XLV

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De leur côté, les filles étaient bien loin de se douter des problèmes que rencontraient leurs amis. Elles étaient au centre même d'Olbies, se promenant dans la rue principale qui menait directement aux portes du château. Cette avenue accueillait les plus belles et luxueuses boutiques du royaume. Il y avait des tailleurs, des créatrices de mode, des cordonniers, des apothicaires, des orfèvres, des joailliers, des bijoutiers, des marchands d'épices, des salons de thé et café, des selliers, des libraires, des tapissiers, des pâtissiers, etc.

L'euphorie des habitants et voyageurs était exceptionnelle et se répandait dans les coeurs de chacun.

Mais tout ne pouvait pas se dérouler aussi bien que leur plan. Jia sentit bientôt que quelque chose n'allait pas. Elle percevait un appel, un signal qui semblait venir de trop loin, ne pouvant l'identifier clairement.

Elle s'arrêta au milieu de la rue. Perrine et Yan l'observèrent étrangement tandis que le regard déjà déstabilisant de Jia devenait de plus en plus blanc.

– Que lui arrive-t-il ? s'inquiéta Yan.

– Je ne sais pas, répondit Perrine. Jia ? Jia ? répéta-t-elle plus fort.

Était-elle devenue sourde ? Soudain, Jia revint à elle.

– Ils ont échoué, déclara-t-elle en ignorant les interrogations des deux jeunes filles.

– Comment ?!

– Ils sont en prison, Kian vient de me le dire.

Yan se retourna, observant la foule à la recherche du jeune homme.

– Comment peux-tu le savoir, il n'est même pas là.

– C'est trop long à expliquer, mais nous devons prendre le relais ; s'ils parviennent à s'échapper, leur seule chance est la fuite. Ils ne peuvent plus prendre le risque de s'introduire au palais.

– Quelles sont nos chances ?

Perrine attendit la réponse de Jia, une certaine appréhension lui tordait le ventre.

– Leurs gardes sont entraînés : s'introduire comme simples servantes sera difficile, mais si nous ne faisons rien, la mission échouera.

Yan, silencieuse jusqu'à présent se manifesta soudain.

– Quelles sont nos chances ? insista-t-elle.

Elle ne lâcha pas une seule seconde des yeux Jia qui comprit qu'elle devrait être honnête. Sa force de persuasion était suffisante pour berner les gardes, cependant celle de ces deux jeunes filles les perdrait assurément.

– Quasiment nulles.

Sa franchise résolut Yan.

– J'ai un moyen de nous faire entrer.

Surprises, Perrine et Jia dévisagèrent la jeune fille qui justement, paraissait trop jeune pour avoir un plan. Mais elles n'avaient pas d'autre alternative alors elles l'écoutèrent.

– Vous devez me promettre que tout ce qui s'est passé jusqu'à aujourd'hui ne restera qu'entre nous, et surtout, quoi que je vous dise, je reste la même personne.

Jia et Perrine acquiescèrent et Yan inspira profondément.

– Je ne m'appelle pas Yan. Je suis Ynasuana Jeiamila Onui, princesse et héritière du trône d'Iniese.

*

– Je cherche mon frère, déclara Erian.

Les doigts de Kian se crispèrent et ses mains se transformèrent en poings.

– Ton frère ? Tu veux dire, le prince disparu ? Celui de la légende ? s'étonna Louis.

– Ce n'est pas qu'une légende, il y a tout juste vingt ans, des gardes ont fait entrer une femme dans le palais ; elle souhaitait rencontrer mon frère. Ils l'ont laissée seule en compagnie du prince jusqu'à ce qu'ils entendent un bruit suspect. Lorsqu'ils ont ouvert la porte, cette femme ainsi que mon frère avaient disparu.

– Tu n'as jamais cru qu'il était mort ? l'interrompit Kian d'une voix blanche.

Ils se regardèrent droit dans les yeux, se jaugeant l'un l'autre pour savoir lequel d'entre eux les baisserait en premier.

– Mes parents, reprit Erian avec une pointe d'agressivité dans la voix, ont cherché leur fils pendant dix longues années, insista-t-il en détachant clairement chaque mot de sa phrase. J'ai passé mon enfance à les voir s'inquiéter jours et nuits pour un type qui s'est enfuit avec une roturière ! Alors je vais te le dire franchement : j'espère qu'il est vivant, parce que quand je le retrouverai, je lui ferai payer son insolence.

Kian détourna le regard afin qu'Erian n'y vît point les regrets s'y accumuler. Des paroles aussi dures lui serrèrent le coeur. Si Erian savait que toutes ces années Kian s'était enfui pour protéger le royaume ainsi que ses propres parents, tiendrait-il le même discours ? Mais lui, le maudit, s'il avait su que ses parents ou même que ce frère, dont il ignorait jusqu'alors l'existence, le cherchaient aussi désespérément, serait-il rentré ? Il avait perdu tellement d'années, loin des siens, de ceux qu'il aimait... Cette vie sonnait comme un "trop tard" à présent.

Kian était désolé, mais les mots ne pouvaient être dits et ils moururent dans son coeur comme ses rêves de jeunesse. Serait-il un jour capable d'expliquer la vérité ? Garderait-on ces préjugés sur lui ou ce qu'il avait vécu éclaterait-il au grand jour ?

Sa famille le lui pardonnerait-elle ?

– Pourquoi la piraterie ? s'interrogea Louis.

Erian se détourna de Kian pour répondre au jeune homme.

– Ne retrouvant pas mon frère, j'ai tenté de retrouver cette femme. Mais c'était comme s'ils avaient changé de monde.

Cette remarque retint l'attention de Louis mais Erian n'en dévoila pas plus.

– Mes recherches m'ont conduit sur plusieurs îles. La flotte royale ne m'aurait pas aidé alors je suis parti avec des pirates. Puis de mers en frontières, d'aventures en tempêtes, je suis devenu capitaine. Ce serait trop long à raconter, mais j'ai trouvé une deuxième famille dans la piraterie. Quelque part, cette quête ne m'a pas mené à rien, murmura-t-il.

Un léger rictus releva le coin de ses lèvres. Son regard se perdit sur le mur du fond, couvert d'une large tapisserie dorée.

Retrouver son frère était un objectif qui allait bien au-delà de son ressentiment et de sa colère. Il voulait découvrir la vérité s'il y avait mensonge, il voulait le sauver s'il était en danger, il voulait le sermonner s'il s'était enfui.

Quel âge avait-il désormais ? À quoi ressemblait-il ? Avait-il gardé cette apparente jeunesse caractéristique des maudits ou n'était-ce que la légende et portait-il alors les premières rides de la quarantaine ?

Perrine était sa seule chance maintenant et Kian... Kian l'était aussi. Eux deux détenaient un secret qui était un trésor pour Erian. Ce loup blanc, il devait trouver ce loup blanc.

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Bonjour !

Voici le chapitre, comme vous le voyez ça fait deux semaines que je n'ai pas publié et je pense continuer sur ce rythme. C'est mieux que d'arrêter la publication, ce que je ne souhaite absolument pas.

La fin de l'histoire approche, j'espère y arriver bientôt en tout cas.

Bonne journée à tous et à plus tard !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant