45. Le hangar

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Lydia rêvait. Elle rêvait qu'elle courait sur un nuage, avec une légèreté qu'elle n'avait jamais connue dans sa vie réelle. Le soleil lui souriait, le ciel bleu lui faisait des signes amicaux. Ses cheveux roux volaient derrière elle tandis qu'elle sautait de nuage en nuage, sans jamais manquer sa cible. Elle était heureuse, pleine de vie, ne ressentait ni la fatigue, ni la peur, elle n'était qu'amusement et bonheur. Des oiseaux volaient à ses côtés, elle tentait des les attraper, en vain, ils étaient beaucoup trop rapides et expérimentés.

Cessant enfin sa course folle, Lydia s'allongea sur un nuage, parlant au ciel et à ses yeux doux. Elle lui disait qu'elle ne voulait jamais partir d'ici, le soleil, épiant leur conversation, approuvait chaudement. Pourquoi partir d'un endroit aussi merveilleux ? La terre n'était qu'épreuve et malheur, d'ici, tout paraissait sans importance, il n'y avait plus, ni souffrance, ni danger. La liberté lui tendait les bras, ô comme Lydia voulait s'en saisir pour l'éternité. Elle parlait à ses amis ciel et soleil, parlait sans s'arrêter, elle ne pouvait se taire. Un venin en elle l'empoisonnait, gâchait son bonheur, il fallait qu'elle l'évacue. Elle avait tué, elle avait tué un homme, elle avait tué un homme de ses mains. Ça lui revenait à présent. L'expression de terreur peinte sur son visage, la sensation électrique que lui avait procuré d'éteindre la lumière dans son regard. Elle ne savait pas ce qui était le pire, se confiait-elle à ses célestes interlocuteurs, avoir suffisamment de force et d'expertise pour être capable de tuer un homme d'une main, l'action même de meurtre ou ne pas être rongée par les remords comme elle devrait sans doute l'être. Le ciel haussait les épaules, faisant tanguer le monde, le soleil plissait les yeux, éblouissant toute chose. "Penses-tu que tu es le mal ou que le mal est en toi ?", demandait le ciel d'une voix sage. Lydia ne savait que lui répondre, elle ne voyait pas de différence entre ces deux propositions. "Vas-tu fuir, ou vas-tu l'affronter ?" la questionnait le soleil. Fuir serait si simple, elle n'avait qu'à rester ici, pour toujours...

Pouvait-elle se fuir elle-même ? demandait-elle au soleil. Ses amis célestes ne répondaient pas. Elle connaissait la réponse. Le monde tanguait de plus belle, le ciel haussait-il encore les épaules ? Il s'éloignait. Le ciel s'éloignait d'elle. Le soleil reprenait sa place dans l'Univers. "Où allez-vous ? Ne me laissez pas...", suppliait Lydia.

Son nuage prenait une consistance solide, pourquoi devenait-il aussi froid ? Froid comme du métal. Des serpents en sortaient, s'enroulaient autour de Lydia. Elle se débattait, tentant d'hurler mais aucun son ne sortait de sa bouche. Elle ne pouvait plus bouger. Le ciel devenait gris, un éclair le traversait, puis il se teintait de noir. Toutes les lumières s'éteignaient. Tout le bonheur disparaissait. 


**


— Elle revient à elle, disait une voix inconnue.

Lydia n'était plus dans le ciel mais bien sur terre. Elle était allongée sur, lui semblait-il, une planche froide très inconfortable. Elle avait du mal à retrouver ses esprits, était-elle dans son cauchemar ? Elle sentait des liens la serrer au niveau des jambes et des bras. Était-ce les serpents ? 

Elle entendait des chuchotements. Tantôt en germanien, tantôt en une langue qu'elle ne connaissait pas. Une horloge faisait "tic tac", des bruits de pas résonnaient. Il y avait aussi d'autres sons, plus... électriques. Comme le bruit de plusieurs machines qui s'allumaient. 

Les narines de Lydia captaient une odeur de renfermé, comme une cave laissée longtemps inoccupée. Où était-elle ? Elle se souvenait avoir tué un homme et puis... ça lui revenait doucement. Une voiture. Il y avait une voiture. On lui avait planté quelque chose dans l'épaule. Une drogue certainement car elle ne parvenait pas à ressentir de peur, bien que son esprit épuisé lui chuchotait que la situation n'était pas normale.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant