32. Mr. Drev

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Une bouffée de chaleur des plus agréables les envahissait tandis qu'elles pénétraient dans l'immeuble de haut standing. De chaleureux tapis verts ornaient le sol en carrelage rouge, lustré avec soin, tellement brillant que Lydia pouvait voir dessus son reflet fatigué.

Plusieurs hommes et femmes en costume rouge et cravate verte, passaient d'un air pressé dans le hall en parlant dans leur oreillette, sans faire attention le moins du monde aux deux jeunes femmes.

Lydia et Zay se présentèrent à l'accueil, où deux hommes arborant le même costume pianotaient sur un clavier transparent, faisant défiler des hologrammes de demeures à vendre devant leurs yeux concentrés.

— C'est pour quoââ ? coassa l'un des secrétaires sans même lever le regard vers elles.

Son drôle d'accent chantant fit sourire Lydia.

— Nous avons rendez-vous avec Mr. Drev, répondit Zay.

— Tray bien, vos cartes de Citoyennes s'il vous play !

Zay les Lydia lui donnèrent les cartes qu'il scanna aussitôt.

— Tray bien miss Marx, miss Klein, veuillay patientay, je l'informe deu votre venue !

Il parla une dizaine de secondes dans son oreillette, semblant recevoir une réponse car il hochait la tête dans le vide.

— Tray bien mesdemoiselles, mister Drev vous attend dans son bureau, dix-huitième étage, porte cent-quatre-vingt-neuf. Bonne jounay !

Les deux amies empruntèrent l'un des nombreux ascenseurs pour s'y rendre. La cabine était également rouge et verte et possédait un distributeur de boissons intégré à la paroi. D'après l'étiquette, les grains de café étaient certifiés en provenance du pays d'East Afra, l'une des rares contrées du globe à être toujours prospère et politiquement stable, avec ses voisins Middle Afra et South Afra ainsi que quelques autres pays dispatchés un peu partout dans le monde. Lorsque Lydia aurait le temps, elle comptait étudier la géographie et la géopolitique avec plus d'attention. Elle avait déjà légèrement commencé et trouvait cela passionnant.

Une fois au dix-huitième étage, annoncé par une voix robotique qui termina son annonce par l'habituel "Germania vor !", Lydia et Zay traversèrent le couloir jusqu'à la porte cent-quatre-vingt-neuf. Zay toqua.

Une machinerie s'enclencha d'elle même et un petit boîtier robotique sortit de la structure métallique de la porte pour se déplier devant les deux jeunes femmes. Un faisceau vert en sortit, scannant Zay et Lydia de la tête aux pieds. Deux autres boitiers se déplièrent de la même manière, invitant, avec une voix désincarnée, les deux amies à poser leur main dessus. Les robots scannèrent leurs empreintes digitales et un voyant vert s'alluma. "Bienvenue miss Marx et miss Klein pour votre rendez-vous de neuf heures avec mister Drev", annonça la voix robotique avant que la porte ne s'ouvre dans un cliquetis de rouages.

L'intérieur du bureau avait le code couleur du reste de l'immeuble et le même tapis vert en décorait le sol. C'était une pièce spacieuse, sans être démesurée, sobrement décorée par quelques tableaux sur les murs et agrémentée d'une touche de verdure avec des plantes aux longues feuilles tombantes. Un gros coffre fort était incrusté dans la paroi murale, en l'observant, Lydia notait dans un coin de sa tête qu'il fallait qu'elle en achète un également. Les deux amies se dirigèrent vers le comptoir en chêne, jonché d'écrans holographiques et de plusieurs panneaux de commandes. Un homme d'une trentaine d'années était assis derrière, tapotant ses machines avant de les inviter à s'installer.

— Je vous en prie mesdemoiselles Marx et Klein, faites comme chez vous.

Il n'avait pas le même accent que le secrétaire à l'accueil et semblait être un redoutable commercial, à en juger son sourire étincelant. Il avait des cheveux roux, lisses et brillants, noués en queue de cheval courte. Aucun poil de barbe n'occupait son visage, ce qui lui donnait un air juvénile. Les jeunes femmes s'installèrent face à lui, de l'autre côté du comptoir, tandis qu'il se plongeait dans ses écrans d'un air concentré.

— Alors, voyons... d'après le dossier que nous avons complété ensemble hier avec mademoiselle Marx... C'était pour la maison familiale à Avalon...

Il projeta l'hologramme de la maison, la même que celui de Zay la veille.

— Vous confirmez qu'il s'agit bien de cette maison ? demanda Mr. Drev.

— Oui, répondit Zay.

— Très bien parfait, nous allons procéder à la transaction. Elle est affichée au prix de cinq-cent-mille billets.

Le comptage des billets prenait du temps, heureusement que Lydia les avait arrangés en liasse de dix-mille, ce qui leur facilitait grandement la tâche. Tous les billets devaient ensuite être authentifiés par un appareil anti-fraude et cette étape était plutôt longue, surtout pour une pareille somme. Pour patienter, le commercial leur proposa du café, que Lydia accepta volontiers. Zay déclina l'offre.

— Zad, apporte-moi deux cafés, dit Mr. Drev en parlant dans son oreillette.

Quelques instants plus tard, un homme d'une vingtaine d'années entra dans le bureau avec un plateau comportant deux tasses fumantes. Il en déposa une devant Mr. Drev et l'interrogea du regard pour savoir à qui était destinée la deuxième tasse. L'agent immobilier désigna Lydia du menton en regardant Zad d'un air exaspéré, comme s'il aurait du le deviner. La jeune rousse constata avec horreur qu'il avait un collier électronique autour du cou. C'était un Immigré. Elle serrait les dents sans faire de commentaire, observant le dénommé Zad déposer sa tasse devant elle avant de quitter la pièce discrètement. Zay ne semblait pas l'avoir remarqué et Mr. Drev s'en fichait royalement, tripotant sa machine afin de voir le temps restant pour l'authentification des billets.

— Encore quelques minutes, dit-il avec son sourire lumineux.

Ils sirotèrent leur café en silence jusqu'à ce qu'un petit bruit en provenance de la machine ne leur signale que la procédure était terminée. Mr. Drev pianota un instant sur son clavier.

— Très bien, tout est en ordre. Mademoiselle Klein, je vous annonce que vous êtes officiellement propriétaire de la maison d'Avalon ! Il ne vous reste plus que quelques documents à signer et je pourrais vous remettre les clefs de cette merveilleuse demeure.

Lydia, heureuse d'avoir acquis un bien immobilier, signa tout ce qu'il y avait à signer, posa son empreinte digitale partout où il était requis de le faire. Satisfait, Mr. Drev remit les clefs à Lydia en l'informant de ne surtout pas hésiter à faire de nouveau appel à ses services.

— Au fait, dit-il, une dernière chose mademoiselle Klein. J'ai lu dans votre dossier de Citoyenne qu'il s'agit là de votre premier bien immobilier. Avec une telle possession, vous montez automatiquement en niveau de Citoyenneté. Vous êtes à présent Citoyenne Améthyste, félicitations. J'ai validé votre dossier dans le registre germanien, vous recevrez votre nouvelle carte Améthyste chez vous, à Avalon, dans les plus brefs délais.

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