44. Avalon

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Lydia marchait. Le vent de janvier était rude, il sifflait à ses oreilles, fouettait son visage rougi, craquelait ses lèvres. Bien qu'il ne neigeait pas, la météo restait peu clémente. Lydia sillonnait les rues, vêtue de sa combinaison thermique bleue marine. Ses mains n'étaient pas couvertes, quelques engelures commençaient à s'y faire sentir. Depuis combien de temps marchait-elle ? Elle l'ignorait. Elle était partie tôt ce matin, bien avant le départ des collégiens et lycéens. Depuis sa dernière conversation avec Hug, Zay et Hagar quelques jours plus tôt, Lydia s'était davantage isolée. La maison était pleine mais elle ne ressentait qu'une profonde solitude. Elle avait peur d'elle même, son état ne s'améliorait pas. La chose en elle ne voulait pas se rendormir. Elle ne savait pas comment la dominer. Il fallait qu'elle parte au plus vite, qu'elle quitte définitivement ceux qu'elle avait presque considérés comme sa famille. Elle leur laisserait la maison et tout son reste d'argent. Mais il fallait qu'elle parte. Avant qu'elle ne perde totalement le contrôle et ne fasse la plus grosse bêtise de sa vie. Qu'elle avait terriblement eu envie de faire à Zay. 

Elle se l'avouait enfin. 

Les buildings se succédaient, le bruit de la ville était assourdissant. Ça klaxonnait, ça volait au ras des nuages, ça discutait, ça riait. Lydia traversait ce monde sans y appartenir. Elle était une imposture. Elle respirait le mal. Pourquoi Mr. C ne l'avait-il pas tuée ? Il le savait, elle en était sûre. Il savait qu'elle avait une part... démoniaque.

Les nuages dansaient au-dessus de sa tête, des gens pressés traversaient la rue avec un gobelet de café dans les mains. Un pigeon volait jusqu'en haut d'un building. Un drone descendait du ciel avec une lenteur irréelle. Sur le trottoir d'en face, une mère grondait sa petite fille. Ces scènes banales lui apparaissaient avec une intensité nouvelle, elle voulait se plonger dans ce monde, oublier ses pensées... mauvaises. 

Elle n'était partie ce matin qu'avec son à dos, celui que Mr. C lui avait donné, un jour. Comme ce jour lui paraissait lointain. Elle n'avait emporté que sa carte Améthyste, sa tablette, quelques billets et de quoi grignoter. Elle n'allait pas rentrer à la maison. Elle ne rentrerait plus. Ce jour signait le début de la fin de Lydia Klein. Elle ne pouvait plus mettre les gens qu'elle appréciait en danger. Et le danger, c'était elle. Elle en avait à présent la certitude.

Elle marchait. Marchait sans but. Son regard vide traînait devant elle.

Plus loin sur le trottoir, quelques enfants avec un collier autour du cou ramassaient les poubelles. Un homme aboyait derrière eux. Les deux enfants étaient des garçons, ils devaient avoir dans les huit ans. L'un, à l'instar de Ty, avait les yeux bridés et les cheveux d'un noir de jais, probablement un Immigré des terres extrêmes orientales. Son compagnon de misère était blond, il avait des traits communs avec les britanniens que connaissait Lydia. Tous deux étaient maigres, leurs habits déchirés laissaient apercevoir des morceaux de peau flétrie, rougeoyante, couverte de bleus. Leurs lèvres étaient violacées. S'ils ne mourraient pas de faim, ils mourraient probablement d'hypothermie. 

L'homme derrière eux leur criait des insultes. L'un des enfants avait, par mégarde, fait tomber une canette de soda et le reste de liquide qu'elle contenait s'était renversé sur les chaussures cirées de l'homme. "Bon à rien !", hurlait-il avant de lui administrer une puissante gifle. L'enfant blond tomba à terre sous la puissance du coup. Ses mains saignaient. Il tremblait. Son copain essayait de le relevait en pleurant mais l'homme l'attrapa également. Il le souleva par le col de son pull mangé aux mites. "Tu l'aides !? Ça veut dire que tu contestes mes actes !? Comment une vermine comme toi peut-elle me manquer de respect !?", hurlait l'homme.

Cette fois, tu en as vraiment la volonté, disait la chose. Lydia tiquait. Elle en mourrait d'envie. Non. Ce n'était pas la bonne chose à faire.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant