Kian s'apprêtait à donner un coup de talon dans le flanc de sa monture lorsque Jia remarqua son absence et vint le rejoindre.
– Que fais-tu ?! Ce n'est pas le moment !
– Enfuis-toi, je les retiens.
Jia fronça les sourcils.
– Je te connais, tu vas les tuer.
Sa remarque sonnait comme un reproche.
– Qu'en penserait ta mère ?
Là ce n'était pas qu'une impression, elle le blâmait vraiment.
– Personne ne les regrettera, se justifia-t-il, comme si cela pouvait être une bonne raison d'ôter leurs vies.
Elle détourna la tête, déçue. Ce geste sembla vaguement familier au prince mais il était incapable de dire en quoi. Du bout des doigts, il effleura la réponse sans jamais réussir à s'en emparer. Troublé, il ordonna au cheval d'accélérer, se précipitant vers la masse de barbares sanguinaires. Que voulaient-ils au juste ? Ses cheveux sûrement et Jia. Elle était belle, la vendre comme suivante à un riche noble aurait été une très bonne affaire. C'était un trafic courant chez les petits clans de bandits vivant des les forêts ou montagnes. Ils enlevaient des voyageurs, isolés et modestes de préférence, les maltraitaient, leur retiraient dignité et intimité afin de mieux les humilier, puis une fois qu'ils avaient détruit en eux tout espoir, ils les vendaient comme esclave au plus offrant. Peu voire aucun d'entre eux ne se rebellaient ; souvent ils avaient tout perdu, famille, argent, amis, but. On les avait persuadés que leur seule chance de vivre était d'obéir. Quoi qu'il en fut, Kian ne les laisserait pas emmener Jia : il avait besoin d'elle, pour se venger, et... parce qu'elle était son amie.
Le premier brigand qui croisa le fer avec Kian se prit le plat de la lame du jeune homme dans le torse et tomba de son étalon. Le suivant se fit assommer et l'équidé sentant qu'on ne le commandait plus, s'arrêta au milieu du champ de bataille. Les bandits se firent plus nombreux, plus violents. Très vite Kian fut encerclé. Son cheval, plus habitué aux promenades qu'au combat, devint rapidement nerveux. La proximité des adversaires et leurs armes intimidaient l'animal. Quelques uns tombèrent encore mais leur nombre était trop élevé alors Kian décida qu'il était temps d'en finir. Le cavalier possédait un avantage de taille dans ce combat : sa malédiction. Être à moitié loup lui avait sauvé plus d'une fois la vie car la plupart des animaux sur Iziria redoutaient ce prédateur. Il lui suffisait de libérer cette partie de son aura et tous les chevaux s'enfuiraient. Mais voilà Kian aussi était sur un de ces animaux et à moins que son destrier n'eut aucun instinct de survie, le prince serait désarçonné. Il fallait choisir : arrêter d'épargner leurs assaillants et les tuer ou effrayer les chevaux, dont le sien, et risquer un assaut au sol tout en sachant qu'il ne faudrait y laisser que des blessés. Que choisirait Jia ? Et sa mère ?
Kian s'accrocha fermement aux rênes et libéra son aura lupine.
Le cheval s'affola immédiatement, comme tous les autres autour de lui, puis il se cabra. Le paisible silence de la forêt se transforma en un tumulte de hennissements. Le prince avança ses mains de part et d'autre de l'encolure et se porta en avant afin de ne pas déséquilibrer l'étalon. L'attitude de Kian se fit plus calme, il rétracta doucement son aura et essaya d'apaiser celle de l'animal, tandis que les autres bêtes tournaient en rond, se rebellant et ne laissant pas le temps aux cavaliers de retrouver leur sérénité. Les deux amis saisirent cette chance pour fuir loin de cette cacophonie. Bientôt le martèlement des sabots sur le chemin de poussière ne fut plus qu'un simple bruit de fond, tel un chant d'oiseau dissonant.
Leurs chevaux essoufflés, Kian et Jia s'arrêtèrent et descendirent de leurs montures près d'un ruisseau où elles purent se désaltérer. Ils devaient aussi trouver de quoi se ravitailler sous peine de très vite avoir faim et manquer de force pour la suite de leur trajet. Et s'ils ne partaient pas rapidement d'ici, les brigands reviendraient, plus nombreux et plus armés.
– Merci, déclara alors Jia.
Kian se tourna vers elle, prêt à lui demander « pourquoi ? » lorsqu'il s'aperçut que son amie était au bord du malaise. Il se précipita vers elle, inquiet, puis en comprenant ce qu'elle avait fait, son regard se fit sévère.
– Je n'y crois pas ! s'exclama-t-il. Tu as utilisé ton mana ?!
Le sourire de Jia s'élargit, ses yeux se fermèrent et elle murmura :
– Oui, pour te protéger.
Elle s'évanouit dans ses bras, la tête en arrière, les cheveux agités par une légère brise. Il agrippa ses épaules, la secoua, lui infligea des petites tapes sur les joues puis l'observa sombrer telle une fleur qu'on arrose pour l'empêcher de faner mais qui finit par périr. À cet instant, le visage délicat de Jia se brouilla et celui de sa mère apparut. Pourquoi voyait-il en elle ce parent qu'il avait abandonné ? Il revit la jeune femme détourner la tête, où la déception se lisait sur ses traits, un peu plus tôt dans la journée. Il frôla encore une fois ce souvenir, quel était-il ? Des voix, son sourire, une caresse sur sa joue d'enfant... Il se rappelait maintenant pourquoi cette expression lui avait paru si familière.
« Regardez mère ! Regardez ! » Le petit garçon courait vers sa maman, brandissant hautement un écureuil transpercé par une flèche. « Père m'a appris à chasser ! »
Sa mère se reposait dans le jardin, entourée de roses et d'un parfum de fleur d'oranger. Elle admirait le ciel et ensuite son fils qui courait vers elle. Quand elle vit le pauvre animal, elle perdit son sourire et détourna le regard. Puis elle inspira et lui sourit à nouveau. « Bravo Kian, je suis fière de toi. » Elle posa sa main sur la joue de son fils dont les yeux étincelaient de satisfaction. « Je vous l'offre mère. » Elle lui lança un autre sourire contrit. « Merci. » avait-elle murmuré.
Ce jour-là, Kian s'était contenté de ce sourire, il n'avait pas prêté attention au regard de la reine. Aujourd'hui il en était certain : sa mère n'avait jamais été fière de lui, elle devait même être profondément déçue.
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Et voici le deuxième chapitre !
Qu'en avez-vous pensé ?
Les brigands qui font du trafic d'esclave ?
Le fait que Kian en connaisse autant sur les sombres côtés d'Iziria ?
Une idée du secret que cache Jia ?
Je vous retrouve la semaine prochaine ;)
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BLUE HEART
FantasyImaginez-vous prendre un bain et la seconde d'après vous retrouver propulsée toute nue au milieu d'un immense lac. Difficile à croire n'est-ce pas ? Et pourtant c'est exactement ce que vient de vivre Perrine, jeune fille d'à peine dix-huit ans. Sur...