Le cerveau épuisé de Lydia recevait diverses informations. Quelque chose d'animé était posé au niveau de ses épaules. Il lui semblait que ça bougeait et pressait ses clavicules. Elle était secouée. Oui c'était cela, quelqu'un était en train de la secouer et ces choses sur ses épaules devaient être des mains. Elle entendait également un gazouillis. Était-elle secouée par un oiseau ? Non. Au fur et à mesure qu'elle émergeait du sommeil, les sons devenaient de plus en plus clairs, comme si elle sortait peu à peu la tête de l'eau.
— Lydia !
Lydia ? Oui, c'était comme ça qu'elle s'appelait. Cela lui revenait maintenant. Elle reprenait doucement le contrôle de son corps et lorsqu'elle fut prête, elle souleva lourdement ses paupières qui lui semblaient peser plusieurs kilos. Sa vue était brouillée et ses yeux étaient gonflés à force d'avoir pleuré.
Zay était penchée sur elle et relâchait la prise sur ses épaules.
— Ah tu es enfin réveillée !
Lydia se frotta les yeux et bailla à s'en décrocher la mâchoire. Elle s'étira longuement puis se redressa en position assise sur son grand lit, relevant son coussin derrière son dos pour s'y adosser de manière confortable. Une triste lumière s'infiltrait par les hautes fenêtres. Ce temps matinal maussade s'accordait parfaitement avec son état d'esprit.
Zay était assise à ses côtés sur le moelleux matelas, vêtue d'un pantalon en cuir, de bottes qui lui montaient jusqu'aux genoux ainsi que d'un pull en laine blanc qui contrastait élégamment avec sa peau et ses cheveux sombres. Elle tenait un blouson en cuir sous son bras et semblait prête à sortir. Ses yeux marron, légèrement bridés, scrutaient Lydia avec intensité. Elle glissa une mèche de cheveux lisses derrière son oreille, chose qu'elle faisait habituellement lorsqu'elle cherchait ses mots.
— Lydia, tu as l'air complètement ailleurs. Il s'est passé quelque chose ?
L'intéressée, qui avait passé une nuit horrible et n'avait pu dormir que quelques petites heures, avait d'énormes cernes violacées sous ses yeux verts, dont le blanc était injecté de sang, des cheveux aussi désordonnés qu'un nid d'oiseau et un teint tellement pâle qu'il semblait presque transparent. Lorsqu'elle répondit, sa voix était rauque et elle dut tousser à plusieurs reprises pour récupérer son timbre habituel.
— Non tout va bien, mentit-elle. J'ai simplement très mal dormi. Le déménagement approche et je me sens un peu tendue.
Elle avait décidé de faire comme si de rien n'était et de ne pas parler à ses amis d'Irina et des affreuses expériences qui se déroulaient probablement toujours à Lutèce. Elle ne voulait pas que Zay ressente l'horreur qu'elle avait ressentie et perde l'espoir que sa sœur Tanya et son génome soient en un seul morceau... Certes, il y avait toujours de l'espoir, mais Lydia doutait fortement qu'ils puissent la retrouver saine et sauve, car pourquoi Lutèce se donnerait-elle la peine d'accueillir des Immigrés en son sein avec une procédure si compliquée si ce n'était pas pour les utiliser comme cobayes ? Mais peut-être Lydia était-elle trop pessimiste et que Tanya était uniquement à Lutèce pour être asservie par cet homme qui l'avait achetée. Qui aurait cru que Lydia en vienne à souhaiter de tout son cœur que quelqu'un soit esclave ?
Zay goba son mensonge.
— Moi aussi je suis tendue, t'as pas idée ! Mais le devoir nous appelle ma chère ! Tu n'as pas oublié que nous devons aller à Kiev aujourd'hui pour finaliser l'achat de la maison ?
C'était complètement sorti de la tête de Lydia. Des rafales de vent cognaient contre les vitres des fenêtres, le temps extérieur ne lui donnait qu'une envie, celle de mettre sa couverture par dessus sa tête et de se rendormir. Mais elle ne pouvait pas se le permettre, elle devait penser aux jeunes et il était crucial qu'ils déménagent le plus rapidement possible pour s'éloigner de Gregville.
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LUTÈCE
Science FictionA son réveil, tout est flou, tout est vide. Le monde tremble. Quel est son nom déjà... Ly...Lydia. Quelle est cette scène où elle se trouve ? Où l'on crie son nom, où la lumière est aveuglante, où l'on scande des prix. C'est une vente aux enchères...