BLUE HEART

XXXVI

– Parce que tu n'es sûrement pas humaine, déclara-t-il gravement.

Après cette annonce surprenante, Perrine explosa de rire.

– Pas humaine ?

Elle n'avait jamais rien entendu de pareil. Si elle n'était pas une femme alors qu'était-elle ? Un poisson ? Ou une sirène ? Elle rit de ces deux idées ridicules.

– Tes cheveux n'ont pas leur couleur naturelle, n'est-ce pas ? lui demanda Erian.

– Non, mais comment tu...

– Écoute-moi bien Perrine, l'interrompit-il avec tout son sérieux.

Elle ne l'avait jamais entendu prendre une telle intonation et cela obscurcit immédiatement son regard bleu.

– Les seuls êtres capables de voir des naïades sont les maudits ou les dieux. Il est clair que tu ne fais pas partie des seconds, parce qu'ils sont eux-mêmes inaccessibles, alors la seule explication, c'est que tu es une maudite.

– C'est impossible, je...

« Je viens d'un autre monde, » faillit-elle avouer.

– Mais ce n'est pas tout, enchaîna le pirate. En naviguant sur les mers, j'ai vu beaucoup de choses, et certaines d'une injustice pourtant très courante. Il y a un véritable trafic d'êtres maudits sur les flots.

Perrine écarquilla les yeux ; si ce qu'il disait était vrai alors elle courait un grand danger.

– Je n'ai été témoin que de celui-ci, mais je sais qu'il en existe un terrestre.

– Mais ne puis-je pas redevenir humaine ?

– Il faudrait que tu te souviennes de ta malédiction. T'en rappelles-tu ?

Elle secoua négativement la tête. Comment pouvait-elle se souvenir d'une malédiction qui n'avait jamais eu lieu ? Et comment pourrait-elle rentrer chez elle si elle était sous l'emprise d'une telle condamnation ? C'était impossible : Erian s'était forcément trompé. Perrine ne pouvait pas être maudite ! Elle était née sur Terre, dans un hôpital, au beau milieu d'autres humains parfaitement normaux. Ses parents étaient d'honnêtes gens qui avaient des postes à haute responsabilité dans la même entreprise. Même si c'était sa tante qui l'avait élevée, ses parents subvenaient à ses moindres besoins. Sa vie était aisée mais elle ne s'en était jamais vanté ou n'avait jamais usé d'un quelconque pouvoir à ce sujet. Certes, quelques fois elle avait eu un sale caractère, surtout qu'elle était très capricieuse, mais à part son enfance de petite fille choyée, elle ne s'était jamais senti coupable de quoi que ce soit.

– Si tu ne t'en souviens pas, tu as forcément été maudite avant ta naissance. De plus, tu ne sembles pas immortelle, alors c'est encore plus probable que cette malédiction ait été jetée sur tes parents dans le but de t'affecter dès ton apparition dans ce monde. C'est rare, mais pas impossible.

– Attends, arrête-toi là, je crois qu'il y a quelque chose que tu devrais savoir, le coupa Perrine.

Il fallait lui avouer qu'elle venait de la Terre, sinon il allait continuer à émettre des hypothèses qui, avec cette variable, n'avaient sans doute plus aucun sens.

– Je ne viens pas d'une île, je ne viens même pas de ce monde.

Erian ouvrit la bouche, il allait parler mais scella ses lèvres. Perrine sentit que le jeune homme réfléchissait à vive allure, qu'un million de questions se bousculait dans son esprit et qu'il puisait certaines réponses dans des souvenirs lointains. Il hésita, plongea son regard dans celui de Perrine et usa de son pouvoir pour mesurer sa sincérité.