41. L'ombre d'un ami

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— Pardon ?

Lydia interrompit ses projets de rejoindre ses amis dans la cabine pour se retourner complètement sur son siège de co-Pilote, face à Mr. C. Un avion passa au loin dans le ciel, laissant derrière lui une longue trainée de fumée qui s'évanouit peu à peu. Il avait évoqué Caelan, elle n'allait pas le laisser s'en tirer sans explication cette fois-ci. 

Mr. C se frotta les tempes, desserra sa cravate, il semblait agacé.

— Tu ne te souviens même plus de ce que tu dis cinq minutes plus tôt ?

Lydia fronçait les sourcils. De quoi parlait-il...? Qu'avait-elle dit ? Une ampoule s'alluma enfin dans son esprit fatigué. Les rouages de son cerveau devaient être grossièrement visibles sur son visage, car elle jurerait avoir vu Mr. C broncher. Peut-être l'ombre d'un infime sourire. À moins que ça ne soit qu'une crispation de mâchoire. Effectivement, elle se souvenait l'avoir appelé Caelan pendant l'attaque. Elle n'avait qu'une infime idée de ce qui lui avait pris.

— Je parlais d'un Caelan. Enfin, du Caelan. Caelan Kavanov.

Il tiqua. Cette fois, c'était bien une crispation de mâchoire.

— Le Prince de Moscowia ?

— Oui. Nous étions amis.

Il semblait se maîtriser. Lydia se demandait pourquoi il se contenait toujours autant. Son attitude était posée, détachée. Cependant, ses yeux ne trompaient pas. Deux charbons ardents. Les yeux ne trompaient jamais, les yeux reflètent l'âme et l'âme de Mr. C, en ce moment même, hurlait. C'était son corps qui mentait. Il n'était pas calme, il n'était pas indifférent. Même son coude, nonchalamment posé sur la table de contrôle était trompeur. Pour la première fois, il laissait tomber ses barrières et Lydia put le lire comme elle pouvait lire les autres. Alors, elle sut. Elle en était certaine. Elle n'en éprouva aucune surprise, elle le savait même depuis longtemps, depuis l'un de ses rêves. Elle voyait le puzzle avant même d'en avoir tous les morceaux. 

— Il est mort, dit-il d'un ton impitoyable.

Bien sûr qu'il était mort, le garçon aux yeux bleus électriques s'était éteint, son sourire était enterré pour l'éternité, sa joie n'était plus qu'un fantôme hantant les souvenirs, écho d'une douce vie passée qui, jamais, ne reverrait le jour.

Une perle salée se forma au coin de l'œil de Lydia. Encore un destin brisé. Combien en faudrait-il d'autres avant que les coupables ne paient ? 

Le silence tomba, comme Caelan était tombé. Mr. C et Lydia ne se quittaient pas des yeux, échangeant à cet instant, un morceau de leur âme meurtrie. Le bruit des hélices battant tendrement l'air leur parvenait d'une manière brouillée, lointaine. Le cockpit semblait se refermer autour d'eux, les parois métalliques étaient-elles vivantes ? Ou n'était-ce qu'une simple illusion ? Elles semblaient ronronner. Luire. Un rayon de soleil perça à cet instant la vitre blindée. Leurs pupilles se rétractèrent pour faire face à cette agression. Leurs visages lumineux, hypnotisants, semblaient flotter dans cette lueur éblouissante, brumeuse, irréelle.

Le soleil s'éteignit. Le monde recommença à tourner. Lydia fut la première à détourner le regard, confuse de cette soudaine réalité. Elle ne souhaitait plus évoquer celui que Mr. C avait été, il fallait laisser le passé enterré et ne se préoccuper à présent que de l'avenir. Elle se décida à rompre le silence, les yeux rivés sur la table de contrôle où un voyant vert clignotait d'une allure vive, s'accordant à merveille avec le rythme de son pouls.

— Est-ce que tu vas me tuer le mois prochain ?

Elle entendit une profonde inspiration. Une expiration bruyante.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant