Chapitre 5 - Partie 2 - Incertitudes

60 21 49
                                    

Le seul avantage, au moins, fut que M. Adelson ne m'adressa pas la parole de l'après-midi ; ce fut à peine si je le vis. Il s'était installé sur une chaise et avait les yeux rivés sur sa liseuse. De toute façon, je n'avais pas besoin qu'il prenne la parole puisqu'il n'aurait fait que m'adresser d'autres reproches alors que la professeure de danse remplissait déjà parfaitement ce rôle – non pas que j'estimais mériter des compliments pour ma performance ; je savais pertinemment que j'étais nulle en danse, malgré mes dix ans d'entraînement étant petite –.

Lorsque la séance s'acheva, mes crampes de la veille étaient revenues encore plus vives et je fus soulagée de pouvoir enfin rentrer dans mes appartements... Je commençais à douter pouvoir supporter le rythme de ce stage, aussi bien moralement que physiquement...

***

« Elioth ?

— Oui, Alysea ? répliqua impassiblement l'interpelé sans pour autant détacher les yeux de sa liseuse de couleur violette, alors que la diva pénétrait dans ses appartements privés.

— Le problème que j'ai eu l'année dernière est revenu, lâcha-t-elle, après avoir soigneusement refermé la double porte luxueuse ornée de plusieurs améthystes scintillantes.

— Sois plus précise : ce n'est pas comme si tu n'avais pas une centaine de problèmes par semaine.

— LE problème, insista Alysea, en croisant les bras, courroucée.

— Ah lui... fit Elioth en éteignant sa liseuse et en fronçant ses fins sourcils violets. Vraiment... ? Je croyais qu'ils étaient partis pour de bon...

— Moi aussi. Mais ils sont revenus... »

Alysea lui désigna l'écran de son téléphone, sur lequel se trouvait une image en noir et blanc, au centre de laquelle était inscrit : "Vous ne pourrez fuir éternellement votre destin.".

« Tu pourrais t'en charger encore une fois, s'il-te-plaît ? reprit alors Alysea, son regard ébène ancré dans celui d'Elioth.

— J'ai une stagiaire, grâce à toi, je te le rappelle.

— Je m'en occuperai demain à ta place.

— Tu ferais cela, malgré les potentielles jalousies ?! Ton beau programme va se retrouver ruiné, à mon grand dam bien entendu...

—Arrête l'ironie, Elioth. Ce ne sera qu'une journée, le temps que tu règles leproblème.

— Quelle bonté ! Une journée pour régler le problème qui dure depuis cinq ans ! Je n'ai pas l'impression que tu saisisses l'ampleur de la situation... »

Le visage d'Alysea s'empourpra légèrement mais elle finit par reprendre :

« Ce sont peut-être des fausses menaces... et de cela, tu peux t'en assurer en seulement une journée...

— Ta naïveté me surprendra toujours...

— Et puis, cela fera peut-être du bien à Evyna de changer un peu, enchaîna Alysea sans se soucier davantage des dernières paroles d'Elioth. Si je ne m'abuse, j'ai l'impression que tout ne se passe pas parfaitement avec elle, si ?

— Ce n'est pas peu dire. Elle déteste toute forme d'art et ne se prive pas de le montrer.

— Et je suis sûre que tu as tout tenté pour le lui faire aimer, glissa Alysea en levant ses yeux noirs de jais au plafond. Déjà, comment l'appelles-tu ?

— Mlle Reyhan, » répliqua Elioth en haussant les épaules, comme s'il s'agissait d'une évidence.

Alysea poussa un soupir et lâcha en secouant la tête :

« Tu instaures déjà une distance infranchissable avec elle.

— Tu m'excuseras de ne pas avoir ton don ou celui de Veronica pour la sociabilité. Je n'ai jamais voulu participer à ce programme et je n'ai accepté que pour que tu cesses tes jérémiades.

— Ce n'étaient pas des jérémiades, se défendit minablement Alysea.

— Ne nie pas qu'elles fussent dignes d'une petite fille de treize ans. Que tu es toujours de toute façon.

— Tu es vraiment odieux parfois. Cela ne m'étonne guère que ta stagiaire n'apprécie pas davantage ce voyage, si tu te comportes de la même manière avec elle. »

Elioth ignora superbement la remarque et Alysea reprit d'un ton qu'elle voulait autoritaire :

« Elioth, demain, je m'occupe de ta stagiaire. Les jours d'après, tu la reprends en main et tu fais un effort avec elle, d'accord ?

— J'ai l'impression que tu me présentes cela comme un grand acte de générosité de ta part, nota Elioth le front plissé.

— C'est le cas ! Tu es censé t'occuper de ta stagiaire pendant deux semaines complètes, sans mon aide !

— Rappelle-moi qui a sollicité mon aide pour résoudre un autre problème auquel je suis tout à fait étranger. »

Le visage d'Alysea rougit légèrement et elle admit avec un certain embarras :

« Certes, j'avais un peu oublié...

— Tu n'as décidément pas changé depuis le jour où je t'ai retrouvée : toujours aussi irresponsable et rêveuse, petite sœur. »

Pour deux semaines et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant