33. La N.S.U.V

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De retour dans le froid glacial des rues de Kiev après leur rendez-vous, Zay et Lydia s'activèrent autour du quad pour y ranger le sac de billets largement allégé et s'équiper de leurs casques protecteurs. Heureusement, leur prochaine destination était proche et elles n'auraient pas à supporter longtemps cette météo qui ne faisait que se dégrader.

Elles roulaient en silence, satisfaites de cette petite victoire. Elles avaient enfin un toit sûr qui les attendait, pour elles, Hug et tous les jeunes qui avaient tant souffert, loin de Greg Martin et proche de la petite sœur de Zay... Le mauvais pressentiment de Lydia ne l'avait pas quittée et elle était très pressée de partir. Il ne manquait plus que Hug termine les fausses cartes des jeunes et quelques détails supplémentaires qu'elle comptait régler elle-même aujourd'hui, à Kiev.

Le GPS conduisit les deux amies en face d'une imposante structure d'un rouge criard. Perchée en hauteur, une écriture massive en bloc de lettres vertes indiquait "N.S.U.V de Kiev". De grandes baies vitrées ornaient la façade avant, laissant apercevoir l'intérieur de la gare animée.

Lydia gara le quad et les deux amies en descendirent et enlevèrent leur casque en frissonnant lorsque le vent impitoyable gifla leur visage. 

— Sacrée station, siffla Zay entre deux tremblements, les yeux rivés sur la baie vitrée.

La jeune rousse approuva d'un signe de tête.

— Que fait-on maintenant ? demanda Zay. On se plante au milieu et on regarde leur système de sécurité ? Ils vont trouver ça louche, non ?

— Ne t'inquiète pas, suis-moi j'ai une idée !

Elle prit Zay par le poignet et l'entraina vers la gare.

— AÏe, se plaignit son amie, ça fait combien de temps que tu ne t'es pas coupée les ongles ? Tu m'écorches la peau !

— Ah, désolée, rit Lydia tandis qu'elles pénétraient dans le hall de la station.

Elle lâcha le poignet de son amie et observa distraitement ses mains. Effectivement, elle devrait se couper les ongles. Ils poussaient vite et toujours de cette façon plutôt pointue, assez disgracieuse, ce qui avait l'art de l'agacer. Ça lui était déjà arrivée plusieurs fois de se couper elle-même lorsqu'elle n'y prêtait pas attention. 

— Alors vilain matou, rigola Zay dans la cohue du hall, c'est quoi ta super idée ?

— Que dirais-tu d'un bon repas chaud ?

— Volontiers ma chère !

Elles se dirigèrent vers l'un des restaurants, là où les voyageurs patientaient tranquillement avec un petit casse-croûte en attendant le départ de leur navette. Elles en choisirent un avec une vue dégagée sur le hall.

Les deux amies s'attablèrent juste devant la vitre qui offrait une vision panoramique sur la station. Tout semblait automatisé dans le restaurant, il n'y avait pas de serveurs humains, simplement des machines. Le design du lieu était assez extravagant, avec des néons rouges et verts qui créaient une lumière tamisée, des grandes tablettes électroniques "imitation tableau" collées au mur et qui surprenaient lorsque les personnages dessus se mettaient à bouger, et enfin, des tables rondes métalliques, connectées et interactives, possédant un écran fin avec un texte qui y défilait : "bienvenue, veuillez insérez vos cartes Citoyens dans les fentes prévues à cet effet". 

Une petite poignée de voyageurs occupait des tables un peu plus loin. Zay et Lydia pouvaient parler sans risquer d'être entendues.

— Pour l'instant, je n'ai vu aucun contrôle approfondi particulier, dit Lydia en balayant des yeux le hall devant elle.

Elle observait les voyageurs qui, par petits groupes, se pressaient sur les bornes de réservation d'une navette. Elle les vit insérer un à un leur carte dans la machine et se faire scanner de la tête aux pieds. La procédure semblait s'arrêter là, la machine crachait ensuite des tickets pour chaque voyageur. Cela semblait parfait pour eux.

Rassurées sur ce point mais décidées à rester observer tout de même quelques heures pour en être sûres, Lydia et Zay, affamées et souhaitant joindre l'utile à l'agréable, insérèrent leur carte dans la table. Presque aussitôt, un petit robot cubique roula jusqu'à elles. Sa voix métallique était claire et sonore.

"Bonjour, je suis PIOU-XI-SS, votre humble serviteur durant tout le temps que vous passerez ici, dans notre délicieux restaurant. Je vous invite à démarrer votre expérience culinaire par des amuse-bouches. Nous avons des spécialités typiquement kieviennes..."

Il leur exposa presque toute la carte. Zay et Lydia commandèrent oralement ce qui les intéressait, le petit robot étant équipé d'une reconnaissance vocale. Il leur demanda ensuite d'insérer l'argent dans son appareil à billets. Elles s'exécutèrent et la boîte de conserve s'éloigna en leur indiquant que leur commande était prise en compte.

— À croire que les robots sont les habitants les plus sympathiques de Germania... soupira Zay.

C'était tristement vrai, songea Lydia. Elle ne quittait pas des yeux le grand hall, prête à détecter la moindre anomalie. Les voyageurs avec leur ticket patientaient devant des ascenseurs. Il y en avait une bonne vingtaine et chacun possédait un panneau d'affichage indiquant les prochains départs, le numéro de la navette, la destination et le nombre de passagers inclus dans la réservation. Ces ascenseurs descendaient probablement directement dans la N.S.U.V concernée. Les voyageurs qui s'y engouffraient scannaient simplement leur ticket. 

Le système semblait sans risque pour eux.

— Je pense que le jour du déménagement, nous partirons bel et bien de cette station, déclara Lydia.

— Affirmatif, tout à l'air sans danger. Mais nous ne pouvons pas embarquer tout le monde sur ton quad, plus les vêtements, les ordinateurs et que sais-je, pour faire la route du manoir jusqu'à Kiev.

— Effectivement, nous allons devoir nous équiper un peu. Mais pour le moment, déjeunons et continuons d'observer ce qui se passe...

Le petit robot cubique revenait justement vers elles avec un plateau chargé de mets.


LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant