Moscowia, huit ans plus tôt, Jardins du Grand Palais Royal
Les militaires jetaient sans ménagement Lydia dans l'hélico-drone, elle n'avait eu que le temps d'entendre Georges Kavanov s'écrier "appelez l'armée moscowienne, ne les laissez pas quitter Moscowia. Tuez-les ! Tuez-les tous !", avant de voir le sol s'éloigner à grande vitesse. Son cerveau était déconnecté. La souffrance qu'elle ressentait englobait tout son être, l'empêchait de comprendre ce qui l'entourait. Elle sentait ses entrailles brûler sous l'effet d'un feu incandescent.
Une silhouette familière au sol se mit à courir en leur direction et Lydia crut l'entendre crier son nom mais l'embarcation s'envolait de plus en plus haut et cette silhouette ne devenait bientôt plus qu'un point parmi d'autres.
Les heures passaient, Lydia restait collée à la fenêtre, ne regardant que son reflet éteint dans la vitre. Ses yeux étaient exorbités, son visage, d'une pâleur extrême, ne renvoyait que l'image de la mort. Elle tenait son crâne entre ses mains, comme s'il ne serait plus jamais capable de se maintenir tout seul, comme si ce qu'elle venait de voir était trop pour elle, pour son intégrité, pour contenir la folie en elle. Irina, Irina, Irina... Ce n'était pas possible, c'était une erreur, elle avait mal vu... Elle était en train de rêver. Il ne pouvait en être autrement...
Un son rauque, semblable à un gargouillis, s'échappait de sa gorge en une longue plainte interminable, inarticulée, elle ne savait plus comment articuler quoi que ce soit, comment faire face à la réalité. Non, non... ce n'était pas la réalité, ce n'était pas la réalité...
Enchaînée dans son propre esprit, la jeune adolescente perdait la notion du temps, de l'espace, de son propre corps.
Une silhouette floue s'approchait d'elle, des mots émanaient de sa bouche informe. Des paroles sans forme, sans aucun sens, qui sonnaient creux dans la tête de Lydia.
— Princesse Lydia, nous devons vous ramener à Lutèce, par ordre de Sa Majesté Suprême. L'alliance avec Moscowia ne tient plus, le Roi Georges Kavanov s'est trop immiscé dans les affaires internes de Lutèce. Il y avait envoyé sa fille avec un nanorobot planté dans le corps pour récupérer des données sensibles. Ce qui s'est passé est donc entièrement de sa faute, Lutèce allait respecter ses engagements jusqu'à la découverte de cette tentative d'espionnage, bien entendu, il en allait de la sécurité de l'Empire, nous devions détruire le mouchard. Ce type de nanorobot ne peut pas s'enlever sans la mort de celui ou en l'occurrence, celle, qui le porte. Le Roi le savait, il a quand même pris le risque. Nous avons tenté de sauver la princesse avec un procédé de croisement génétique, elle était condamnée de toute manière, c'était sa seule chance de survie. Cette technique n'a fonctionné qu'une seule fois dans l'histoire de Lutèce, nous n'avons malheureusement jamais été capable de la reproduire. Je vous assure que le Roi était plus attristé par la perte de ce nanorobot que par celle de sa propre fille.
**
Dans le petit hangar, sur sa table de torture, la Lydia adulte, aveuglée et étourdie, regrettait de toute son âme d'avoir accepté si facilement cette manière forte. "Qu'on m'achève... pitié !", ne cessait-elle de hurler sous l'atroce douleur électrique qui ne laissait aucune parcelle de son corps indemne et à l'abri. Aucun refuge, aucune zone de confort. Rien que la douleur, encore la douleur, toujours la douleur dans d'infernaux bruits de bourdonnements incessants.
**
Lutèce, quatre ans plus tôt, Quartier Impérial, chambre de Lydia
VOUS LISEZ
LUTÈCE
Science FictionA son réveil, tout est flou, tout est vide. Le monde tremble. Quel est son nom déjà... Ly...Lydia. Quelle est cette scène où elle se trouve ? Où l'on crie son nom, où la lumière est aveuglante, où l'on scande des prix. C'est une vente aux enchères...