Chapitre 7 - Partie 3 - Havre

58 18 62
                                    

« Alors, Evy ?

— D'accord, finis-je par concéder, pour le faire taire.

— Au moins, tu vas avoir le choix du bracelet à Idolaland ! » s'amusa mon frère.

Il n'avait pas tort, mais faire les boutiques ne m'avait jamais enchantée. Et c'était une raison de plus pour laquelle je n'achèterais pas ce bracelet. Certes, je m'en voulais déjà d'avoir menti à mon frère, mais j'étais trop énervée pour vraiment revenir sur cette décision.

***

« Elioth. »

L'intéressé releva lentement les yeux de sa liseuse face au ton courroucé d'Alysea et il découvrit l'idole plantée en face de lui, les bras croisés, abordant une expression irritée.

« Quoi, encore ? » répliqua sèchement Elioth.

Son ton était impertinent et Alysea perdit patience : elle leva sa main avant de la diriger à toute allure vers le visage d'Elioth. Ce dernier avait cependant prévu le coup et il se contenta de lui saisir brutalement le poignet, interrompant son geste.

« Si tu n'as rien de mieux à faire ici, je te prierai de bien vouloir sortir de mes appartements, riposta Elioth avec mépris.

— Lâche-moi, » intima Alysea en lui jetant un regard furibond.

Elioth lui obéit avant de baisser la tête vers sa liseuse.

« Elioth, regarde-moi et écoute-moi ! »

L'interpellé ne fit pas le moindre mouvement, mais cela ne découragea pas Alysea de poursuivre :

« Je t'ai demandé de faire un effort avec ta stagiaire ! Et toi, le meilleur truc que tu trouves à faire avec elle, c'est de l'envoyer subir un cours de chant avec ce vieux grincheux ! Tu sais qu'il déteste les débutants, qu'il est cassant, odieux et j'en passe !

— Elle est tout aussi odieuse, rétorqua simplement Elioth.

— Toi de même ! Elle va mettre une note horrible à notre programme, elle va le pourrir !

— Notre programme ? releva Elioth. Tu veux dire TON programme, non ? Car, si mes souvenirs sont bons, je n'ai jamais voulu y participer. Non pas que cette perception ait changé aujourd'hui.

— Eh bien, il va falloir qu'elle change ! coupa Alysea. Fais un effort et essaye d'être un MI-NI-MUM sympathique avec elle ! Ce n'est tout de même pas compliqué ; pose-lui des questions, intéresse-toi à ce qu'elle fait dans sa vie, demande-lui ce qu'elle voudrait faire comme activité...

— Facile, elle veut rentrer chez elle et ne rien faire en rapport avec notre art. Il fallait voir son expression réjouie qu'elle a vainement tenté de dissimuler ce matin lorsque je lui ai annoncé qu'elle avait quartier libre pour une demi-journée.

— Si tu faisais un effort, Elioth, elle ne serait pas aussi réticente à participer aux activités, contra Alysea, refusant de céder. Mais non, tu es détestable, méprisant à son égard alors elle veut t'éviter : quoi de plus normal ? Elioth, te rends-tu compte que tu détruis ton image en agissant de la sorte ?!

— Comme si cette fille avait la moindre influence sur la perception que le monde entier a de moi ! ricana Elioth. Et puis, tu sais très bien que je ne fais rien de spécial pour améliorer mon image ; je ne fais que mon travail.

— Oui, je sais, tu fuis toutes les conférences de presse, tu déclines toutes les offres de duo, même avec moi au passage – Alysea lui jeta un regard chargé de rancune, avant de poursuivre –, toutes les propositions de travail avec d'autres personnes... Mais c'est moi qui donne tes conférences de presse et qui argumente avec nos partenaires pour amoindrir les conséquences de tes refus !

— Comme si ce travail te déplaisait, railla Elioth. Tu adores parler au public et aux journalistes !

— Elioth, ce que j'essaye de te faire comprendre, et apparemment c'est dur à assimiler, c'est que ton image va décliner si tu ne fais rien pour l'entretenir. Et là, avec ta stagiaire, tu accélères sa destruction et je ne pourrai rien y faire ! Certes, Evyna n'est pas le monde entier, mais elle va sûrement en parler à Sophy, qui, elle, n'hésitera pas un instant avant d'en faire part à d'autres... puis après c'est l'effet boule de neige inarrêtable ! »

Elioth leva les yeux au plafond, absolument pas convaincu.

« Et puis, c'est simple, regarde parmi nos idoles : lesquelles t'adressent la parole sans prendre mille et une pincettes ?! Ne cherche pas, il n'y en a pas trente-six mille : il n'y a que moi !

— Comme si Veronica n'est pas tout aussi familière que tu ne l'es, riposta Elioth.

— C'est son attitude normale envers tout le monde, coupa Alysea. Simplement, quand nous parlons toutes les deux, je comprends bien qu'elle te redoute, qu'elle te trouve trop hautain ! Et ce n'est pas seulement l'avis de Vero ! D'autres idoles pensent de la même manière, j'en suis sûre !

— Tu en es sûre ? Quelle preuve ! ironisa l'idole.

— Oui, car ils t'évitent, ils semblent marcher sur des œufs à chaque fois qu'ils me parlent de toi ! C'est presque comme si je leur faisais peur aussi, à cause de toi !

— Rappelle-moi qui a eu la brillante idée de laisser suggérer que nous sortions ensemble, cingla Elioth.

— Tu as approuvé cette idée et tu l'as toi-même qualifiée de brillante ! s'indigna Alysea, avant de froncer les sourcils. Attends... tu veux dire que c'était ironique quand tu l'avais qualifiée de brillante... ? J'aurais juré que tu étais sincère...

— Je l'étais, réfuta Elioth, presque calmement. Simplement, tu es en train de te plaindre de ta propre décision et ses fâcheuses conséquences. Je te fais juste remarquer ta volatilité en termes d'opinions.

— Tu es vraiment tordu... soupira la diva.

— Tu l'es tout autant, Alysea. »

L'interpellée ne répliqua rien, mais Elioth ne se leurrait pas : elle allait reprendre son argumentation futile dans quelques instants, avec moins d'entrain certes. Et effectivement :

« Qu'importe ! Elioth, je veux que tu fasses un effort avec Evyna. Demande-lui ce qu'elle veut faire, parle-lui sans te montrer hautain... je ne sais pas... fais semblant de t'intéresser à elle ! Elioth, toutes les filles te vénèrent, Evyna ne devrait pas être l'exception !

— Je n'ai jamais demandé qu'elles me vénèrent, répliqua sèchement Elioth.

— Je sais, tu ne fais rien pour, ce que je ne comprends toujours pas d'ailleurs ! Tu devrais en profiter parfois ! Et là, tout particulièrement ! Evyna devrait t'adorer, te trouver fantastique et non te voir comme une idole hautaine et imbue d'elle-même ! »

Elioth ne répliqua pas, signe inéluctable qu'il n'avait pas la moindre intention de changer de comportement, et Alysea poussa un ultime soupir.

« Elioth... je suis persuadée que tu passes à côté de quelque chose en refusant d'interagir avec tes fans... Elioth, je veux ton bonheur...

— Non, tu veux surtout que ton programme acquiert une renommée internationale afin de devenir encore plus riche et célèbre que tu ne l'es maintenant.

— Certes, mais je souhaite aussi que tu sois heureux !

— Et qu'est-ce-qui te prouve que je ne le suis pas déjà ?

— Tu ne peux pas être heureux en passant ta vie, reclus dans tes appartements en train de préparer ta prochaine performance !

— Tous n'ont pas la même conception de la célébrité que toi, Alysea. »

La diva soupira et secoua la tête, ne sachant plus quel argument avancer pour convaincre l'idole obstinée. Elle finit par lâcher :

« Très bien, Elioth, si tu es heureux comme tu es... Cependant, je t'en prie, fais un effort avec Evyna, juste pour les quelques jours qu'il reste... Fais-le pour moi. »

Seul le silence lui répondit, Elioth s'étant replongé dans sa lecture sans lui accorder le moindre regard. Les épaules d'Alysea s'affaissèrent mais elle se résigna à quitter les appartements du jeune homme... elle avait tout essayé... Elle n'avait pas de regrets à avoir... mais ce n'était qu'une maigre consolation face à son échec...

Pour deux semaines et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant