Il faisait noir. C'était flou. Était-ce un souvenir ? Un rêve ? Et cette voix qui parlait, provenait-elle d'un hologramme ? De la télévision ? D'un réel face à face ?
La voix était glacée. Forte. Impitoyable. Amplifiée.
" La faiblesse n'est pas admise au sein de l'élite. Le pouvoir n'est pas un dû. Il n'est pas éternel, rien ne l'est. Si vous êtes trop faibles pour réussir à le conserver, vous méritez votre sort.
J'annonce à ce jour.
Les cartes Opales peuvent désormais être prises par la force. Si l'on vous l'arrache, vous serez immédiatement destitués de vos fonctions. Celui qui vous l'aura prise, récupèrera votre place. "
**
Lydia était adolescente. Elle était sur une vraie moto cette fois. Une moto de course. Le ciel était réel, le vent aussi. Elle roulait à toute allure sur le grand circuit de Moscowia. Beaucoup de spectateurs applaudissaient, hurlaient des encouragements.
Elle était dans son élément, la vitesse l'enivrait, elle se sentait libre. Elle allait gagner haut la main cette course.
C'était ce qu'elle pensait, jusqu'à ce qu'une moto concurrente ne commence à la rattraper. La ligne d'arrivée n'était pas loin.
— Tu rêves Caelan ! hurla-t-elle joyeusement de toutes ses forces pour couvrir le bruit de la foule et des moteurs endiablés. La victoire est pour moi !
**
La jeune Lydia et un autre adolescent un peu plus âgé qu'elle étaient assis sur un rocher. Ils riaient. Leurs casques de moto étaient posés sur leurs genoux. Le vent glacé Moscowien rendait leurs joues rouges et ébouriffait leurs cheveux.
— Bien joué Lydia, dit Caelan. C'est la première fois qu'on me bat à la course.
Il la regardait en souriant. Il avait deux fossettes, les cheveux bruns et des yeux bleu électrique. Son nez était plutôt cabossé, sans doute à cause des nombreuses chutes qu'il avait dues faire.
— Si tu veux, on pourrait s'entraîner ensemble ? demanda Lydia, enthousiaste.
Le garçon acquiesça. Une soudaine bourrasque fit frissonner la jeune rousse.
— Il va me falloir du temps pour m'habituer à ce climat ! rit-elle.
— Caelan ! s'écria faiblement Lydia en soulevant les paupières.
L'image du garçon flottait encore devant ses yeux fatigués. Son visage s'imprégnait dans sa mémoire avec une encre indélébile. Elle se souvenait qu'il était important pour elle, sans se rappeler pourquoi, mis à part qu'il l'avait sauvée lorsqu'elle avait été retenue prisonnière par les moscowiens avant sa chute de la falaise. Son visage d'adolescent lui évoquait vaguement quelque chose... Toutefois, à l'heure actuelle, il devait avoir une dizaine d'années de plus qu'à l'époque du rêve qu'elle venait de faire. Lydia ne se souvenait absolument pas de ses traits d'adulte, cependant, si elle le croisait, elle était sûre de le reconnaître. Où pouvait-elle le trouver ? Tout ce qu'elle savait sur lui c'était qu'il aimait les motos et qu'il était moscowien.
L'image de Caelan s'effaçait peu à peu du champs de vision de Lydia, laissant place à une dure réalité. Tandis qu'elle reprenait de plus en plus conscience de son propre corps, elle sentait un liquide visqueux couler sur son cou. Ses poignets étaient douloureux. Tout son corps semblait avoir été malmené.
Elle ne voyait rien car des points lumineux dansaient devant ses yeux. Une voix qui semblait lointaine se rapprochait de plus en plus. Elle put en distinguer un mot.
— Lydia !
L'esprit embrumé, elle tentait de se concentrer. Elle devait récupérer ses moyens. Émergeant lentement de sa torpeur, sa vision devenait nette. Elle était dans une cave. Ses poignets étaient menottés par-dessus sa tête à des canalisations longeant le mur aux pierres grises et froides. Cela lui revenait à présent. Elle avait été capturée par les vigiles du club de l'Esperanza. Cet endroit sombre était probablement le sous-sol du club. Au fur et à mesure qu'elle comprenait la situation, une boule de plomb se formait dans son estomac.
Elle tourna précipitamment la tête, manquant de tourner de l'œil tant elle était faible. Elle devait avoir perdu beaucoup de sang.
Hug, Zay et Fabela étaient également menottés à ses côtés, l'air extrêmement mal au point mais bien vivants et réveillés.
— On dirait qu'elle a repris ses esprits, siffla faiblement Zay en crachant une giclée de sang.
Fabela pleurait à chaudes larmes et il n'y avait pas de mots pour décrire le désespoir qui se peignait sur le visage de Hug en ce moment.
— Ze... Ze... Ze zuis telle'ent guésolé, gémit-il.
Son visage était enflé, il avait du recevoir beaucoup de coups. Lydia, horrifiée, ne disait rien. Elle se sentait impuissante. Leur vie risquait de s'arrêter d'un moment à l'autre. Fabela... si jeune, si innocente... Hug et Zay... si courageux. Ils ne méritaient pas ça. C'était tellement injuste. Comme elle aimerait remonter le temps. Dans la bicoque de Hug. Avec Zay et Hug qui se chamaillaient pour un rien, leurs discussions nocturnes qui s'étalaient jusque tard dans la nuit, leurs plaisanteries... Lydia avait eu l'impression d'appartenir à un foyer. Sans eux, elle aurait été perdue en tête à tête avec le néant de ses souvenirs. Elle avait aimé être Lydia Klein à leur côté. Même si ce fut de courte durée.
Lydia cria. Elle cria de frustration. De colère. Sa longue plainte se répercutait en écho déchirant sur les murs ténébreux. Ses compagnons l'observaient d'un air abattu, sans réagir. Elle finit par se calmer, cela ne servait plus à rien de lutter.
VOUS LISEZ
LUTÈCE
Science FictionA son réveil, tout est flou, tout est vide. Le monde tremble. Quel est son nom déjà... Ly...Lydia. Quelle est cette scène où elle se trouve ? Où l'on crie son nom, où la lumière est aveuglante, où l'on scande des prix. C'est une vente aux enchères...