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2 jours. 

C'est le temps que je viens de passer à m'ennuyer au gnouf. Aujourd'hui, ou plutôt ce soir dès qu'il rentrera, Minho jugera si je suis apte à m'aventurer dans le labyrinthe. Je l'espère de tout mon cœur. 

Des pas s'approchent. Je lève la tête et voit Sourcilman. Il ouvre ce qui sert de porte à leur prison dégoûtante et me tend une main. Rien que pour l'énerver, j'attrape le bord et me hisse jusqu'à la sortie. Il me lance un regard exaspéré et enlève sa main qui était restée dans le vide. 

- Alby a décidé de faire un tour dans le labyrinthe pour comprendre comment Ben a pu être attaqué en plein jour, dit-il avant de partir. 

Vraiment bizarre ce type. Je regarde autour de moi, cherchant quelque chose à faire. Je suis d'une lassitude monumentale. Blasée. Comme si ces deux jours avaient réussi à me vider de toute émotion. 

Bien évidemment, je n'ai eu personne pour me tenir compagnie, à part Frypan qui passait pour me donner à manger. Passionnant. 

En fait, plus le temps passe, plus je réalise à quel point je ne représente rien pour les blocards. C'en devient affligeant. 

Je soupire bruyamment. Je décide de me promener du coin de la forêt, comme je le fais maintenant dès que j'ai besoin de me recentrer sur moi-même et la situation. Elle a un côté apaisant. Calme et puissante. Forte et imprévisible. Vulnérable et invincible. "Tout comme moi", je me surprends à penser. 

Mon problème se décompose en trois parties. Je ne suis pas capable d'aller dans le labyrinthe. J'en suis capable mais je ne trouve rien. J'en suis capable et je trouve quelque chose.

Dans la première situation, je n'aurai pas d'autre choix que de me ramener à mon idée initiale : y aller sans autorisation. Mais si je prends cette voie, et qu'elle débouche sur la deuxième hypothèse, j'ai directement signé mon arrêt de mort. Aussi bien du côté des griffeurs que de celui des blocards. Si je ne trouve rien mais que j'ai l'autorisation, je passerais juste pour une désespérée qui a fait tout ça pour rien. 

Mais la troisième option... Elle m'apporterait des réponses. Voire un ticket de sortie. Aller simple vers la liberté. Quoique. Je ne sais rien de ce qui se trouve derrière. Peut-être qu'il n'y a pas de sortie. Peut-être que Dehors n'existe pas. 

Toujours la même chose : trop de questions pour peu de réponses. Je ne cesse de m'interroger mais je ne sais pas quoi faire. Je vais attendre. Attendre ce soir pour savoir si je peux y aller. 

Je passe machinalement ma main sur mon avant-bras gauche. Je me rends compte que je pleure lorsqu'une larme se met à brûler ma joue. A croire que la perte de mémoire n'a pas effacé certaines réactions, certains automatismes. C'est à la fois rassurant et perturbant. 

Il est déjà midi. Je me dépêche pour tenter de manger quelque chose, même si je sais pertinemment que mon estomac ne va pas l'accepter avec joie. Trop d'angoisse. Je prends une bouchée. La nausée me monte déjà. Je préfère partir, retourner vers la forêt. Au cas où. La faim tiraille mon ventre mais mon corps me hurle de rejeter toute nourriture. Si je veux courir, j'ai besoin de forces. Elle est dans la nourriture. Nourriture qui va m'affaiblir. 

Finalement, je ne fais rien.

- C'est du gâchis, fait une voix dans mon dos.

Je me retourne et constate la présence de Thomas. Encore. Il a décidé de me suivre comme un chien toute sa vie ? 

- Pourquoi, tu le veux ? Dis-je d'un ton détaché. 

- Je dis pas non.

Alors qu'il approche sa main avec un large sourire, je lâche le petit morceau par terre. 

- Oh ! C'est dommage, c'est tombé. 

Il hausse un sourcil, décontenancé.

- Si tu crois que je suis assez bête pour ne pas comprendre votre manège. Essayez au moins d'avoir un peu plus de subtilité, dis-je d'un ton froid. 

- Quel manège ? Celui de veiller à ta santé ? 

Je me mets à rire. Un rire de démence pure. C'est le comble de l'ironie. Puis je reprends subitement mon calme, redevant impassible. 

- Sérieusement, non, je ne vais pas m'engouffrer dans votre putain de labyrinthe. Laissez-moi vivre juste cinq minutes et vous le verrez par vous même. 

Thomas paraît surpris, choqué, et totalement perdu. Il faut dire que mon attitude ne l'aide pas. Il finit par baisser les yeux face à mon expression de défi mais ne bouge pas.

Il me donne envie de vomir. Encore plus qu'avec le pain. Même pas capable d'assumer ces actes. Je suis étonnée de ma propre violence. Je le pensais peut-être vraiment, ce que j'ai dit la dernière fois. 

- Il y a une chose que vous ne comprenez pas. Je ne suis pas sous votre contrôle. Quoi que vous fassiez, je m'en sortirai. Tu connais le jeu d'échecs ? 

- Vague souvenir, murmure-t-il dans un souffle. 

- Dans ce jeu, chaque pion ne peut bouger que d'une mécanique différente. Sauf la reine. Elle, elle peut faire ce qu'elle veut. Et écraser tout le monde. Ce que vous ne comprenez pas, c'est que cette reine, dans ce jeu, c'est moi. 

S'ensuit de ma déclaration l'apparition de nuages. Et de pluie. 

Je contourne Thomas pour retourner au village. Je sens que quelque chose ne va pas. Ce dernier me suit. Encore et toujours. Quelques blocards échangent des regards inquiets. 

- Qu'est-ce qu'il y a ? J'entends Thomas demander à Newt. 

- Alby et Minho sont toujours pas arrivés. 

- Et qu'est-ce qu'il se passe s'ils rentrent pas ?

- Ils vont rentrer. 

- T'as pas répondu à ma question. 

- Ils vont rentrer. 

J'échange un regard avec le blond. Il est inquiet. Je le vois. Je le sens. 

Les autres commencent à s'approcher de l'entrée. Toujours personne. On attend, la panique monte. Le stress est palpable. 

Le pire arrive. Les portes commencent à se fermer. Au même moment, Chuck s'écrie :

- Regardez là-bas !

Minho et Alby sont au bout du couloir. En quelques secondes, ils peuvent rentrer. 

- Quelque chose ne va pas, dit Newt. 

En effet, Alby semble inconscient. Les autres blocards crient. Ils lui hurlent de revenir, qu'il a le temps. Leurs vociférations m'arrachent les tympans. 

Mais soudain, du mouvement se fait. Thomas se précipite à l'intérieur. Et sans réfléchir réellement, je le suis. 

À peine dedans, Minho relève la tête et nous dit : 

- Bien joué vous deux, vous venez de signer votre arrêt de mort.  

Au premier regard | Newt & MarylynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant