Hagar et Lydia foncèrent à toute allure à travers les couloirs et dévalèrent les cinq étages à une vitesse impressionnante. Dans le salon du manoir, Hug, Zay et tous les jeunes étaient agglutinés contre les fenêtres et observaient, en tremblant pour certains, l'imposant hélico-drone se poser à l'extérieur, juste sous leurs yeux, déracinant plusieurs arbres de la forêt dans sa manœuvre. Tous étaient vêtus d'une chaude combinaison et semblaient prêts pour le départ, à en juger par la quantité de valises occupant l'énorme espace du salon. Ils tournèrent à l'unisson la tête vers Hagar et Lydia qui les rejoignirent, slalomant entre les bagages.
— Ly...Lydia, Hagar ! Qu'est-ce que c'est... ? pleurnicha Qwil.
Les intéressées ne surent quoi lui répondre. Elles-mêmes l'ignoraient.
— On a activé le système de sécurité de la maison, dit Hug d'une voix sombre en regardant la jeune rousse. Peu importe ce qui va sortir de là, si ça s'approche trop du manoir ça va se faire désintégrer par les lasers protecteurs.
Lydia hocha la tête d'un air grave, c'était ce qu'il fallait faire. À l'instar de ses camarades, elle n'arrivait pas à quitter des yeux le gigantesque engin volant en forme de demi-boule d'une blancheur éclatante, à présent bien ancré dans le sol terreux grâce à ses pattes robotiques. Ses hélices, aux pales aussi imposantes que des chênes centenaires, commençaient à progressivement s'arrêter de tourner.
"Système de sécurité du manoir désactivé", dit la voix désincarnée s'échappant du panneau de commandes de l'entrée du manoir.
Les mots mirent quelques temps à atteindre le cerveau en panique de Lydia. Lorsqu'elle en saisit enfin le sens, elle comprit que la ou les personnes dans l'hélico-drone possédaient un système de contrôle à distance du manoir. Ils n'étaient plus protégés à l'intérieur.
— Ne restez pas là ! hurla-t-elle à ses camarades. Courez ! On va se réfugier dans les étages !
Qwil et Azar crièrent. Mia, Nala et Mike les attrapèrent par le bras pour les traîner en courant vers les escaliers. Hug saisit la main de sa fille et Zay entraîna les autres adolescents. Tous se précipitèrent vers les premières marches qui grimpaient aux étages lorsque la porte d'entrée s'ouvrit à la volée.
Ils tournèrent la tête dans leur course et aperçurent un grand homme brun en costume sombre, avec des yeux noirs impitoyables qui se posèrent sur chacun d'eux, en terminant par Lydia qu'il toisait avec intensité.
Cette dernière s'arrêta net dans son mouvement de fuite et leva la main en direction de ses camarades pour leur signifier d'attendre. Bien qu'au courant qu'il s'agisse de son manoir, Zay et Hagar ne purent s'empêcher de laisser échapper un petit cri devant cette apparition. Hug et Fabela eurent un mouvement de recul, plusieurs jeunes affichèrent un air hébété et d'autres, complètement effrayés, se demandaient s'il était celui qu'ils croyaient qu'il était.
— Dépêchez-vous, dit Mr. C d'une voix forte depuis l'encadrement de la porte d'entrée. Les hommes de Greg Martin arrivent. Grimpez dans l'hélico-drone, je vais vous conduire à destination.
Ahuris par ces propos, tous regardèrent Lydia, ne sachant que faire. Cette dernière, les yeux rivés sur Mr. C, n'hésita pas une seule seconde.
— Faîtes ce qu'il dit ! Prenez vos affaires et grimpez à bord.
Certains jeunes avaient encore l'air complètement tétanisés. Cette fois, ce fut Hug qui aboya :
— Vous attendez quoi !? Vous avez entendu Lydia, non ? Alors dépêchez-vous !
**
Cinq minutes plus tard, la cohue qui régnait au rez-de-chaussée du manoir s'organisait peu à peu. Dans un ordre presque militaire, bien que tous soient très effrayés, les jeunes récupérèrent leur valise et se dirigèrent un à un vers l'extérieur, évitant à tout prix de regarder dans les yeux Mr. C , qui leur indiquait comment grimper dans l'embarcation volante. Hug, Zay et Lydia collaboraient avec Mr. C pour diriger les opérations, aidant à charger chaque bagage dans l'imposante soute de l'hélico-drone et attribuant un siège à chaque jeune dans la cabine.
Lorsque tous furent installés, il ne manquait plus que Lydia qui était remontée au cinquième étage pour prendre sa valise qu'elle avait laissée là-bas. Mr. C l'y avait suivie sans un mot. Une fois dans la chambre, sans même se regarder, ils empoignèrent chacun une partie de la grosse valise et la soulevèrent afin de la faire descendre dans les étages. La manœuvre fut compliquée, d'autant plus qu'ils agissaient dans la précipitation. Mr. C descendait à reculons, portant le bas de l'encombrant bagage. Lydia, quant à elle, en soulevait le haut et descendait les marches dans le bon sens en accordant ses pas à ceux de Mr. C afin qu'aucun d'eux ne perde l'équilibre sur le marbre lustré.
Durant l'interminable descente de cinq étages, elle jetait de temps à autre un coup d'œil sur le visage de celui qu'on surnommait "l'Ange de la mort". C'était la première fois qu'elle le regardait sans être à moitié droguée, malade ou abrutie de fatigue. Il avait le visage couvert de cicatrices. Elle ne parvenait pas à lui donner un âge, l'estimant avec imprécision avoir entre vingt-cinq et trente-cinq ans. Son front était plissé sous l'effort, quelques gouttes de sueur y perlaient, humidifiant ses mèches brunes plutôt indisciplinées. Bien qu'il soit d'un calme impressionnant compte tenu de la situation, une aura sombre, presque meurtrière s'échappait de lui et Lydia comprenait son surnom d'Ange de la mort.
Ses yeux noirs et perçants croisèrent ceux de la jeune femme, qui ne cilla pas.
— Lydia, tu me regardera plus tard, dit-il de sa voix grave. Concentre-toi pour ne pas louper de marches, il faut presser l'allure.
Sans être gênée par cette remarque, Lydia hocha la tête et accéléra la descente. Ils arrivèrent enfin au rez-de-chaussée et quittèrent le manoir par la porte d'entrée laissée grande ouverte.
Le vent glacial les fouettait tandis qu'ils rejoignaient l'hélico-drone, chacun de leurs pas crissant dans la neige fraîche. Bien qu'en léger costume, Mr. C ne semblait pas avoir froid. Tous deux trainaient la valise derrière eux, agrippant chacun fermement un morceau de poignée, laissant une longue traînée dans la poudre blanche à mesure qu'ils avançaient.
La rampe d'accès à la soute était toujours ouverte et descendait jusqu'au sol en pente douce, leur permettant d'y grimper aisément.
Mr. C et Lydia étaient en train d'attacher la grosse valise dans un coin de la soute avec celles des autres lorsque cette dernière s'écria :
— J'ai oublié ma camionnette ! Il y a mon quad dedans !
Son interlocuteur la regarda en fronçant les sourcils.
— Oublie-les, il faut partir maintenant.
Lydia hésita. Elle avait terriblement envie de les emmener. Ses engins à moteurs étaient ses bijoux. De plus, le petit Ty avait commencé à apprendre à les conduire et elle savait qu'il s'y était également attaché. Elle n'était pas raisonnable. Sans laisser le temps à Mr. C de réagir, elle fit demi-tour en courant pour sortir de la soute.
— J'en ai pour trente secondes ! s'écria-t-elle avant de disparaître.
Effectivement, quelques courts instants plus tard, elle revint au volant de sa camionnette grise et la fit grimper dans la soute de l'hélico-drone sous le regard agacé de Mr. C. Il actionna la fermeture de la rampe d'accès, les plongeant ainsi dans l'obscurité totale. Quelques pâles néons s'allumèrent, les éclairant faiblement.
— Comment peux-tu être aussi têtue ? souffla-t-il lorsque Lydia descendit de son véhicule.
La jeune femme haussa les épaules en fermant sa portière, provoquant un écho amplifié par l'immensité vide de la soute aux parois métalliques. Lydia et Mr. C se dépêchèrent d'attacher la camionnette grâce à des harnais spéciaux qui jonchaient le sol. Lorsque le véhicule fut enfin solidement immobilisé, tous deux se dirigèrent vers des capsules verticales en verre au fond de la soute, qui étaient des ascenseurs montant vers la cabine.
Alors qu'ils s'engouffraient dedans, Lydia entendit plusieurs bourdonnements qui se rapprochaient à grande vitesse.
— Ils arrivent... murmura-t-elle.
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LUTÈCE
Science FictionA son réveil, tout est flou, tout est vide. Le monde tremble. Quel est son nom déjà... Ly...Lydia. Quelle est cette scène où elle se trouve ? Où l'on crie son nom, où la lumière est aveuglante, où l'on scande des prix. C'est une vente aux enchères...