15. Chambre treize

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Lydia arriva près des vigiles qui aboyèrent aussitôt, tels de bons chiens de garde.

— Carte Citoyen !

La jeune femme la leur présenta, les laissant analyser ses empreintes digitales. Comme la dernière fois, tout était en ordre, ils s'écartèrent pour la laisser entrer dans le club.

Il y avait un peu plus de fréquentation que lors de sa première venue, toutes les tables étaient occupées et les fauteuils face à la scène étaient quasiment tous pris. Un brouhaha de discussions, rires et disputes animait les lieux, couvert par le son du musicien jouant du piano supra-tonique sur la scène. C'était un instrument vertical, avec des touches rondes qui s'alignaient sur plusieurs étages, proférant un son mouillé et diffus, comme s'il était écouté sous l'océan.

Sur scène, près du musicien, une sirène, de dos, dansait lentement au rythme de la musique. Lorsqu'elle se retourna, Lydia constatait avec horreur qu'elle ne devait pas avoir plus de quatorze ans. Un collier électronique emprisonnait son cou. Ses yeux étaient rouges. Elle pleurait probablement. Un client, posé sur le fauteuil le plus proche de la scène, lui balança au visage le contenu de son verre.

— Bouge mieux que ça !

La gamine, terrorisée et tremblante, s'exécutait maladroitement dans son déguisement inconfortable.

Lydia sentait la rage l'envahir. Une rage brûlante, dévastatrice. Elle fit un pas en direction de cet homme, se forçant à s'arrêter, se souvenant brusquement de sa mission. Des vigiles guettaient tous les coins du club. Si elle cédait à son impulsion d'aller coller une droite à cet homme infect, s'en était fini de leur chance de réussir. Aujourd'hui, elle devait sauver Fabela. Même si l'idée de laisser tous ces autres pauvres enfants dans cet enfer était insupportable pour elle. Rouge de frustration, elle quitta la scène des yeux pour se diriger vers le grand bar principal.

Le stress recommençait à l'envahir. L'immense comptoir et les nombreux clients agglutinés devant l'empêchaient de voir ce qui s'y passait. Jouant des coudes, elle se fraya une place et fit signe au barman. Celui-ci la remarqua aussitôt, s'avançant vers elle.

Une casquette enfoncée sur son crâne jusqu'à dissimuler la moitié de son visage, il portait la même tenue et oreillette que Dray, cependant, le badge épinglé sur sa veste indiquait "stagiaire". Lydia soupira de soulagement. C'était Hug. Ce qui signifiait que Zay et lui avaient réussi à endormir Dray et à voler ses affaires. La jeune femme jetait des regards discrets aux alentours. Les vigiles ne semblaient pas du tout faire attention au faux barman. Il ne fallait toutefois pas traîner longtemps. C'était trop dangereux.

— Qu'est-ce que je peux faire pour vous mademoiselle ? demanda Hug d'un ton très professionnel.

Ils ne pouvaient pas parler librement. Trop de clients écoutaient et les vigiles n'étaient pas loin.

— J'aimerais passer un moment en tête à tête avec Fabela, répondit Lydia.

Hug hocha la tête en un signe d'approbation.

— Je vais vous réserver la chambre treize. Au premier étage.

Il glapit dans son oreillette, à la façon désagréable et tellement convaincante de Dray.

— Fabela arrive, indiqua Hug. Cela vous fera trente billets pour une heure.

Lydia lui donna volontairement plus de billets que demandé. Hug ouvrit le tiroir-caisse à l'aide d'un badge, y prenant quelques billets avant de les fourrer dans la main tendue de Lydia qui sentit une carte se glisser parmi eux.

Fourrant le tout dans sa poche, la jeune femme patientait tandis que le faux barman se détournait d'elle pour servir d'autres clients, se débrouillant comme un chef. Il avait travaillé son rôle pendant des jours et des jours... Lydia ne pouvait qu'admirer le calme dont il faisait preuve alors que l'enjeu était tellement important pour lui.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant