36. L'Ange de la mort

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Lydia fit défiler sous ses doigts les différents résultats dont les photos ne correspondaient pas à l'image qu'elle avait de Smaïr. Ses recherches commençaient à s'éterniser, elle fouillait site après site, parcourait article après article. Le vent tapait tellement fort contre les carreaux que la jeune femme s'inquiétait légèrement qu'ils ne se brisent.

Son ventre gargouillait presque sans interruption. Elle allait abandonner pour descendre manger lorsqu'elle le vit enfin, avec ses cheveux blonds désordonnés. Sur un article de journal. Son visage balafré en grand format semblait la regarder avec un sourire méprisant. Lydia se redressa brusquement sur sa chaise, manquant de tomber. Elle parcouru avidement le site des yeux.

"Smaïr Sarkev démissionne de la grande banque centrale de Pyrénie. Gork Wilson est nommé président à sa place."

C'était tout. Il n'y avait aucune autre information. Lydia soupira de déception. Au moins, elle savait qu'il était vraiment banquier. Ou du moins, l'avait-il été. Cet article avait été rédigé environ huit mois auparavant. La jeune rousse posa ses coudes sur le bureau appuya son menton sur ses mains jointes, pensive. La vente aux enchères s'était déroulée il y avait presque deux mois. Avant cela, elle avait été dans le coma pendants six mois. Donc, huit mois plus tôt, cela correspondait à son envoi à Moscowia par Smaïr, dans ce jet privé. Il avait du toucher un gros pactole pour ça et avait décidé de démissionner. Quel enfoiré.

Soufflant pour se calmer, Lydia ferma la page pour ne plus voir son détestable cousin qui lui donnait envie de se téléporter au moment où cette photo de journal avait été prise pour lui enlever ce sourire de sa face de rat.

Lorsque l'émotion redescendit, Lydia tapa "Lydia Sarkev" dans la barre de recherche. Après tout, s'ils étaient cousins, peut-être avaient-ils le même nom de famille. La recherche ne donna aucun résultat. Fortement agacée, la jeune rousse éteignit sa tablette d'un mouvement brusque.

Tout ça ne servait à rien, elle ne connaîtrait jamais la vérité et dans un mois, elle finirait avec la balle de Mr. C entre les yeux. L'échéance approchait à grand pas et tout ce que Lydia avait réussi à faire, c'était de s'emmêler encore davantage les pinceaux.

Elle ralluma sa tablette et effectua une recherche sur Mr. C. Elle trouva des milliers de résultats, en plein de langues différentes. L'image de Mr. C était connue. Même extrêmement connue. Mondialement. Sur chaque site, l'homme brun aux yeux noirs impitoyables trônait comme un oiseau de mauvaise augure. Sur certaines représentation, les auteurs lui avaient même mis des ailes sombres. Une de ses qualifications qui revenait souvent était "l'ange de la mort". Un journaliste avait même écrit "si vous le croisez un jour, courez, cachez-vous et priez pour qu'il ne soit pas venu pour vous".

Il n'y avait aucun renseignement sur ses origines, ses ambitions, ses projets, son nom, son âge ou n'importe quoi d'autre, mis à part qu'il faisait des acquisitions immobilières. L'ange de la mort... Lydia trouvait que ces journalistes exagéraient. Certes, il allait tuer Lydia le mois prochain mais... La jeune femme ne pouvait s'empêcher de... ne pas le trouver dangereux. Elle n'avait pas peur de lui. La manière dont il avait bandé ses pieds blessés, celle de rester à son chevet pour la nourrir et lui donner un traitement... tout cela faisait penser Lydia qu'il n'était pas mauvais. Il devait avoir un but. Un but pour lequel il était prêt à tous les sacrifices. La jeune rousse était certaine d'y avoir pris part par le passé, et c'était certainement pour cela qu'il tenait absolument à ce qu'elle se souvienne de tout.

Malheureusement, c'était mal parti. Un peu déprimée, Lydia quitta son bureau pour descendre enfin déjeuner.


**


— C'est maintenant que tu te réveilles fripouille ? lui lança Hug qui était attablé sur la grande table de la cuisine.

Il était seul et à moitié affalé devant un café. Ses yeux étaient encore plus injectés de sang qu'en temps normal et de grosses poches de fatigue creusaient ses cernes. Son teint était encore plus pâle que celui de Lydia.

Cette dernière se prépara un repas, constitué d'un bon morceau de bifteck et d'une montagne de poulet frit. Elle s'installa à côté de son ami et commença à manger goulument sous son regard médusé.

— Les légumes, tu connais poil de carotte !?

Lydia haussa les épaules.

— J'ai faim, répondit-elle simplement. Quand j'ai faim, je rêve de viande et de friture. Les légumes c'est pour quand je n'ai pas faim. Pas toi ?

Hug soupira.

— Si, mais j'essaye de faire un effort. Pour ma santé. 

— T'as quel âge ? Je croyais que c'était les vieux qui faisaient attention comme ça.

Hug afficha un air outré et leva son majeur en direction de Lydia qui faillit s'étouffer avec un morceau de poulet frit en s'empêchant de rire.

— La ferme ! J'ai trente-deux ans. Et moi au moins, je ne vais pas crever d'artères bouchées comme toi.

— Trente-deux !? T'es devenu papa super jeune alors ?

— Oui... à seize ans. La plus merveilleuse chose de ma vie.

Il s'adoucit. C'était le secret pour amadouer Hug, lui parler de sa fille. Il se mit à siroter son café, les traits détendus. Lydia engloutit morceau de poulet après morceau, avant de s'attaquer à son bifteck délicieusement juteux. Elle commençait déjà à se sentir mieux. Rien de tel qu'un bon repas pour se remettre les idées en place.

— Je n'arrive pas à croire qu'elle va aller au lycée, dit Hug avec des étoiles dans les yeux.

Lydia sourit. Penser à tous ces jeunes qui vont enfin avoir une vie normale lui mettait toujours du baume au cœur. 

— D'ailleurs, tu en es où avec les cartes Citoyens ?

— J'ai bien avancé la nuit dernière, je suis crevé mais j'ai envie de partir rapidement. Ce manoir est à Mr. C et... ça me fait un peu froid dans le dos, même si visiblement... vous êtes amis...

Il regardait Lydia avec un air qui indiquait clairement qu'il attendait qu'elle lui confirme ce fait. 

— Honnêtement, je n'en sais pas plus que toi Hug...

Il semblait un peu déçu, sa curiosité ne serait pas assouvie.

— Peu importe, grommela-t-il, ça ne changera rien au fait que je ferais tout pour t'aider. Et ne prends pas la grosse tête hein ! Bref, j'aurais fini les cartes d'ici quelques jours. Et... merci. Pour tout.

Il détourna le regard, gêné. Lydia ne répondit rien, souriant simplement. Heureuse de ces mots.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant