9. Le manoir

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Le lendemain, Lydia se réveilla à l'aube. Elle se sentait beaucoup mieux et était prête à essayer de marcher. Elle avança son postérieur jusqu'au bord du confortable canapé, puis, appuyant ses pieds bandés sur le sol, elle se leva. Elle sentait une légère tension à chacun de ses pas mais rien à voir avec l'intense douleur de l'avant-veille. Le traitement que lui avait donné Mr. C était vraiment très efficace.

Elle décida de profiter de cette mobilité fraîchement retrouvée pour explorer le gigantesque manoir, dont elle ne connaissait pour l'instant que le salon et la chambre du dernier étage, d'où elle s'était échappée la dernière fois.

Elle s'aventurait d'un pas lent dans les immenses couloirs vides du rez-de-chaussée, à la peinture d'un blanc immaculé, fraîche et sans aucun défaut. Elle s'amusait à ouvrir les portes au hasard, la plupart des pièces étaient complètement vides, d'autres ne comportaient que quelques bibelots.

Une des portes débouchait sur une cuisine, pour le moins, impressionnante. Un lustre en cristal tombait du plafond orné de magnifiques moulures. Le sol était d'un marbre blanc, impeccable, comme s'il avait été lustré récemment. Un grand plan de travail en granit encadrait la pièce, avec de nombreux appareils électroménagers incrustés par dessous. Le granit, tout comme le marbre, étincelait de propreté.

Sur un des murs, un tableau de contrôle électronique trônait avec différentes commandes disponibles, dont un bouton dores et déjà pressé indiquant "auto-nettoyage un jour sur deux". En effet, Lydia pouvait remarquer de petites ouvertures au niveau du sol et du plan de travail qui dissimulaient de la robinetterie de haute performance. Elle connaissait ce système. Lorsque l'auto-nettoyage s'activait, des jets d'eau chaude sous haute pression s'échappaient de certaines ouvertures tandis qu'un produit lavant était propulsé par d'autres. Ensuite, les bouches d'aération se mettaient à souffler de l'air chaud et la pièce était sèche en moins de trente secondes. Ce système de nettoyage pouvait être utilisé pour toutes les pièces d'une maison car il s'adaptait aux tapis, au bois, au tissu et à n'importe quelle autre matière.

Lydia reportait toute son attention sur le tableau de contrôle. Elle cliqua sur le bouton "menu" et parcouru des yeux la longue liste qui défilait sous ses doigts. Elle était affamée. Voyant passer un plat intitulé "soupe ultra énergisante" dans la liste, elle se dit que c'était probablement celui que Mr. C lui avait préparé.

Elle opta pour un poulet rôti, appuyant sur le bouton associé, ravie de ne pas avoir à sortir chasser dehors dans son état. Les appareils électroménagers s'allumèrent et la préparation commença. Les aliments étaient stockés dans un cryogéniseur et pouvaient y être conservés pendant des siècles. Selon sa taille, cette machine pouvait valoir des millions. La première étape de la préparation robotique de repas consistait à récupérer les différents ingrédients dans le cryogéniseur. Puis, ils passaient dans le four à supra-pression où ils étaient décryogénisés et récupéraient une consistance normale. Ensuite, ils étaient acheminés dans un four à supra-cuisson où ils étaient cuits en moins d'une minute. Enfin, les ingrédients cuits étaient envoyés dans l'assembleur, où ils étaient préparés puis disposés sur une assiette. La dernière machine était le distributeur. Lydia se plaça devant et lorsqu'une lumière s'alluma, la porte coulissante s'ouvrit automatiquement, lui permettant d'y récupérer l'assiette contenant son poulet rôti fumant.

L'odeur épicée qui s'en dégageait lui donnait l'eau à la bouche. Elle n'avait mangé ces derniers jours quasiment que des rats et des écureuils cuits à la va-vite sans aucun assaisonnement. Ce poulet était pour elle un trésor d'une valeur inestimable. Elle s'installa douillettement sur l'une des chaises de la grande table qui était également connectée à la cuisine intelligente.

Elle dévorait son poulet, qui était absolument délicieux, en savourait chaque bouchée, rongeait chaque os avec gourmandise. Elle ne laissa aucun morceau de chair. Enfin repue, une agréable sensation de douce somnolence l'envahissait. Pour la première fois depuis des jours, elle se sentait bien.

Un tableau de contrôle tactile était présent à la surface de la table. Lydia actionna le bouton "vaisselle sale" et un carré de la table se souleva avec un petit plateau. Elle y déposa son assiette qui fut immédiatement envoyée dans les systèmes d'élimination de déchets puis de nettoyage et séchage. Elle rejoindrait alors le stock de vaisselle propre tandis que les os de poulet seraient envoyés dans l'incinérateur.

Les coudes sur la table, Lydia faisait défiler la liste des commandes de la table. Elle cliqua sur le bouton "boissons" et découvrit un large choix de boissons sucrées, chaudes, froides, pétillantes ou plates. Elle cliqua sur "smoothie à la framboise" et un cliquetis de rouages se fit aussitôt entendre. Rapidement, une petite surface ronde de la table se leva. Un grand verre rempli d'un liquide rose s'y trouvait. Lydia le récupéra, le buvant par petite gorgée. C'était frais et succulent. Lorsqu'aucune goutte ne restait, elle déposa le verre dans l'emplacement de vaisselle sale puis quitta la table.

Elle souhaitait poursuivre son exploration du manoir. Le rez-de-chaussée n'avait plus rien à offrir, alors, elle se dirigea vers l'imposant escalier de marbre qui menait vers les étages supérieurs. Une fois arrivée au premier étage, elle recommençait à ouvrir les portes une à une. Là encore, les pièces étaient principalement vides, contenant essentiellement des lits et des armoires. L'une des portes s'ouvrit cependant sur une salle de bain somptueuse. Se reniflant, Lydia grimaçait. Elle était visiblement tombée sur la bonne pièce.

Elle ferma la porte derrière elle et aussitôt, une lumière rougeoyante des plus agréables illumina automatiquement la pièce. Lydia observait les lieux avec une lueur d'excitation dans le regard. Il y avait une énorme baignoire rectangulaire creusée dans le marbre, assez grande pour y nager une longueur. Pour l'instant, elle était vide. Tout comme la cuisine, cette salle de bain était équipée de plusieurs panneaux de contrôle. La jeune femme s'approcha de celui de la baignoire, cliquant sur les boutons indiquant un remplissage à trente-deux degrés précisément, avec un bain moussant parfum pêche. Aussitôt, de puissants jets d'eau sortirent de la robinetterie pour remplir peu à peu la baignoire démesurée.

En attendant que son bain soit prêt, Lydia observait le reste de la pièce. La décoration était splendide, avec des statues en bronze et des faux palmiers. Un des murs était entièrement recouvert par un écran qui faisait défiler des images de paysages relaxants.

Lydia prit soin d'enlever son turban avant de se déshabiller, veillant à dérouler les bandages de ses pieds et à détacher soigneusement son bracelet qu'elle déposa sur un comptoir en ivoire.

En jouant avec le panneau de contrôle des machines, elle trouva une fonction "machine à laver et sèche-linge", jetant sa tenue odorante dans l'emplacement approprié qui apparut.

La tâche effectuée, elle s'observait dans un grand miroir au cadre en or. Elle était maigre, ses côtes étaient visibles. Presque chaque centimètre carré de sa peau était recouvert d'un bleu ou d'une cicatrice. La plus imposante se situait dans son dos, s'étalant de son épaule droite jusqu'à sa hanche gauche. Ses cheveux roux tombaient mollement jusqu'à son nombril et avaient grand besoin d'un nettoyage. Des cernes violettes s'étalaient sur son visage pâle et fin mais ses yeux verts en amande, semblables à ceux d'un félin, étaient, quant à eux, vifs et lumineux.

Le son de l'eau qui s'écoulait dans la baignoire s'arrêta brusquement. Son bain était prêt. Une mousse au parfum très délicat de pêche en recouvrait la surface. Cédant à une tentation enfantine, Lydia se jeta dedans tête la première. La chaleur de l'eau faisait un bien considérable à son corps engourdi. Elle nageait, plongeait, jouait avec la mousse. C'était si agréable qu'elle ne sentait pas le temps passer. Elle se lava les cheveux soigneusement avec l'un des nombreux shampoings disponibles. Puis, faisant la planche, elle se laissait porter sur l'eau, entièrement détendue sous la lumière tamisée.

Elle regardait paisiblement l'écran sur le mur en face d'elle. L'image de la plage qui y était diffusée laissait place à celle d'une forêt, puis à des nuages. Les nuages s'effacèrent et cédèrent leur place à un paysage urbain. Lydia sentit un bond dans sa poitrine, manquant de couler. Elle nagea précipitamment jusqu'au bord de la baignoire pour se rapprocher de l'écran qu'elle scrutait avec de grands yeux ébahis. 

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant