37. Le départ

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Une semaine entière s'écoula. Elle avait été aussi paisible qu'un long fleuve tranquille et Lydia avait pu se reposer complètement. Son visage avait repris des couleurs et ses cernes s'étaient atténuées au point de ne devenir que de légères traces bleutées. Les journées au manoir avaient été amusantes pour chacun d'eux, excepté Hug qui avait travaillé d'arrache-pied et s'était montré de plus en plus grognon au fil des jours. Avec sa barbe et ses cheveux châtain clair qui avaient fortement poussé, il ressemblait réellement à un ours mal léché dans sa tanière de hackeur. 

Durant ces jours de paix, Lydia et Zay avaient resserré leurs liens avec tous les jeunes. Ensemble, ils avaient fait d'énormes batailles de boules de neige dans la forêt et même le petit Ty avait montré des signes de joie. Ils s'étaient également amusés avec des batailles navales en trois dimensions, de longues soirées de discussion et de plaisanteries, des banquets titanesques où les mets en abondance exaltaient leur palais et rassasiaient chacun d'eux. Ils avaient d'ailleurs tous repris du poids, laissant enfin définitivement derrière eux les silhouettes presque cadavériques qu'ils arboraient tous à peine un mois plus tôt.

Ils avaient effectué des promenades dans les magnifiques bois blancs, fait des parties géantes de cache-cache et avaient même organisé des concours de la plus longue roulade dans la neige, que Qwil avait d'ailleurs gagnés haut la main. Quand elle s'était redressée de sa roulade, elle était tellement couverte de poudre blanche qu'elle ressemblait à un bonhomme de neige, tellement fière d'avoir gagné qu'elle s'était mise à courir partout entre les arbres. 

Lydia avait appris à connaître chacun de ses protégés. Qwil, Azar et les triplés Mia, Nala et Mike rêvaient de devenir "constructeurs de maisons", ils avaient même déjà pour ambition d'ouvrir leur entreprise dès lors qu'ils seraient diplômés. Lydia leur avait demandé la raison de ce rêve et ils avaient répondu qu'ils voulaient construire plein de maisons comme ce manoir, pour rassembler des familles et rendre les gens heureux. 

Fabela voulait être informaticienne, comme son père, pour hacker le système germanien et mettre le plus de pagaille possible. D'ailleurs, Hug, fier comme un coq, avait déjà commencé à lui enseigner les rudiments. Les autres adolescents, Rita, Wayne, Kio et Caïn, avaient, comme leurs benjamins, un projet de création d'entreprise après leur diplôme. Ils étaient passionnés de technologies et rêvaient de créer et vendre leurs propres robots. Gox et Hagar, les aînés, souhaitaient simplement ouvrir une association d'aide aux Immigrés et œuvrer pour leurs droits. Lorsque Lydia avait interrogé Ty sur ses projets, le garçon avait rougi en regardant ses pieds. Il avait ensuite répondu d'une toute petite voix qu'il voulait devenir Pilote. La jeune femme avait alors souri en lui proposant de commencer à lui apprendre à conduire. Il avait accepté avec ferveur, semblant ne pas croire en sa chance.

Ensemble, ils avaient alors fait des balades en quad et en camionnette, où Lydia avait enseigné au garçon les bases de la conduite, les différentes commandes et l'avait même laissé prendre le volant. Il apprenait vite et était étonnamment doué pour un garçon de douze ans.

Lydia n'avait jamais éprouvé autant d'insouciance et d'amusement depuis son réveil dans la cage de Greg et elle aurait presque souhaité que cette merveilleuse semaine s'éternise encore et encore.

Cependant, Hug avait terminé, la veille, la dernière carte Citoyen et aujourd'hui était le jour de départ pour Avalon.

C'était la folie dans le manoir. Tout le monde courait partout, montait dans les étages, redescendait, remontait encore. Chacun préparait ses affaires, prenait des provisions en vue du long voyage qui les attendait et empaquetait ses vêtements dans les grosses valises que Lydia avait achetées pour l'occasion 

La jeune femme en faisait autant, à la fois excitée à la perspective du déménagement mais également anxieuse. L'affreux pressentiment ne l'avait pas quittée et elle craignait de tout son cœur que le trajet ne se passe pas aussi bien que prévu.

La lumière matinale perçait faiblement les nuages et s'infiltrait à travers les fenêtres de sa chambre tandis qu'elle vidait l'armoire pour remplir sa grosse valise. Elle n'oublia pas d'emporter les dix millions de Mr. C ainsi que son argent personnel. 

Elle était vêtue chaudement d'une combinaison bleu marine isolante avec une doublure interne en fourrure et de bottes en cuir lassées jusqu'à ses genoux . Cette tenue était confortable, chaude et permettait une grande liberté de mouvements. Lydia pensa également à ranger sa tablette dans sa valise et inspectait sa chambre pour être sûre de n'avoir rien oublié.

Elle contemplait presque avec nostalgie les murs blancs et son grand lit moelleux. Elle s'était sentie chez elle dans ce manoir mais avait été tellement pressée de déménager qu'elle n'avait pas imaginé qu'il aurait été aussi difficile de partir. D'autant plus qu'elle ne reviendrait probablement jamais ici. Son voyage était sans retour en arrière possible, elle le savait.

Pour mettre fin au flot d'émotions mélancoliques qui l'envahissaient à ce moment précis, elle décida de se changer les idées en tentant d'attacher sa tignasse désordonnée.

Tout en se bataillant avec ses mèches rousses, elle laissait son regard se balader par delà les hautes fenêtres de sa chambre donnant sur la forêt. Une épaisse couche de neige recouvrait la cime des arbres, leur donnant l'impression d'être vêtus d'un manteau immaculé. 

— Lydia ? Je peux entrer ? dit la voix de Hagar à travers sa porte close, arrachant Lydia à sa contemplation.

— Oui, répondit-elle en direction de la porte qui s'ouvrit aussitôt.

L'aînée de la fratrie de cœur était vêtue de la même sorte de combinaison que Lydia, d'un blanc éclatant qui lui allait à ravir. Ses cheveux châtain foncé lui arrivant en bas de la nuque étaient noués en une demi queue qui dégageait son visage, mettant ainsi en valeur ses magnifiques yeux ambrés.

— J'ai fini de préparer mes affaires, dit-elle en s'approchant. Je voulais voir si tu avais besoin d'ai...

Elle ne termina pas sa phrase alors qu'elle remarquait la bataille féroce qu'était en train de mener Lydia avec sa tignasse indomptable, ne faisant qu'empirer le désordre parmi ses longues mèches. La jeune fille éclata de rire devant l'air désespéré de Lydia.

— Attends ne bouge pas, je vais démêler ça !

Hagar se plaça derrière elle et commença à arranger doucement ses cheveux. Lydia soupira de soulagement et la laissa entièrement faire.

— Heureusement que tu es venue, j'étais à deux doigts d'appeler l'armée au secours.

Elle entendit la jeune fille rire derrière elle. Elle démêlait agilement ses mèches, avec patience et expertise. 

— C'est le grand jour Lydia... souffla-t-elle. 

— Oui... mais je ne serais soulagée que lorsque nous serons tous en sécurité à Avalon.

— Moi aussi. D'ailleurs, je n'ai presque pas dormi de la nuit.

Les mains douces d'Hagar relevèrent la crinière de Lydia en une élégante queue de cheval haute. La jeune rousse la remercia avec ferveur, heureuse du confort que lui conférait cette coiffure. Elle attrapa sa grosse valise et toutes deux s'apprêtaient à quitter la chambre lorsque Lydia entendit un son étrangement familier. 

— Quel est ce bruit ? demanda-t-elle, ne parvenant toutefois pas à l'identifier.

Hagar tendit l'oreille, perplexe.

— Quel bruit, Lydia ?

Comment pouvait-elle ne pas l'entendre ? Le bruit se rapprochait, semblable à un bourdonnement. Lydia eut un doute. C'était peut-être ses oreilles qui avaient un soucis après tout. Elle eut la confirmation que ce n'était pas le cas lorsque Hagar finit par réagir. Elle écarquilla ses yeux ambrés.

— Si, ça y est je l'entends ! Oh Lydia, je n'aime pas ça. Qu'est-ce que ça peut bien être... ?

Les deux jeunes femmes coururent à la fenêtre et guettèrent le ciel, là d'où semblait provenir le bruit. Lydia sentit son cœur battre à tout rompre tandis qu'un gigantesque hélico-drone descendait à grande vitesse juste devant le manoir.

LUTÈCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant