Les heures de marche hasardeuses dans Gregville s'enchainaient pour Lydia dont les pieds commençaient à souffrir dans les étroites baskets que lui avait données Zay. Les quartiers se succédaient, tantôt populaires, avec des rues pavées n'en finissant pas, jonchées de marchands agressifs tentant de refourguer avec force leurs babioles odorantes, tantôt luxueuses, où les trottoirs brillaient tellement qu'on pouvait manger dessus, avec des immeubles aux façades lustrées minutieusement, qui avaient, pour certains, des formes architecturales osées, en spirale ou même complètement sphérique.
Les quartiers d'affaires possédaient une ambiance particulière, à mille lieues de la zone où vivait Zay. Ici, les buildings, qui semblaient toucher le ciel, étaient lumineux, imposants et portaient tous les armoiries de Germania, un G entouré d'arabesques et de deux serpents.
Les rues étaient d'une propreté irréprochable, cependant, Lydia remarquait, non sans un pincement au cœur, des enfants avec un collier électronique autour du cou ramasser les déchets avec attention. C'étaient probablement des Immigrés contraints de travailler pour l'Empire, comme lui avait expliqué Zay.
Lydia sentait une vague de colère l'envahir à la vue de leur maigreur et de leur visage lourd d'une détresse silencieuse. Elle ne pouvait rien y faire. Pour l'instant.
Une femme lui avait indiqué, quelques instants plus tôt, l'emplacement du club l'Esperanza. Il n'était plus très loin. En effet, Lydia pouvait apercevoir au loin, entre des gratte-ciel extravagants, son enseigne lumineuse se dessiner. La façade était bling bling, attirante. Deux vigiles en noir gardaient l'entrée.
— Ta carte Citoyen ! aboya l'un d'eux en posant ses yeux de chien enragé sur la jeune rousse qui les rejoignait.
Très calme, Lydia sortait sa nouvelle carte de sa poche pour la présenter au vigile. Celui-ci la scanna, puis releva ses empreintes. Il toisait ensuite Lydia de la tête aux pieds d'un air dégoûté, probablement par sa tenue qu'elle n'avait pas lavée depuis des jours, s'écartant tout de même pour la laisser entrer dans le club. Hug avait fait de l'excellent travail.
Bien qu'il fasse encore jour, le club comptait déjà beaucoup de clients. Ils s'affairaient devant le bar, accoudés au comptoir, sur les tables de l'immense salle ou encore sur les canapés devant la grande scène qui mangeait une bonne partie de l'espace. Le club était chic, avec ses tapis de velours recouvrant le sol et ses lustres lumineux ornant le plafond. Une musique mondaine s'échappait des haut-parleurs technologiques d'une grande performance, donnant l'impression d'une immersion totale au cœur même du son entraînant. Sur la scène, un spectacle effroyable se dessinait, contrastant sauvagement avec l'aspect plutôt douillet du club. Deux pauvres jeunes filles et un malheureux jeune garçon se trémoussaient maladroitement, le regard vide empli d'une détresse sans nom. Les clients, qui les regardaient depuis les fauteuils, les sifflaient grossièrement.
Lydia reconnut immédiatement cet endroit infâme. C'était là que s'était déroulé la vente aux enchères. Resserrant son turban noir sur ses cheveux, elle déglutit péniblement. Elle n'avait pas envie de s'attarder, craignant que ses pulsions sauvages ne lui fasse tout casser. Il fallait qu'elle trouve cette Fabela le plus rapidement possible.
Elle se rapprochait du bar. Des tableaux numériques lumineux pendaient du plafond et indiquaient les différentes consommations disponibles. Il y avait toutes sortes de cocktails, avec des effets très différents. Certains augmentaient la concentration, d'autres permettaient de changer les couleurs que percevaient les yeux, voire d'halluciner complètement. Des chambres privées pouvaient également se louer avec différents services réalisés, une fois de plus, par des Immigré(e)s... Un "flash info" clignotait en rouge sur l'un des écrans, indiquant : "les ventes aux enchères de Greg Martin sont suspendues provisoirement".
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LUTÈCE
Ficção CientíficaA son réveil, tout est flou, tout est vide. Le monde tremble. Quel est son nom déjà... Ly...Lydia. Quelle est cette scène où elle se trouve ? Où l'on crie son nom, où la lumière est aveuglante, où l'on scande des prix. C'est une vente aux enchères...