2. Monsieur C (partie 1)

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Une lumière violente réveilla la jeune femme. 

Elle avait l'impression que sa tête allait se fendre en deux. Qui aurait cru que le soleil matinal pouvait être si douloureux ? Elle tentait de se protéger les yeux de sa main mais n'y parvenait pas. De solides liens retenaient ses poignets. 

Lydia ouvrit brusquement les yeux, ignorant les protestations de souffrance de sa rétine.

Elle se trouvait dans une grande -immense- chambre baignée d'une chaude lumière s'infiltrant par des hautes fenêtres dont les élégants rideaux blancs avaient été relevés.

Sentant la panique monter, la jeune femme se tortillait, essayant de briser les chaînes qui la maintenaient attachée à la tête d'un grand lit. Sentant que son effort était vain, elle tenta simplement de se redresser.

Elle était vêtue d'une chemise de nuit blanche, se mariant à merveille avec le décor. Ici, tout était blanc, immaculé, presque froid. Malgré le matelas extrêmement moelleux, Lydia sentait une douleur vive irradier le plus infime muscle de son corps. Que s'était-il passé ? Elle concentrait toute la force de sa volonté pour se souvenir comment elle s'était retrouvée là. Les ténèbres embrumaient son esprit. Elle ne se rappelait de rien. D'où venait-elle ? Où habitait-elle ? Que faisait-elle dans la vie ? Qui étaient ses amis ? Ses parents ? Avait-elle des frères et sœurs ? Et surtout, que faisait-elle ici, attachée solidement à un lit... inconnu ?

Le néant de ses souvenirs ne faisait que renforcer son sentiment d'angoisse. Elle devait quitter cet endroit. Et vite. Elle se mit à tirer avec la frénésie du désespoir sur ses chaînes, ne parvenant qu'à s'entailler davantage le poignet. Quelque chose grondait au fond d'elle, comme une présence étrange, qui commençait à s'allumer après avoir, semblait-il, été mise sur pause un long moment.

— Je serais toi, j'éviterais d'user mes forces en imitant un chaton pris au piège, dit une voix grave et calme.

Lydia aurait juré qu'une pointe d'ironie baignait dans ses propos. Elle tourna la tête avec inquiétude et vit un homme adossé contre le mur, tout près de la porte grande ouverte. Il portait une chemise dont les premiers boutons étaient ouverts, lui donnant un air désinvolte. Il avait une cravate desserrée autour du cou, un pantalon de costume noir et des chaussures, noires également, cirées avec minutie. Les yeux fatiguées de Lydia ne lui permettaient pas de voir son visage distinctement, elle savait juste qu'il était brun avec un épi indiscipliné dressé sur le haut du crâne.

— Qui...qui êtes-vous ? demanda-t-elle d'une une voix rauque, comme si elle n'avait pas parlé depuis plusieurs jours.

L'inconnu ne répondit pas tout de suite. Il dévisageait Lydia d'un air mélancolique, comme s'il ne s'était pas attendu à ce qu'elle pose cette question. Il s'avança d'un pas nonchalant vers le lit et s'assit à l'extrémité, sans quitter la jeune femme des yeux. Noirs. Ses yeux étaient noirs. Elle avait l'impression de se plonger dans la nuit même. Une nuit sans étoiles, mystérieuse, à la fois pleine de dangers et de promesses.

— Appelle moi Mr. C, déclara-t-il de sa voix grave. Je m'étonne que tu n'aies jamais... entendu parler de moi.

Lydia soutint le regard de cet homme. Elle avait peur, mais la drôle de chose qui grondait en elle l'aidait à supporter la situation. Bonne ou mauvaise chose, elle n'en savait rien.

— Et pourquoi aurais-je entendu parler de vous ?

Le regard de Mr. C se fit soudain plus dur. Lydia craignait d'avoir dit quelque chose de mal.

— Comment... poursuivit-il en passant une main dans ses cheveux. Oh peu importe. Eh bien Lydia, je te sens peu reconnaissante après... ça.

— Quoi... ça ? demanda la jeune femme, de plus en plus inquiète.

— Tu ne t'en souviens pas non plus ?

Mr. C avait l'air sacrément agacé à présent. Il alluma la télévision holographique et appuya sur le bouton "play" de sa télécommande. C'était un enregistrement vidéo, semblait-il. Surprise et ne voyant pas en quoi cela allait les avancer, Lydia commençait à ouvrir la bouche, mais C lui fit signe de patienter. Elle regarda donc sa vidéo en silence.

— Mesdames et messieurs, dit le présentateur, bienvenue pour la cent dix-huitième vente aux enchères d'esclaves bipèdes ! ...

L'horreur se peignait petit à petit sur les traits de la jeune femme en regardant se succéder la vente d'hommes, de femmes et d'enfants. Mais elle ne voyait toujours pas où voulait en venir ce Mr. C.

Elle allait tourner la tête vers lui, mais la reporta aussitôt sur la projection holographique lorsqu'elle s'aperçut. Ce qu'elle vit alors eut l'effet d'un violent coup de poing. Elle se regarda se faire pousser sans ménagement sur une scène, devant une foule surexcitée. Elle traînait les mêmes chaînes que celles qui la retenaient en ce moment clouée à ce lit. Le présentateur tirait dessus comme si elle n'était qu'une vulgaire bête sauvage. Le public riait, applaudissait, mais avant qu'elle ne se fasse humilier davantage, un homme fit irruption sur la scène. C'était Mr. C. Il jeta aux pieds du présentateur une malle qui s'ouvrit sur le sol, le jonchant de billets.

— Dix millions cash, dit-il à dans la projection.

Il prit ensuite Lydia sur son dos et tous deux quittèrent la scène.

Sous le choc, la jeune femme n'avait pas remarqué que les yeux de Mr. C s'étaient posés sur elle et la regardaient avec insistance. Un sentiment de honte, d'impuissance montait en elle. Toutes ces émotions engloutirent son cœur et des larmes de colère coulaient sur ses joues brûlantes. Elle avait été vendue aux enchères ! On avait écrasé sa dignité, on l'avait réduite au stade de marchandise... avec tous ces autres pauvres gens...





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