les gardes ne les avaient point rattrapés et avaient emprunté un autre chemin. Toujours en direction de la capitale, leur troupe se dirigea dans un petit village afin de se ravitailler. Autour d'une table dans une taverne, ils discutèrent d'un plan.

– Comment comptez-vous entrer dans le palais ? demanda Erian en s'adressant à Jia et Kian.

La coiffeuse avait entièrement récupéré ses forces et tentait discrètement de percer la carapace du pirate. Avec le pouvoir qu'elle avait, elle aurait dû y parvenir aisément, mais la méfiance d'Erian était immuable. Finalement, peut-être que Kian avait raison... Elle secoua la tête et décida de s'en remettre à Perrine, même si elle admettait que c'était sans doute d'une incroyable stupidité.

– Nous n'y avons pas encore réfléchi, admit Jia.

– Nous pourrions nous déguiser en gardes, suggéra-t-il.

– C'est inutile, ils doivent posséder un mot de passe pour entrer au palais.

Ils fixèrent la table, comme si la réponse était inscrite dans les veines du bois.

– Y a-t-il toujours une entrée séparée pour les prisons ? demanda Kian.

Erian leva la tête vers le maudit et tenta instinctivement de le sonder. Kian résista et haussa un sourcil.

– Seuls les gardes du palais sont au courant d'une seconde entrée.

S'attendant à cette question, Kian croisa les bras contre son torse.

– Ou un prisonnier qui s'en est échappé.

C'était un mensonge qu'il serait simple à laisser croire. Jia retint un regard excédé et reprit la parole.

– Peu importe, c'est un bon début de plan.

– Si j'ai bien compris, résuma Perrine, nous allons nous déguiser en gardes et entrer dans le palais en passant par les prisons ?

– Non pas toi ma belle, c'est une mission pour les hommes, rectifia Erian.

Perrine le fusilla du regard et se tourna vers Jia, attendant sa réplique.

– Malheureusement il a raison, même s'il aurait pu le dire d'une autre manière. Aucune femme n'est jamais devenue soldat.

– Et Mulan alors ?! s'emporta Perrine.

– Mu-qui ? s'interrogea Yan.

Elle rencontra le regard sévère de Jia puis celui d'Erian.

– Personne.

Elle baissa les yeux et décida de devenir muette.

– Que ferons-nous alors ? C'est hors de question que nous restions cachées alors que vous irez vous amuser, n'est-ce pas Perrine ?

La concernée hocha vivement la tête.

– Vous pourriez offrir de travailler comme servantes, suggéra Erian. Mais si le roi et la reine n'en ont pas besoin, je ne vois pas d'autre option.

– Ils en auront besoin, déclarèrent en même temps Kian et Jia.

Tous les regards convergèrent dans leur direction. La coiffeuse laissa le sien se perdre au loin.

– Il y aura bientôt une commémoration en l'honneur du prince disparu.

Le visage d'Erian s'illumina comme s'il venait de se souvenir de quelque chose d'important.

– C'est vrai, une seconde je l'avais oublié, murmura-t-il.

– Nous arriverons pour le deuxième jour de célébration.

– Est-ce le prince de la légende, celui qui a été maudit par cette déesse ? demanda Yan.

– Dans les faits, il s'est seulement enfui parce qu'il ne voulait pas succéder au trône, expliqua Erian.

– Pourquoi raconter une telle légende alors ?

– Les dieux ont besoin qu'on croit en eux, se manifesta Louis qui était resté silencieux jusqu'ici.

Plus personne ne prit la parole et l'atmosphère devint gênante. Au bout de plusieurs secondes qui parurent interminables, Jia annonça qu'il fallait partir afin d'arriver au plus tôt au palais. Leurs chevaux reposés et leurs besaces pleines de vivre, ils reprirent leur route vers le cœur d'Olbies.

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Coucou ! Je vous offre ce chapitre en avance parce que demain je n'aurai pas le temps... j'espère qu'il vous a plu !

À la semaine prochaine !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant