2. Monsieur C (partie 2)

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— Il faut dénoncer ça ! hurla-t-elle soudain.

Mr. C la regardait profondément.

— Dénoncer quoi ? grogna-t-il.

— Cette vente aux enchères bien sûr ! Nous sommes des humains, pas des objets !

Lydia avait troqué son sentiment de honte par de la colère pure.

— C'est parfaitement légal, dit Mr. C avec un haussement d'épaule.

La jeune femme serra les poings. Comment pouvait-il penser cela ? Certes, Lydia n'avait plus aucun souvenir de ce qui était légal ou pas, mais cette vente lui semblait tout simplement scandaleuse.

— Je me fiche de savoir si c'est légal ou pas ! s'énerva-t-elle. Il faut arrêter ça ! Libérez-moi, j'y vais.

"J'y vais". Ce qu'elle voulait dire par là c'était qu'elle avait en ce moment même une irrépressible soif de vengeance. Elle avait envie de faire regretter à ce présentateur d'avoir croisé son chemin. Lui faire du mal. Oui, elle voulait lui faire du mal. Pour qui se prenait-il ? Légal ou pas, il allait payer. Mr. C ne bougea pas d'un centimètre. Il continuait d'observer la jeune femme avec profondeur.

— Libérez-moi je vous dis ! reprit Lydia dont la voix s'était cassée.

Elle éprouvait une certaine gêne sous le regard de C. Bien que la tête de la jeune femme soit vide, son cœur ne cessait de vouloir lui crier des choses. Sur ce regard. Sur ces yeux noirs. Sur cette voix grave. Plus il la regardait, plus elle avait l'impression de se perdre dans un tourbillon sans fin, où la confusion y régnait d'une main de maître.

Un silence s'installait entre eux. Mr. C ne détourna pas une seule fois les yeux, ne cilla pas. Lydia en avait mal. Son ventre se contractait sans cesse d'angoisse. Un courant glacé circulait dans ses veines, gelant son cœur à mesure que le regard de Mr. C se faisait plus intense, plus sombre. Comme s'il avait voulu qu'elle lise en lui. Dans une ultime tentative d'échapper à cette sensation, Lydia murmura, incapable d'élever la voix :

— Libérez-moi...

Cette fois-ci, Mr. C paraissait sérieusement énervé. Il se leva, contourna le grand lit et vint s'asseoir juste à côté de la jeune femme. Il s'approcha tellement d'elle, qu'elle sentait son souffle chaud sur son visage glacé. Il continuait de plonger son regard intense dans le sien. Elle le regardait aussi. Ses yeux semblaient sans fond. Peut-être se noierait-elle dedans. C'était ce qu'elle voulait en ce moment. Se noyer.

— Tu ne sembles pas avoir très bien compris la situation, Lydia, murmura-t-il à son oreille.

Tentant de calmer les battements effrayés de son cœur, la jeune femme essaya une nouvelle fois de se libérer. Mais ses muscles étaient toujours faibles et ses chaînes, très serrées.

— Qu'est ce que je devrais comprendre... ? dit-elle.

Ce que ressentait Lydia en ce moment était semblable à lorsque l'on enfilait une paire de chaussures que l'on n'avait pas mise depuis longtemps. Tellement longtemps qu'elle nous semblait être devenue trop petite. Inconfortable. Une boule pesait dans l'estomac de la jeune femme.

— Que... je t'ai achetée, dit-il dans un souffle. Tu as une dette envers moi de... combien déjà ? Ah oui... de dix millions. Je ne te libérerais que lorsque tu m'auras remboursé.

Une lueur diabolique s'alluma dans les yeux de Mr. C.

— Je... je ne les ai pas, murmura Lydia.

— Dans ce cas...

Il marqua une pause pendant laquelle la colère dans ses yeux laissait place à une expression indéchiffrable.

— Tu vas devoir trouver un moyen de me rembourser. Jusqu'au dernier centime. Sauf si... tu me donnes ton nom.

Lydia écarquilla les yeux. La boule qu'elle avait ressentie dans son ventre lorsque C s'était approché d'elle tripla de volume. Il avait l'air insensé, cet homme. Elle voulait dire quelque chose, mais les mots s'étranglèrent dans sa gorge. Son nom. Quel était son nom ? Elle était Lydia... Lydia quelque chose... Les battements de son cœur redoublaient d'intensité et elle était certaine que, proche comme il l'était, il les entendait sûrement...

— Je... ne m'en souviens pas, bafouilla-t-elle enfin.

Mr. C continua de la dévisager. Il semblait réfléchir. Il se releva, passant une main dans ses cheveux.

— Je n'ai que faire d'une personne qui ne se souvient pas de son nom. Rembourse-moi, ou souviens-t 'en. Tu as trois mois. Et bois ça, ajouta-t-il en désignant un bol fumant posé sur la table de chevet près du lit. Ça contiendra un moment le... enfin peu importe, bois c'est tout. Et souviens-toi.

Il sortit des clefs de sa poche et libéra les poignets de la jeune femme, qui en éprouva un intense soulagement. Il tourna ensuite les talons, mais Lydia le retint par le bras. Il pivota vers elle, surpris.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle. Que se passera-t-il si je ne vous rembourse pas et que je ne me souviens pas de mon nom ? Pourquoi m'avez-vous achetée ?

La même lueur sombre traversa les yeux de Mr. C. Il ne répondit pas.

Il quitta ensuite la chambre et Lydia se retrouvait seule, ruminant ses propos. Elle attrapa le bol avec des mains tremblantes et avala goulûment tout son contenu.

Elle ne savait pas ce qu'elle buvait mais cela la calma presque instantanément.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant