27. Moscowia

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Le soir, dans son lit, Lydia fixait le plafond. Cette fois-ci, elle était bien réveillée lorsque quelques bribes de souvenirs étonnamment détaillés dansaient devant ses yeux.


Dix ans plus tôt, Grand Palais Royal de Moscowia

Lydia était au début de l'adolescence, espiègle et pleine de vie. Ses cheveux roux lui arrivaient aux épaules, flottant derrière elle tandis qu'elle courait dans les interminables couloirs du Palais. Elle était arrivée en ces lieux il y avait de cela plusieurs mois, elle avait donc déjà pris ses repères et connaissait le Palais comme sa poche. Elle en maîtrisait même les passages secrets, qu'elle avait explorés en cachette, des nuits durant, avec Caelan. Ce dernier était de quelques années son aîné et ne manquait jamais de l'entraîner dans une quelconque aventure. Lydia avait fait sa connaissance le jour de son arrivée dans le Palais mais ses souvenirs demeuraient toujours flous et elle ne rappelait pas les raisons de sa venue. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait assisté au couronnement de celui qui venait d'être élu futur Roi, à savoir Caelan Kavanov.

La jeune Lydia arriva devant une lourde porte. Elle toqua. Une voix d'enfant lui cria d'entrer en moscowien. Lydia comprenait parfaitement cette langue. Elle poussa la porte pour pénétrer dans la pièce. C'était une chambre aux dimensions démesurées, royales. Plusieurs servantes s'affairaient autour d'une petite fille blonde en fauteuil roulant. L'une la coiffait, une autre entretenait la mécanique de son fauteuil et la dernière lui appliquait une machine étrange sur ses mollets pour en améliorer la circulation sanguine.

Lydia ! cria la fillette avec tant d'enthousiasme qu'elle se renversa presque du fauteuil, sous les regards sévères des servantes. Je t'attendais ! Tu étais encore avec mon frère ?

Lydia rougit, ce qui n'échappa pas à la petite fille vive et maligne.

Oh, elle est amoureuse ! chanta-t-elle de sa petite voix cristalline.

Mais non Irina !

Le teint de la jeune rousse était tellement rouge qu'il provoquait un contraste surprenant avec ses cheveux. Son embarras faisait davantage rire Irina qui chantait plus fort. Agacées, les servantes pincèrent les lèvres et l'une d'entre elle meugla.

Un peu de tenue mesdemoiselles !

Irina s'assura qu'elles ne la voyaient pas avant de regarder Lydia avec une grimace tout en bougeant sévèrement la tête, les lèvres pincées. L'imitation était parfaite, la jeune rousse faillit éclater de rire. À la place elle toussa d'une manière plus ou moins convaincante.

Vous avez bientôt fini de la préparer ? demanda-t-elle aux servantes.

La coiffeuse souffla d'une manière très désagréable.

Si nous pouvions faire notre travail sans être dérangées, nous aurions fini depuis longtemps !

Lydia ne s'en offusqua pas. Elle connaissait la délicatesse légendaire des moscowiens, cela la faisait même rire.

Lorsqu'elles terminèrent enfin la préparation d'Irina, Lydia se jeta aux commandes du fauteuil, le poussant avec force sur le sol lustré.

Attention voyons ! hurla l'une des servantes.

Mais trop tard, Lydia et Irina étaient déjà loin et fonçaient comme des bolides à travers les couloirs. La fillette criait de joie, ne cessant de hurler des "roule plus vite !". Elles quittèrent le palais, s'engouffrant dans les immenses jardins d'une beauté à couper le souffle. Épuisée d'avoir tant couru, Lydia finit par s'arrêter devant un banc en pierre, s'affalant lourdement dessus après avoir actionné le frein du fauteuil d'Irina.

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