Lydia et Hug avait l'air dépité. Ils savaient très bien ce que ça signifiait pour Zay. Elle ne retrouverait jamais sa petite sœur. Lydia se leva pour aller placer un bras réconfortant autour des épaules de celle qui avait contribué à lui offrir une nouvelle vie. Quelques instants de silence englobaient les trois amis, pendant lesquels la cuisine spacieuse semblait oppressante.
Décidant d'y mettre fin, Lydia s'écarta de Zay, posant son poing serré sur la table.
— Oui c'est Lutèce et alors !? s'écria-t-elle. Pourquoi ces gens auraient-ils tous les droits ? On ne va pas se laisser abattre ! On va trouver un moyen, il y a toujours un moyen !
L'ombre d'un pâle sourire animait le visage éteint de Zay.
— Merci Lydia... Mais sois réaliste. C'est impossible. L'Esperanza c'était une chose... d'ailleurs on a même bien failli y laisser notre peau. Là, on parle de Lutèce. La plus puissante ville de tous les temps, tu te souviens ? Le dôme bouclier qui la recouvre résiste à toutes les bombes et même aux explosions nucléaires ! L'extérieur est gardé par l'armée sur un rayon d'au moins dix kilomètres. On ne peut entrer ni de front, ni par les airs, on se ferait immédiatement abattre !
— Sauf si nous nous fabriquons une carte Diamant...
— Z'est impozible, déza que la carte Ivoi'e est du'e à 'ep'odui'e, affirma Hug avec un visage sombre.
— Et même si nous avions une carte Diamant, elle ne suffit pas pour entrer dans Lutèce, enchérit Zay. Tu te souviens Lydia, je t'avais déjà expliqué qu'il fallait s'inscrire sur un registre spécial. Ça prend des mois, pendant lesquels ils fouillent ton passé comme des putains d'archéologues ! Rien ne leur échappe ! Et une fois qu'on est inscrit, ils rajoutent un "L" sur la carte Diamant qui est en fait une puce spéciale. Ils t'implantent ensuite la même puce dans le corps pour t'identifier avec certitude et mettre immédiatement fin à ta vie tu ne respectes pas leurs règles. Donc tu vois Lydia, c'est vraiment impossible de rentrer comme ça.
L'intéressée restait silencieuse. Effectivement, ça semblait peine perdue. Cependant, elle ne voulait pas perdre espoir et quelque chose, tout au fond d'elle-même, désirait voir Lutèce. La capitale l'attirait. Probablement vers une mort certaine.
— Zay, pourquoi tu veux déménager à Avalon ?
— Eh bien... répondit-elle en passant sa main dans sa chevelure brune. C'est une ville au sud de Lutèce... Je sais que c'est débile, mais je voulais me rapprocher d'elle, de Tanya... Et puis je ne sais pas, peut-être que son gros porc d'acheteur la fera sortir de Lutèce à un moment ou un autre... Peut-être qu'il y aura une occasion de la récupérer...
Ses yeux se voilèrent. Une immense tristesse les emplissait. Un éclair traversa soudainement l'esprit de Lydia.
— Attendez une seconde ! dit-elle précipitamment. Les esclaves n'ont pas besoin de carte Diamant pour entrer dans Lutèce ?
— Non, mais ils leur implantent la même puce que leur propriétaire pour les identifier. S'ils s'éloignent trop de leur maître, ils sont immédiatement tués. S'ils disent quelque chose de compromettant, ils sont également tués. Parce que oui, via la puce, ils espionnent aussi les conversations. Donc même si on parvient à récupérer Tanya, il faudra trouver un moyen d'enlever cette foutue puce, mais je ne sais même pas si c'est possible...
— Tous ces dispositifs sont pour protéger la famille Impériale !? s'indigna Lydia. Ils sont légèrement paranos non ?
Hug et Zay approuvaient sombrement.
— Qu'y a-t-il donc de si intéressant à Lutèce pour que ces Citoyens Diamant acceptent d'être fliqués à chaque seconde de leur vie pour pouvoir y entrer ?
— Ah ça on ne sait pas... répondit Zay. Ils font peut-être ça pour le prestige, pour se sentir privilégiés ?
C'était hallucinant. Lydia se resservit un autre café, comme si la caféine allait l'aider à comprendre ce qui se passait dans la tête de ces gens. Il fallait être complètement fou pour vouloir vivre à Lutèce.
— Et comment ça se passe pour ceux qui ont une carte... Opale ? demanda-t-elle.
— Personne ne peut le savoir... Je t'avais dit que seuls les possesseurs de la carte Opale connaissent les règles de la carte Opale.
D'après les rumeurs, Mr. C en aurait une... Mais pour lui poser la question, combien même il accepterait d'y répondre, il fallait d'abord le trouver. Et on ne pouvait pas trouver Mr. C, c'était lui qui nous trouvait. Un des rêves de Lydia lui revenait progressivement en tête. Celui avec la voix glaciale...
— Vous savez s'il est possible de... voler une carte Opale ?
— Je ne sais pas, mais ça semblerait hallucinant non ? répondit Zay avec un air surpris.
— Sans doute...
Effectivement, cette idée semblait bête et tout bonnement impossible. Lydia devait apprendre à distinguer les simples rêves des réels souvenirs.
— Quoi qu'il en soit, dit elle, je suis partante pour déménager à Avalon. On sera enfin loin de Gregville et puis, on ne sait jamais, peut-être qu'on trouvera un moyen de sauver Tanya. Que serait la vie si on ne prenait jamais de risques ?
Les yeux de Zay pétillèrent. Gardant le silence, elle tourna la tête vers Hug, attendant son avis. Celui-ci soupira.
— Il pa'aît qu'il y a de bons collèzes et lyzées à Avalon...
Zay lui sauta dans les bras en poussant un cri de joie. Il rougit, grommelant dans sa barbe des propos incompréhensibles. Lydia les regardait avec un sourire aux lèvres. Ils avaient beaucoup de choses à préparer avant leur départ, cependant, elle avait hâte. Elle pourrait peut-être enfin voir de ses propres yeux la ville la plus célèbre du monde. Qui l'attirait irrévocablement. Comme si Lydia était un bateau perdu dans un océan sombre et que Lutèce, tel un phare lumineux, l'appelait et lui montrait un chemin plein de promesses. Ou de dangers empoisonnés...

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LUTÈCE
Science FictionA son réveil, tout est flou, tout est vide. Le monde tremble. Quel est son nom déjà... Ly...Lydia. Quelle est cette scène où elle se trouve ? Où l'on crie son nom, où la lumière est aveuglante, où l'on scande des prix. C'est une vente aux enchères...